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Gestion des eaux pluviales : remise à flot du débat sur les périmètres et compétences

Dans une nouvelle piqûre de rappel sur l'épineux sujet de la gestion des eaux pluviales, l'Assemblée des communautés de France (ADCF) alerte, à l'approche de l'examen en avril par le Sénat d'une proposition de loi sur le transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, sur l'importance de ne pas unifier les compétences assainissement et eaux pluviales.

Acté par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notr, articles 64 et 66) de 2015, le transfert obligatoire à l'horizon 2020 des compétences "eau" et "assainissement" aux communautés de communes et communautés d'agglomération, n'en finit pas de susciter des remous dans les rangs des élus locaux. Ce transfert de compétences implique en effet d'importantes réorganisations dans "des territoires soumis à des contraintes particulières", comme le souligne dans l'exposé de ses motifs une proposition de loi discutée le 17 avril prochain au Sénat, qui vise à "apporter des réponses pragmatiques à ces préoccupations légitimes".

Réformer sans forcer la main

A deux semaines de l'examen en séance publique de cette proposition de loi, l'Assemblée des communautés de France (ADCF), qui propose par ailleurs sur son site un dossier complet pour aider les communautés à accueillir bientôt ses compétences (préparation des transferts, arbitrages à opérer, concertations entre élus, agents et usagers), pointe dans ses dernières propositions la nécessité de ne pas forcer le rapprochement des compétences eaux pluviales et assainissement. Et donc de laisser aux territoires le soin de gérer la première comme ils l'entendent "au vu des réalités locales" et en lien étroit avec d'autres responsabilités comme la gestion des voiries et la nouvelle compétence Gemapi (gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations). Pour l'ADCF, ces deux compétences eaux pluviales et assainissement "n'obéissent ni au même mode de gestion ni au même mode de financement mais leur rapprochement dans une compétence unifiée ne s'avérera pas toujours la solution la plus pertinente".

Laisser de la latitude aux élus

Le casse-tête en termes de financement est connu : la gestion des eaux pluviales relève d'un service public administratif et est financée par le budget général, alors que l'assainissement relève d'un service public industriel et commercial financé par un budget annexe alimenté par la facture d'eau. Certes, une cohérence parfois existe sur le terrain entre les réseaux d'assainissement et les eaux pluviales - ce que cette association d'élus ne conteste pas. Mais les "imbrications" diffèrent selon les collectivités, et nombreuses sont aussi celles qui exercent la compétence eaux pluviales en lien avec leurs compétences en matière de voirie. D'autres champs d'actions comme le ruissellement ou des missions relatives aux cycles de l'eau peuvent aussi entrer en jeu dans leur gestion. En d'autres termes, la gestion des eaux pluviales affiche un "caractère par essence partagé". Dès lors, obliger les communautés, amenées à devenir d'ici 2020 des autorités gestionnaires des ces services publics, à intégrer ipso facto la compétence eaux pluviales aurait un "caractère limitatif", "contre-productif" et serait loin de garantir, poursuit l'association dans une note diffusée début mars, "une gestion la plus optimale possible".

L'ADCF milite donc pour que les élus puissent "disposer d'une latitude" afin d'adosser cette compétence eaux pluviales "aux compétences connexes de leur choix". Et donc qu'elle reste autonome. Elle suggère par ailleurs que cette compétence puisse faire l'objet d'une définition d'un intérêt communautaire (ligne de partage d'une compétence entre communes et communauté), "notamment lorsqu'elle est exercée en lien étroit avec la question des voiries".

Se fier ou non à la jurisprudence

Le débat a déjà tiraillé les députés jusqu'au sein de la commission des lois (voir son rapport), certains de ses membres comme la députée REM de Moselle, Hélène Zannier, estimant que "l'eau pluviale dépend de l"assainissement, c'est un fait et (qu') il n'est pas nécessaire de relancer le débat". Et de renvoyer à un arrêt du Conseil d'État de décembre 2013. Celui-ci portait sur le transfert de la compétence assainissement et eau d'une communauté urbaine, devenue entre temps une métropole (Aix-Marseille-Provence). "Un cas très particulier donc, celui d'institutions exerçant déjà de plein droit l'intégralité des compétences eau et assainissement, voirie et Gemapi", estime-t-on à l'ADCF. Tant que cela restait circonscrit aux seules communautés urbaines, pas de problème mais des circulaires sont ensuite venues étendre cette jurisprudence à l'ensemble des intercos (voir notre article dans l'édition du 25 septembre 2017). Des préfectures ont ainsi déjà imposé, via leur contrôle de légalité, l"extension aux eaux pluviales de la compétence assainissement des communautés. Une exigence que l'association estime "dénuée de fondement législatif". Et sans intérêt "dans les secteurs de faible densité et les espaces ruraux ou de montagne", aux "réalités souvent très différentes" et où marier ces deux compétences a même de fortes incidences. L'ADCF a ainsi sondé des "communautés très exposées" et lésées par un tel transfert intégral de la compétence eaux pluviales, "sans financement dédié".