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Environnement - Gouvernance de l'eau : le rapport Lesage met en avant le rôle central des collectivités

Le 8 février dernier, Jean-Marc Ayrault a confié à Michel Lesage, député PS des Côtes d'Armor, une mission d'évaluation de la politique de l'eau, afin de proposer de nouveaux modes d'intervention dans les territoires et de définir les priorités d'action pour le prochain cycle de gestion de la directive cadre sur l'eau qui couvrira la période 2016-2021. La mission du parlementaire s'inscrit aussi dans le cadre plus général de l'évaluation de la politique de l'eau, décidée lors du comité interministériel de modernisation de l'action publique du 18 décembre dernier, et doit servir de contribution pour préparer les débats sur l'eau lors de la prochaine Conférence environnementale des 20 et 21 septembre. Michel Lesage a remis les conclusions de sa mission au Premier ministre le 3 juillet. En attendant le rapport définitif, qui sera présenté le 10 juillet, une synthèse a été diffusée ce 5 juillet. MicheL Lesage commence par dresser le constat d'un modèle français de gestion de l'eau aujourd'hui à bout de souffle, alors que les défis et les nouveaux enjeux liés à l'eau sont considérables (disponibilité, qualité, régulation des prélèvements et des conflits d'usage, protection des milieux aquatiques, effets du réchauffement climatique entraînant des inondations et des sécheresses, etc.).
Le député estime qu'une nouvelle politique de l'eau doit être mise en œuvre "grâce à une implication forte de l'Etat et une nouvelle gouvernance territoriale à partir des collectivités locales". Il propose de créer une autorité nationale de l'eau, "véritable outil de régulation" permettant d'"assurer la transparence de la gouvernance de l'eau et de ses flux financiers, d'éviter les conflits d'intérêt et de renforcer le dialogue démocratique". "L'Etat doit aussi promouvoir une véritable police de l'eau, en assurant une meilleure coopération entre ses différentes composantes", suggère-t-il et "être davantage présent au niveau de l'Europe" en s'impliquant en amont dans l'élaboration des textes et en y faisant participer les ministères et le Parlement. Le député appelle en outre à un "big bang territorial". "Ce sont les collectivités locales, d'abord les communes et leurs groupements (EPCI), en lien avec les départements et les régions, qui doivent structurer la nouvelle gouvernance de l'eau, grâce à des outils adaptés", avance-t-il. "Une nouvelle étape de la décentralisation et de l'organisation de l'action publique sur les territoires permettra de rétablir la clause de compétence générale et d'affecter au bloc communal (commune, EPCI) une nouvelle compétence de gestion de l'eau et des milieux aquatiques", poursuit-il. Il propose également que la mobilisation des territoires en faveur des problématiques de l'eau soit appuyée par "une nouvelle ingénierie publique territorialisée".
Michel Lesage suggère aussi de réinventer la gouvernance avec des outils de planification à l'échelle des bassins et sous-bassins versants déployés sur tout le territoire national : les commissions locales de l'eau (CLE), "parlements" associant tous les acteurs de sa gestion, et les schémas d'aménagement et de gestion des eaux (Sage) qui définissent les objectifs à atteindre et les actions à mener. La mise en œuvre des interventions définies par les CLE et les Sage doit être le fait des syndicats mixtes ou établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) qui regrouperont les collectivités. "Un contrat pour l'eau, multithématique, multi acteurs et pluriannuel" permettra d'"assurer la cohérence planification–action–financement", tandis que les schémas d'organisation des compétences seront élaborés au sein des conférences régionales de l'eau, détaille le député. "Les instruments d'intervention traditionnels (Agence de l'Eau, Onema...) feront l'objet d'un recentrage de leurs missions pour s'inscrire dans cette nouvelle organisation. La composition de leurs instances sera rééquilibrée au profit des ménages et des collectivités locales ; l'accompagnement, l'information et la formation des représentants associatifs seront renforcés". Michel Lesage appelle également à faire "fortement progresser" la connaissance et la recherche. Il propose aussi de mener un audit approfondi de l'ensemble du système français de production et d'évaluation des données sur l'eau, après l'échec de l'Onema en la matière. Par ailleurs, Michel Lesage juge nécessaire de repenser les périmètres et les financements du "petit cycle" et du "grand cycle" de l'eau et de clarifier ce qui doit relever de l'impôt et de la facture d'eau. Il est aussi indispensable selon lui d'encourager les mesures préventives, de développer la conditionnalité des aides, de mettre en œuvre une fiscalité écologique et de rechercher des dispositifs innovants de financement de la politique de l'eau à l'image de ce que font déjà certains pays européens. Enfin, le député reconnaît qu'"une véritable démocratie de l'eau reste à construire" et qu'il faudrait "promouvoir un large débat national afin de bâtir une vision partagée, développer une conscience collective sur la question de l'eau et identifier les grands projets qui s'y rattachent".