Île-de-France : les nouvelles conditions de financement des missions locales suscitent des inquiétudes

La nouvelle convention annuelle d’objectifs et de moyens de la région Île-de-France relative aux missions locales conditionne quasi intégralement le financement de ces dernières aux placements dans les dispositifs régionaux. Ce qui reviendrait à en faire des "prestataires de service", dénonce l'association régionale des missions locales selon laquelle ce mode de financement pourrait aboutir à couper de moitié le financement régional des structures. La région assume ce choix arguant du peu de placements vers les dispositifs de formation régionaux au regard des 250.000 jeunes sans emploi ni formation, les "Neets". Elle prépare un nouveau dispositif d'insertion pour 2023.

Les missions locales considérées comme des "prestataires de service" par la région Île-de-France ? C’est le sentiment qu’elles ont à la lueur de la convention annelle d’objectifs et de moyens adoptée par le conseil régional le 13 décembre, "sans concertation". Cette convention prévoit de financer les missions locales "quasiment exclusivement (90%) en fonction des orientations des jeunes sur les dispositifs de formation financés par la région sur la base d’un tarif forfaitaire pour chaque entrée", s’offusque l’Association régionale des missions locales, dans un communiqué du 13 décembre. Une ARML d’autant plus remontée que la région aurait décidé de lui supprimer l’intégralité de sa subvention de 600.000 euros.

La convention en question souligne que "dans l’objectif d’une insertion durable des jeunes", la mission locale "mettra tout en œuvre pour favoriser le développement de leurs compétences et leur accès à la qualification en mobilisant les dispositifs régionaux de formation et les aides régionales adéquates". La subvention de fonctionnement de la région repose sur une partie "socle" de 10% maximum, répartie en fonction du poids de chaque mission locale, et une partie "performance" adossée à des critères de résultats reposant exclusivement sur l’utilisation des outils mis en place par la région : revenu jeunes actifs, chèque permis de conduire, entrée en formation dans les autres dispositifs de la région. Pour l’ARML, "ce modèle revient à considérer les missions locales comme des prestataires de service, le rôle des missions locales étant réduit à celui d’une agence de placement sur les dispositifs du conseil régional". Ce mode de financement relègue au second plan leurs autres missions : repérage des Neets, lutte contre le décrochage scolaire, accès à l’apprentissage, orientation, relations avec le monde économique, accompagnement global des jeunes (santé, logement, transport)…

La jeunesse "grande cause régionale"

Jusqu’à présent, le budget accordé par la région aux missions locales était de 16 millions d’euros. Avec ces nouvelles règles de calcul et compte tenu du niveau de placement dans les dispositifs régionaux ces trois dernières années (soit 15.000 entrées annuelles), il pourrait diminuer de moitié, à 8 millions d’euros. L’équivalent de 160 postes serait en jeu, sauf à doubler les entrées dans les dispositifs régionaux.

Mais la région, qui dit faire de la jeunesse sa "grande cause" pour 2023, assume parfaitement ses choix de "corréler la subvention aux performances". Elle prévoit de lui consacrer au total 2 milliards d’euros sur l’année. Instauré en 2021, le revenu jeunes actifs consiste en une aide pouvant aller jusqu’à 6.000 euros sur six mois pour les 18-25 ans sans emploi qui suivent une formation qualifiante dans un des 11 secteurs en tension (BTP, industrie, sécurité, filières sanitaires et sociales, numérique, agriculture, environnement…). Les jeunes en insertion peuvent aussi recevoir un chèque de 1.300 euros pour passer leur permis de conduire. "Les missions locales ont orienté 14.000 jeunes vers les dispositifs de formations régionaux, c'est peu au regard des 250.000 jeunes sans emploi et sans formation, surtout dans un moment où on n'a jamais eu autant de métiers en tension", explique Othman Nasrou, vice-président chargé de la jeunesse et de l'insertion professionnelle. Il rappelle aussi que les régions ne couvrent que 15% du budget des missions locales et que l'État se fixe les mêmes règles pour ses dispositifs comme le contrat d'engagement jeune. "Nous ne laisserons aucune mission locale en situation de fragilité financière. Si des missions locales se trouvaient en situation délicate du fait de ces changements, nous les accompagnerions dans la transition", assure l'élu régional.

Jugeant les espaces dynamiques d'insertion (EDI) peu efficaces, la région compte aussi lancer un "nouveau dispositif d'insertion" en 2023 pour les moins de 25 ans, avec des actions en matière de sport, de culture et une application mobile. Une ligne budgétaire de 20 millions d'euros est prévue.

Courant janvier, elle compte convier les 65 missions locales pour présenter en direct ses nouvelles modalités de financement.