Haute-Savoie : trois ministres au chevet d'une vallée excédée par sa pollution
Des attentes "énormes" chez les élus et des habitants "impatients" : Nicolas Hulot se rend vendredi 29 septembre avec ses collègues des Transports Elisabeth Borne et de la Santé Agnès Buzyn dans une vallée de l'Arve exaspérée par sa pollution de l'air chronique.
Nicolas Hulot se rend ce vendredi 29 septembre avec ses collègues des Transports Elisabeth Borne et de la Santé Agnès Buzyn dans la vallée de l'Arve, en Haute-Savoie. "Trois ministres en une seule journée, c'est rare ! On attend des annonces suivies d'effet", a déclaré à l'AFP Alain Nahmias, président de l'Association pour le Respect du site du Mont-Blanc, tout en se montrant prudent devant les résultats à attendre "de ce genre d'évènement".
La visite "catastrophique" de Ségolène Royal, en février, a "laissé des traces", résument les députés locaux Martial Saddier (LR) et Xavier Roseren (LREM). Le territoire venait de vivre un pic de pollution d'une durée inédite de cinq semaines et la venue de la ministre de l'Environnement avait été perçue comme une "opération de communication" dans un climat de "révolte" de la population.
Cette fois, le déplacement du ministre de la Transition écologique et solidaire et de ses collègues a été précédé d'une rencontre en juillet pour évoquer tous les sujets et se laisser le temps de venir avec du concret. Les transports concentrent les attentes dans cette vallée qui mène au toit de l'Europe, où la route est reine, tant pour la voiture que pour les camions.
"J'attends que le gouvernement nous éclaire sur sa stratégie et ses projets de report modal (de la route vers le rail) sur l'arc alpin", affirme Éric Fournier, vice-président chargé de l'Environnement à la région Auvergne-Rhône-Alpes et maire (UDI) de Chamonix. D'autant que cette visite "interviendra deux jours après le sommet franco-italien (à Lyon ce mercredi,
ndlr) où il aura été question du Lyon-Turin", ajoute l'élu qui s'interroge sur la portée de la "pause" annoncée à l'été sur ce projet de liaison ferroviaire à grande vitesse. Mais la priorité immédiate, "c'est l'amélioration du fret ferroviaire".
L'Autoroute ferroviaire alpine (AFA) a un service de navettes pour les camions "en phase d'expérimentation depuis 2003 ! Il faut y transférer les camions lors des pics de pollution", propose Anne Lassman-Trappier, présidente de l'association Inspire. Cette ligne vers l'Italie qui passe par le tunnel du Mont-Cenis en Savoie "n'est exploitée qu'à 20% de ses capacités!".
Sanctions "dissuasives"
Pour les trajets du quotidien, tous réclament 8 à 10 millions d'euros de l'État pour boucler la modernisation de la ligne TER reliant Vallorcine, dans le fond de vallée, à Saint-Gervais, au pied de l'autoroute, un projet déjà financé par la région à hauteur de 14 millions. Certains rêvent même d'une desserte digne de ce nom vers le Léman et Genève pour limiter les déplacements pendulaires.
Le gouvernement est aussi interpellé sur la fraude croissante chez les camions prétendument les moins polluants (Euro 5 et 6) pour contourner l'obligation d'utiliser l'additif AdBlue, qui permet de réduire les émissions d'oxyde d'azote des moteurs diesel. Ces particules, précisément, qui dépassent régulièrement les seuils de pollution dans la vallée.
Elus et habitants réclament un contrôle systématique des camions empruntant le tunnel du Mont-Blanc - plus de 550.000 par an - et des sanctions "dissuasives".
Le chauffage au bois, pointé du doigt l'hiver car il contribue principalement aux "effets couvercle" qui font tousser la population, doit aussi faire l'objet d'un accompagnement renforcé. "Le ‘Fonds Air Bois’ (des aides financières pour remplacer cheminées ouvertes et vieux poêles, ndlr) n'est actuellement qu'une prime à la casse: on remplace du bois par du bois de meilleure performance. On souhaite que les primes financent des installations vraiment non polluantes, comme du thermique solaire", souligne Anne Lassman-Trappier.
Enfin, le dernier gros pollueur de la région est son industrie, très présente et pourvoyeuse d'emplois. Une usine cristallise les tensions : SGL Carbon, qui produit des batteries de voitures électriques et dont la croissance occasionne... une augmentation des rejets polluants. Les habitants veulent des normes plus drastiques, tandis que les collectivités accompagnent l'entreprise via un fonds Air-Industrie mais attendent que l'Etat mette aussi au pot.
Cette vallée "est un laboratoire. On en a marre d'être stigmatisés. On veut moins de bruit et plus de sonnant et trébuchant", conclut Martial Saddier.