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Guichets uniques, garanties de financements, formation... les clés d'une "reconquête de l'international"

Quelques jours après la présentation de la nouvelle stratégie gouvernementale pour le commerce extérieur, les principaux artisans de ce chantier ont pu en exposer les principaux outils, le 8 mars, lors de la nouvelle édition du Bercy Financements Export consacrée à la "conquête de l'international". Outre la création de futurs guichets uniques, à la fois en région et à l'international, la rencontre a mis en avant les besoins de formation et de financements et aussi d'une forme de patriotisme économique pour "chasser en meute"...

Les futurs guichets uniques en région et à l'étranger pour l'accompagnement des entreprises à l''international seront coordonnés entre eux via un logiciel de gestion de la relation client ou CRM (Customer Relationship Management).  Ce sera la garantie d'un meilleur suivi. "Il faut revoir le dispositif de soutien, à la fois au niveau français et international", a ainsi affirmé le sénateur des Français de l'étranger Richard Yung, l'un des principaux artisans de cette réforme, le 8 mars, à l'occasion de la nouvelle édition du Bercy Financements Export consacrée à la "conquête de l'international".
L'idée de ces guichets uniques permettant de coordonner la multitude d'acteurs en présence (régions, chambres de commerce et d'industrie, Business France, Bpifrance, conseillers du commerce extérieur…) et de mutualiser les aides n'est pas nouvelle mais elle n'a jamais vraiment abouti. Le chantier a été relancé conjointement par le ministère des Affaires étrangères, qui a confié une mission à Christophe Lecourtier, directeur général de Business France, et Bercy, dans le cadre du projet de loi Plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) que Bruno Le Maire, ministre de l'Economie, compte présenter au printemps 2018. Le ministre avait, de son côté, fait appel au binôme composé de Richard Yung et Eric Kayser, président de la maison Kayser. Leurs propositions convergentes ont servi de trame à la nouvelle stratégie du gouvernement en matière de commerce extérieur présentée par le Premier ministre Edouard Philippe, le 23 février à Roubaix (voir ci-dessous notre article du 26 février 2018).
Devant le président des Hauts-de-France Xavier Bertrand, Edouard Philippe avait confirmé que le point d'entrée unique d'accompagnement à l'export serait placé sous l'égide des régions, en partenariat avec Business France et les CCI. La Normandie avec son programme Xport lancé en janvier et Provence-Alpes-Côte d'Azur ont été désignées pilotes de ce nouveau dispositif intitulé désormais "Team France Export". "La bataille de l'export se gagnera par le guichet unique en France", a réagi Christophe Lecourtier, le 8 mars. Les régions seront notamment chargées d'organiser des réseaux de consultants qui auront pour mission d'identifier les PME ayant un potentiel en matière d'export, et de les conseiller dans leur démarche d'internationalisation. "C'est une ruche d'où sortiront des conseillers exports pour aider les entreprises", a précisé Christophe Lecourtier. Un véritable travail de porte à porte. Les conseillers accompagneront les entreprises et les dirigeront vers les bons interlocuteurs, qu'ils relèvent du secteur public ou privé.
A l'étranger, un guichet unique sera également présent à l'arrivée des PME. Il les accompagnera et les aiguillera vers les différents acteurs locaux, que ce soit des partenaires, des informateurs, ou des distributeurs. "L'idée est de sélectionner celui qui sera le meilleur pour soutenir les PME dans le pays, soit la chambre de commerce et d'industrie, soit Business France, soit d'autres, comme des acteurs privés", a détaillé Richard Yung. 

Des dispositifs inspirés de l'Italie

Durant les trois mois de leurs missions Eric Kayser et Richard Yung se sont notamment rendus en Italie, qui comporte 200.000 entreprises exportatrices (la France en compte 125.000). "On a essayé de comprendre pourquoi en Italie ils exportent plus", a développé Eric Kayser. En l'occurrence, les Italiens disposent d'un système de coaching, financé à 50% par l'Etat et à 50% par l'entreprise. Le but de ce système est d'aider les entreprises à partir à l'étranger. En s'inspirant de cet exemple, le binôme a proposé au gouvernement de mettre en place un cahier de formations, avec les CCI et Business France, en proposant des formations à la carte, comme une formation d'anglais par exemple. "L'artisan a quitté l'école de bonne heure, il est parti développer son entreprise, et il a peut-être besoin de refaire de la formation", a expliqué Eric Kayser.
Autre point d'inspiration venant de l'Italie, la "chasse en meute". "Les grandes entreprises doivent accompagner les plus petites pour pouvoir se développer", a insisté Eric Kayser. Le sénateur, qui apprécie particulièrement cette expression, recommande de développer des endroits où les entreprises et chefs d'entreprises pourraient se retrouver et échanger sur leurs expériences à l'étranger et promulguer des conseils. Mais aussi d'inciter les grandes entreprises exportatrices à prendre sous leurs ailes les PME, comme cela se fait au Japon ou en Allemagne. En France, les grands groupes ont manifestement moins la fibre patriotique et pratiquent allègrement le "Global Sourcing". Ce sont les difficultés rencontrées par les PME françaises à l'égard des grands comptes qui avaient conduit l'Etat à créer une médiation inter-entreprises en 2010.
Mais il faut aussi "donner à davantage de PME l'envie d'aller à l'international", a souligné Christophe Lecourtier. L'objectif du gouvernement est qu'il y ait environ 200.000 entreprises exportatrices en France à la fin du quinquennat. "La présence de nos entreprises petites ou grandes à l'export, sera à la fois un moteur et un marqueur du résultat des transformations", a affirmé Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Economie et des Finances.

