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Energie - Hydroélectricité : un rapport parlementaire défend trois alternatives à la concurrence

La députée socialiste de l'Isère Marie-Noëlle Battistel et son collègue UMP du Haut-Rhin Eric Strauman ont présenté le 17 septembre devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale les conclusions de leur rapport d'information sur l'hydroélectricité. A l'horizon 2020, des dizaines de barrages français actuellement gérés par EDF et GDF Suez, représentant 20% du parc hydraulique (5.300 mégawatts), sont censés faire l'objet d'un renouvellement de leurs concessions avec une mise en concurrence des exploitants.
Mais l'ouverture à la concurrence selon la méthode privilégiée par le gouvernement repose sur une "analyse erronée", et reviendrait à "sacrifier la compétitivité du prix de l'énergie sur l'autel de la réduction des déficits budgétaires", a estimé Marie-Noëlle Battistel. "La recherche d'alternatives est difficile mais pas impossible" et il n'y a pas de "fatalité juridique", a-t-elle ajouté. En soirée, le ministre de l'Ecologie et de l'Energie, Philippe Martin, a souligné devant cette même commission que la méthode privilégiée par le gouvernement n'était "pas une position idéologique mais une option réaliste qui intègre les choix qui nous ont précédés". "Je vais prendre connaissance attentivement de votre rapport et je vous assure que nous en redébattrons", a-t-il ajouté.
Pour les deux rapporteurs, il existe en effet trois types d'alternatives à l'ouverture à la concurrence du secteur hydroélectrique français. La première (surnommée "concession unique") consisterait à faire de l'exploitation des barrages une mission d'intérêt économique général (au nom par exemple de leur rôle majeur dans la sécurité de l'approvisionnement électrique). Une telle mission permet d'attribuer au concessionnaire un droit exclusif. Pour donner tout de même un espace à la concurrence, l'électricité des barrages reviendrait à 75% à EDF et le reste serait mis sur le marché sur le modèle de l'Arenh - accès régulé à l'électricité nucléaire historique, un système qui oblige EDF à revendre le quart du courant produit dans ses réacteurs à ses concurrents. Inconvénient majeur, il faudrait convaincre Bruxelles d'accepter cette solution.
La deuxième solution (la "quasi-régie") serait de filialiser les barrages d'EDF et que l'Etat les rachète ensuite pour les confier à un établissement public car la jurisprudence européenne permet de déroger à la concurrence lorsque l'exploitation se fait en quasi-régie, sous l'égide des collectivités concédantes, a expliqué Mme Battistel. Principal inconvénient : le coût net du rachat pour l'Etat serait de 1,15 milliard d'euros, selon elle.
Enfin, le troisième scénario consisterait à passer "du régime de la concession à celui de l'autorisation", c'est-à-dire à transférer la propriété des barrages à un établissement public, chargé de leur exploitation.
Ces conclusions, qui vont dans le sens de celles livrées lors d'un point d'étape au printemps, étaient très attendues par les industriels du secteur. Le gouvernement Ayrault, qui avait cherché en vain des alternatives à l'ouverture à la concurrence, a finalement laissé entrevoir début septembre un lancement de la mise en concurrence des concessions à partir du premier semestre 2014, après avoir reçu un rappel à l'ordre de la Cour des comptes.
Ce changement de position a surpris, alors que plusieurs parlementaires PS, dont l'ancienne ministre de l'Energie Delphine Batho, sont hostiles à une libéralisation du secteur, engagée par l'ancien gouvernement Fillon sous la pression de Bruxelles. Pour Delphine Batho, qui a retrouvé ce mois-ci son siège de députée, "la démonstration a été faite que des alternatives existent" avec ce rapport. Philippe Martin a toutefois évoqué "l'héritage" résultant des engagements pris par la précédente majorité. "Nous devons tous avoir conscience que la voie qui est ouverte pour des solutions alternatives à la mise en concurrence est étroite. Le gouvernement, pour sa part, et c'est ce qui fonde l'option qu'il privilégie jusqu'à maintenant, estime que cet héritage créé une situation de non-retour", a-t-il affirmé.