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Des missions locales sous pression pour mettre en oeuvre le contrat d’engagement jeune

La mise en œuvre du contrat d’engagement jeune lancé en mars dernier impose aux missions locales d’intensifier leurs efforts, tant en matière de recrutement que d’accompagnement des 16-25 ans.

"Difficile, mais pas impossible" : c’est dans ces termes que Fatiha Ayadi, directrice de la mission locale intercommunale de Villeneuve-Saint-Georges/Valenton (Val-de-Marne), résume l’enjeu de la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune (CEJ). Le défi est à la fois quantitatif - 200.000 signatures sont attendues du côté des missions locales d’ici la fin 2022 - et qualitatif, avec l’obligation d’assurer 15 à 20 heures d’activités par semaine aux jeunes bénéficiaires.

La mise en place au pas de charge de ce nouveau dispositif, couplée à l’exigence d’assiduité pour les jeunes, conduit Fatiha Ayadi à prendre son temps pour sélectionner les bénéficiaires de ce contrat. "Je ne veux pas que les jeunes signent immédiatement", souligne la directrice, qui avait intégré 40 jeunes en juin et doit atteindre 139 signatures d’ici la fin de l’année. D’après l’agence de presse AEF info, fin juin, les missions locales ont enregistré 59.291 entrées en CEJ, auxquels s’ajoutent les quelque 24.000 derniers bénéficiaires de la garantie jeunes inscrits avant le 1er mars.

La contrainte des 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires

La montée en charge du CEJ mobilise aussi les ressources en interne. "Le CEJ est un accompagnement intensif, qui génère du stress chez les conseillères. Si vous n’avez pas le temps de recevoir et d’accompagner les jeunes de manière satisfaisante, ce sera frustrant pour nos équipes. Nous ne voulons pas faire du chiffre pour du chiffre", expose Fatiha Ayadi, qui voudrait recruter deux conseillers CEJ supplémentaires en plus des trois postes déjà prévus en interne, dédiés notamment à l’animation des divers ateliers destinés aux jeunes. Les conseillers généralistes de sa mission locale sont déjà mis à contribution pour leur prêter main-forte, qu’il s’agisse d’organiser des entretiens en face-à-face, d’aider au reporting ou de s’occuper de certaines démarches.

La nécessité d’attester, à la demande de l’État, 15 à 20 heures d’activités hebdomadaires par semaine pour chaque jeune est souvent perçue comme une contrainte par les missions locales. “Certains jeunes ont du mal à être mobilisés”, remarque Sylviane Stengel, directrice de la mission locale du Lunévillois (Meurthe-et-Moselle), qui couvre 163 communes et compte 20 conseillers. La mise en place d’actions structurantes telles que des formations n’interviennent que dans un second temps, imposant aux missions locales un agenda soutenu d’activités avant de parvenir à cette étape. "Quelquefois, on fait du reporting pour faire du reporting, ce qui fait perdre le sens de l’accompagnement. On va faire faire un CV ainsi qu’une lettre de motivation, alors que le jeune ne sait pas encore ce qu’il va faire", témoigne la directrice, qui doit inscrire 300 jeunes en CEJ d’ici la fin de l’année.

Inégalités d’accès

Fin juin, l’Union nationale des missions locales a regretté ​​”de fortes inégalités territoriales en termes d’accès aux partenariats et actions structurantes pour nourrir les parcours des jeunes accompagnés”, parmi lesquels figurent la formation au sens large ou des dispositifs d’insertion intensifs (Epide, Écoles de la deuxième chance, service militaire volontaire, Promo 16-18…). En Occitanie, un appel à projets du ministère du Travail et de l’Agence du service civique veut par exemple donner la priorité aux projets de service civique se situant dans "des territoires carencés en offres de solutions structurantes CEJ".

"On a déployé plein d’ateliers en interne car en externe c’est très limité, et il y a peu de prestations gratuites", témoigne Sylviane Stengel. Un acteur de théâtre est venu faire une séance d’improvisation pour travailler la confiance en soi. Pour tenir en haleine les jeunes, la mission locale organise aussi des escape games ou des Kahout!, du nom de ce quiz interactif où les conseillers peuvent définir leurs propres questions. À la mission locale de Villeneuve-Saint-Georges/Valenton, on multiplie aussi les formats : ateliers de recherche d’emploi, d’identification des compétences, découvertes des métiers, simulations d’entretiens d’embauche, ateliers sur le droit du travail pour sensibiliser les jeunes à leurs droits... La mission locale s’appuie en particulier sur les périodes de mise en situation en milieu professionnel.

Concurrence avec Pôle emploi

D’après Jérôme Boillat, délégué de l’Association régionale des missions locales d’Île-de-France, la moyenne des activités hebdomadaires atteint actuellement 14 heures en missions locales. “On sait que Pôle emploi valorise beaucoup plus les activités de recherche d’emploi autonomes, alors que les missions locales ont besoin de faire plus d’activités d’accompagnement”, ajoute-t-il. Il reconnaît toutefois une “vraie pression” s’exerçant sur les deux acteurs du service public de l’emploi.

Le sujet est sensible car les deux institutions se retrouvent mises en concurrence par les pouvoirs publics pour atteindre leurs objectifs d’entrées en CEJ, sans répartition claire des cibles. Selon AEF info, Pôle emploi a intégré 64.100 jeunes en CEJ fin juin, soit quelque 4.000 de plus que les missions locales. “Ce qui nous inquiète, c’est que la part des financements est davantage rattachée à la réalisation des objectifs CEJ, qui sont importants, tandis que celle qui est dédiée au fonctionnement global des missions locales baisse”, poursuit Jérôme Boillat.

L’ARML se concerte régulièrement avec la direction régionale de Pôle emploi pour parvenir à un modus vivendi. “On essaie de réguler au mieux en posant le principe qu’un jeune suivi en mission locale ne doit pas en sortir sans un accord des deux réseaux. Cela fonctionne quand les relations de travail au niveau local sont bonnes, mais ce n’est pas respecté partout”, souligne Jérôme Boillat.

 

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