Le Pass Export, un maximum de garanties pour l'entreprise qui veut exporter

Pour favoriser le mouvement, le gouvernement a lancé un nouvel outil, le Pass Export. A travers ce contrat signé avec l'Etat, une entreprise pourra ainsi bénéficier durant un temps donné, de garanties publiques sans avoir à faire de démarches préalables comme ce qui est le cas actuellement pour obtenir un financement à l'export. "C'est une première industrielle mondiale", s'est enorgueilli Gabriel Cumenge, sous-directeur Financement international des entreprises à la Direction générale du Trésor. Chaque Pass Export sera différent et s'adaptera aux besoins de l'entreprise exportatrice, qui devra tenir les engagements pris dans le contrat (création d'emploi, formation des apprentis…).
Le premier Pass Export a été signé pour quatre ans avec l'entreprise Piriou lors du déplacement du Premier ministre à Roubaix le 23 février 2018. Piriou répare, construit et conçoit un grand nombre de bateaux dans divers domaines (militaire, pêche, loisir, yacht, etc.). Cette entreprise de taille intermédiaire (ETI) emploie 400 personnes en France et est également présente à l'étranger. "Cela nous apporte une réelle simplification", a expliqué Alain le Berre, directeur général du groupe Piriou. Dans ce Pass Export, l'entreprise s'est engagée auprès de l'Etat à développer la part française de ses activités, à augmenter les efforts d'embauche et de formation des apprentis, à développer un budget de recherche et développement et à privilégier la sous-traitance et le recours aux fournisseurs français. "J'ai eu le plaisir de signer le premier Pass Export avec l'entreprise Piriou le mois dernier […]. Et j'espère que nos entreprises seront les plus nombreuses possibles à se saisir de cet outil", a déclaré Delphine Gény-Stephann.
L'an dernier, le déficit commercial de la France s'est creusé, à 62,3 milliards d'euros.

 


Les entreprises françaises plus frileuses à l'international

"Comparé à leurs pairs européennes, les PME françaises semblent moins enclines à exporter et semblent avoir plus de difficultés à se lancer", déplore Bpifrance, dans un communiqué du 7 mars. "En 2017, seulement 124.060 PME françaises exportaient, moitié moins qu'en Allemagne et en Italie", constate la banque publique d'investissement, en réaction à une étude menée conjointement par les  banques de développement des cinq premières économies européennes (Allemagne, Italie, Royaume-Uni, Espagne et France). 
Selon cette étude, les PME de ces cinq pays sont moins représentées dans les échanges internationaux que dans leurs économies respectives : elles assurent plus de 50% de la valeur ajoutée nationale, mais moins de 30% d'entre elles exportent leurs biens et services. Et encore, il s'agit essentiellement d'échanges intra-européens. Seulement 3% ont réalisé des investissements à l'étranger. 
En France, cette frilosité est encore plus marquée. Ainsi en 2015, la France comptait 109.300 entreprises exportatrices de biens (hors services) contre 139.300 en Angleterre, 159.400 en Espagne, 222.600 en Italie, et jusqu'à 316.900 en Allemagne ! D'après une enquête Eurobaromètre réalisée en juin 2015 pour la Commission européenne, "une PME allemande sur deux a exporté au cours des trois années précédant l'enquête". A titre de comparaison, la part des PME françaises ayant une expérience internationale s'établit à 15% seulement, contre 29% en moyenne dans les cinq pays étudiés. Et les marchés étrangers représentent une part relativement faible du chiffre d'affaires total des PME exportatrices françaises : 27% contre 32% en moyenne. "Les PME françaises semblent relativement moins orientées vers l'exportation, indique l'étude, tant sur la marge extensive (part des exportateurs) que sur la marge intensive (part des exportations dans les ventes totales)." Les principales raisons de ces faiblesses : une moindre compétitivité en passe d'être comblée par les récentes réformes, mais aussi un manque d'ambition et de préparation des entreprises françaises à la conquête de l'international, un manque d'informations sur les marchés étrangers. A cela s'ajoute des procédures administratives lourdes, des ressources humaines insuffisantes, des difficultés à trouver des partenaires locaux et un accès aux financements plus compliqué que pour les grands groupes.  

 

 

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