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Environnement - Gestion des déchets : la Cour des comptes appelle à "consolider" le dispositif des éco-organismes

Depuis la mise en place des filières de responsabilité élargie des producteurs (REP), le recyclage des déchets a progressé en France mais pour atteindre les objectifs "ambitieux" du gouvernement, il va falloir clarifier les consignes, moderniser les centres de tri et rendre plus transparents les coûts supportés par les collectivités, estime la Cour des comptes dans son rapport annuel 2016.

Au total, la gestion des déchets en France "a mobilisé en 2013 plus de 10 milliards d'euros", ce qui en fait un "enjeu majeur des politiques publiques", note la Cour des comptes dans son rapport annuel présenté le 10 février. Longtemps guidée par des considérations sanitaires, cette mission a de plus en plus intégré des objectifs environnementaux et comprend désormais une dimension économique, le déchet devant le plus possible être valorisé pour réintégrer la chaîne de production. "Cette contribution à l'économie circulaire suppose des pratiques nouvelles, allant de la conception des produits appelés à devenir des déchets recyclables jusqu'au geste de tri du consommateur final, dont l'information et l'éducation constituent donc un facteur essentiel de l'efficience du dispositif d'ensemble", soulignent les sages de la rue Cambon. C'est dans ce contexte que sont apparus des acteurs nouveaux, au premier rang desquels les éco-organismes, créés à l'initiative des industriels au début des années 1990 dans la filière des emballages ménagers et qui se sont multipliés depuis une dizaine d'années en application du principe dit de "responsabilité élargie du producteur" (REP).

14 éco-organismes passés en revue

La Cour a passé en revue 14 des 24 éco-organismes existants, parmi lesquels Eco-systèmes, ERP France, Recylum, Eco-emballages et sa filiale Adelphe, Cyclamed, Ecofolio, Eco TLC... En 2013, ces 14 structures de droit privé ont eu à gérer 1,2 milliard d'euros – dont 763 millions d'euros pour Eco-Emballages/Adelphe, le plus ancien et le plus important d'entre eux - correspondant aux contributions versées par les industriels pour organiser la collecte et le recyclage de leurs produits. Au total, 18 filières sont concernées : emballages ménagers, papier, piles, textiles, appareils électriques et électroniques, ampoules, médicaments, pneumatiques, etc.
Si la Cour estime que la situation financière des éco-organismes est "saine", malgré des charges de personnels "parfois élevées" chez Screlec (piles), Recylum (lampes) et Ecologic (équipements électriques), elle juge leur bilan "contrasté", avec des objectifs de collecte et de valorisation "diversement atteints". Surtout, elle considère que les éco-organismes, mais aussi les fabricants, les collectivités et l'Etat, vont devoir évoluer pour atteindre les objectifs "ambitieux" fixés par les pouvoirs publics.
Pour les emballages ménagers et les déchets électriques et électroniques (petit et grand électroménager, ordinateurs, télévisions...) ou le textile, ces objectifs semblent hors d'atteinte, selon elle. Pour les emballages, la filière la plus importante en volume, les quantités collectées et triées sont par exemple passées de 14 kg par personne et par an en 1992 à 50 kg en 2013. Mais l'objectif de 75% de recyclage en 2016 apparaît "irréalisable", la Cour relevant toutefois qu'il avait été fixé "sans étude préalable approfondie". Autres freins : la collecte hors circuit officiel (récupération "sauvage" d'objets mis au rebut) qui atteint 65% pour les équipements électriques ou électroniques et 63% pour les textiles. Ou encore le mélange du papier avec les emballages.

Améliorer les consignes de tri

Les progrès marquant le pas, de nombreuses pistes d'amélioration, souvent déjà connues, sont suggérées par les "Sages" : "transparence des données et des coûts", rôle accru de l'Etat pour favoriser un recyclage à dimension industrielle et meilleure "information du consommateur".
Car sur le terrain, les usagers ne s'y retrouvent pas toujours. Les modes de collecte varient d'une ville à l'autre (porte à porte ou apport volontaire, papiers mélangés aux emballages ou pas, différents plastiques acceptés ou pas) et les couleurs des bacs ne sont pas harmonisées pour les mêmes catégories de déchets. Autre source de confusion, les multiples logos apposés sur les produits dont le fameux Point Vert d'Eco-emballages qui ne signifie pas que le produit est recyclable mais que le fabricant s'est acquitté de sa contribution... Ou le "Triman", un logo indiquant que le produit se recycle, mais moins répandu et moins connu. Les erreurs de tri ont un coût estimé à 40 millions d'euros annuels pour la seule filière des emballages, relève la Cour, qui voudrait voir les industriels "apposer une consigne claire et harmonisée sur tous les objets et les emballages". Elle préconise en outre que les prochains agréments subordonnent le versement des soutiens financiers aux collectivités locales à la mise à jour de leurs consignes de tri.

Moderniser les centres de tri

Autre recommandation de la Cour : améliorer la transparence des coûts de collecte et de tri, très variables entre les collectivités et à l'origine de fréquents bras de fer entre Eco-emballages et certains élus. Eco-emballages délègue en effet aux collectivités la collecte et le tri en échange d'une compensation. La Cour estime que les soutiens financiers qu'il accorde "tiennent insuffisamment compte des fortes disparités constatées dans les coûts complets, de collecte et de tri". En se référant aux chiffres de la base de données d'Eco-emballages, elle cite un écart très élevé entre le coût moyen par tonne collectée des dix collectivités les plus performantes (41 euros/tonne) et celui des dix les moins performantes (146 euros/tonne). Pour le papier, la Cour souligne qu'il est quatre fois moins coûteux de faire un tri à la source, c'est-à-dire non mélangé avec d'autres matières (bouteilles, canettes, etc.).
Enfin, elle estime les centres de tri trop nombreux et pas assez performants : il y en a 253 en France (un pour 250.000 habitants) mais seulement 80 en Allemagne (un pour un million d'habitants) dont les résultats sont pourtant beaucoup plus probants. Des centres de tri plus grands, mais aussi plus modernes, sont donc nécessaires pour baisser les coûts, que ce soit pour les plastiques, le papier ou le textile.