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Gestion de la ressource en eau : les leçons à tirer de la sécheresse de 2019

Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) a publié ce 11 février le rapport d'une mission qui lui avait été confiée par la ministre de la Transition écologique sur la mise en œuvre par les services de l'État de la gestion de la sécheresse de 2019. Face à ce type d'épisode exceptionnel, qui risque de se renouveler avec le réchauffement climatique, la mission propose notamment de renforcer le pilotage par sous-bassin versant et de généraliser les comités départementaux de gestion de l'eau.

La sécheresse de 2019 restera dans les annales à plus d'un titre. Faisant suite à deux années sans recharge hivernale des nappes phréatiques, elle a affecté jusqu'en octobre une très large partie du territoire national, y compris des zones peu habituées à ce type de phénomène. La pluviométrie déficitaire s'est de surcroît accompagnée d’épisodes de canicule en juin et juillet dont les effets ont été particulièrement sévères sur les cours d’eau, les milieux naturels et les cultures agricoles. Cette situation a conduit à la mise en œuvre de nombreuses mesures exceptionnelles de limitation ou de suspension des usages de l’eau.

"Manque de coordination sur les bassins versants interdépartementaux"

Pour tirer la leçon de la gestion de cette crise par les services de l'État, la ministre de la Transition écologique a confié en septembre dernier une mission au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD). Dans son rapport publié ce 11 février, celui-ci estime que l'organisation administrative actuelle, sous l'autorité du préfet de département, "ne réussit qu'imparfaitement à concilier la logique administrative avec celle des bassins hydrographiques : un manque de coordination est constaté entre départements sur les bassins versants interdépartementaux".

Mesures de limitation des usages : quelle efficacité ?

Autre problème soulevé dans le rapport : "Les services de l’État disposent d’outils de mesure performants, mais n’en tirent pas tous les enseignements tant à des fins d’anticipation que pour objectiver les prises de décision." "Concernant les mesures de limitation des usages, la méconnaissance des prélèvements réalisés et des volumes épargnés ne permet pas d’apprécier leur efficacité", note la mission. Ce qui n'empêche pas ces mesures de concentrer les critiques. Les "comités sécheresse" apparaissent ainsi souvent comme des chambres d’enregistrement ou de répartition de la pénurie entre les agriculteurs, constate la mission qui note aussi que les contrôles de police de l’eau, bien que nombreux, sont rarement suivis de sanctions. "Le manque de clarté des arrêtés de prescriptions et surtout de leurs mesures, ne facilite pas ces contrôles et affaiblit considérablement la force de la police de l’environnement", souligne la mission.

Des comités de gestion de l'eau à généraliser

Selon elle, "l’efficacité limitée" du système actuel tient donc principalement à sa mise en œuvre "insatisfaisante" qu'elle propose d’améliorer en renforçant le pilotage par sous-bassin versant (notamment interdépartemental). En termes de gouvernance, elle préconise aussi de généraliser les comités départementaux de gestion de l'eau "pour renforcer l'anticipation et améliorer la prise de décision et la concertation". Leur champ dépasserait ainsi la seule gestion de la sécheresse et ils seraient réunis selon un calendrier annuel ponctué de "deux temps forts" : en fin de période d'étiage pour faire un bilan et en fin d'hiver pour apprécier les risques de sécheresse et s'y préparer.
La mission suggère également de "mieux objectiver et anticiper les prises de décision en renforçant leur lien avec les constats de terrain (franchissement des seuils)" et en intégrant "systématiquement" les enseignements du réseau de l'Observatoire national des étiages (Onde). Elle insiste aussi sur la nécessité d’améliorer la communication. Il faudrait pour cela réformer l'article R.211-70 du code de l'environnement en supprimant les précisions sur les modalités de la publicité concernant les arrêtés de restriction des usages de l'eau (affichage en mairie et publication dans la presse) pour permettre d'utiliser les moyens modernes de communication (internet et réseaux sociaux). La mission insiste aussi sur la nécessité de mobiliser les municipalités concernées pour qu'elles relaient cette information auprès de leurs administrés par les mêmes moyens, ainsi que par l'affichage.

Privilégier les mesures se traduisant par une diminution des prélèvements

Concernant les mesures prises en période de sécheresse mais également les dérogations, certaines devraient être définies à l’échelle nationale, "afin d’harmoniser les pratiques", estime la mission. Elle cite notamment celles visant les golfs, le lavage des voitures ou encore les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). "Une étude approfondie doit également être réalisée pour évaluer leur pertinence afin de privilégier celles qui se traduisent réellement par une diminution des prélèvements, avance la mission. L’amélioration de la connaissance des volumes prélevés, à pas de temps mensuel, par les agriculteurs comme par les particuliers et les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), est un préalable. C’est à ce prix que le dispositif pourra apporter sa plus-value."
La mission conclut son rapport en s’interrogeant sur "les limites" d’un dispositif de gestion de crise prévu en principe pour être mobilisé une année sur cinq et mis en œuvre pratiquement chaque année. Alors que le réchauffement climatique laisse présager une aggravation des épisodes de sécheresse et de canicule, elle reconnaît que des réponses relevant de la gestion structurelle quantitative de l’eau sortant du cadre de sa mission doivent être privilégiées.