Energie - Gel du secteur photovoltaïque : le Conseil d'Etat ne réchauffe pas l'ambiance
Nouveau coup dur pour la filière photovoltaïque ! Par une ordonnance du 28 janvier, le Conseil d'Etat a rejeté une demande émise par des dizaines de producteurs et associations du secteur s'estimant lésés par le moratoire imposé par le gouvernement sur l'obligation de rachat de l'électricité photovoltaïque. Leur requête visait à faire suspendre en référé le décret du 9 décembre dernier instaurant ce moratoire. Invoqué par les requérants, l'argument d'urgence qui aurait pu justifier une telle décision a été écarté. Celui décriant la "situation d'urgence écologique et énergétique compromettant le développement des énergies renouvelables" a aussi été battu en brèche.
A ce "défaut d'urgence", le juge des référés a ajouté que la faible durée de suspension (trois mois) prévue par le décret n'était pas de nature à compromettre le développement des énergies renouvelables. Il a tenu à recadrer les choses en soulignant que ce moratoire était motivé par un risque bien précis, celui d'un excédent des capacités de production par rapport aux objectifs fixés. Et repris le raisonnement du gouvernement selon lequel en capacité installée, la production photovoltaïque pèse environ 800 MW mais près de sept fois plus si l'on tient compte des demandes de raccordement déposées. Si bien que l'objectif de développement de la production d'énergie solaire, "fixé à 1.100 MW au 31 décembre 2012 et à 5.400 MW au 31 décembre 2020, risque d'être rapidement et durablement dépassé".
Voulu pour "permettre aux pouvoirs publics de réexaminer le système d'incitation à l'installation d'unités de production d'électricité d'origine solaire, compte tenu notamment de l'évolution des coûts", ce moratoire et son opportunité ne sont donc pas remises en cause par le Conseil d'Etat. Il fait néanmoins l'objet d'un autre recours en annulation auprès de la Haute Juridiction. D'ici quelques mois, le Conseil d'Etat aura à se prononcer sur la légalité du décret de décembre. "Même si on avait gagné, cela n'aurait pas servi à grand chose, on serait resté dans un flou juridique", réagit Bernard Prouvost, gérant de l'entreprise Ciel et Terre, l'un des requérants. Sur le site www.greenunivers.com, Arnaud Gossement, avocat associé au Cabinet Huglo-Lepage, confirme à ce sujet qu'une première victoire au Conseil d'Etat "n'aurait sans doute pas eu les effets escomptés par les requérants", car "de nouveaux textes en préparation auraient pu immédiatement réduire la portée d'une suspension".
Déjà critiqué par l'Association des régions de France (ARF), les conséquences de ce moratoire inquiète les élus. Il faut dire que le contentieux soulevé au Conseil d'Etat n'est pas que d'ordre privé. Indirectement, il impacte les collectivités du fait du fort ancrage local de ces entreprises travaillant en contact étroit avec les villes et régions où elles développent leurs projets. Ainsi, on trouvait dans le cortège de plaignants des entreprises travaillant exclusivement en région Paca et Languedoc-Roussillon (Provence Eco Energie), d'autres bien implantées à la Réunion (Ciel et Terre) ou d'autres positionnées dans le grand Ouest (Initiatives et énergies locales). Notons aussi qu'un conseiller municipal, Xavier Cochet, ex-maire adjoint de Saint-Mihiel (Meuse), s'est associé à leur requête. "Dans la filière des panneaux posés sur des toitures industrielles, ce moratoire engendre une telle crise de confiance que plus aucun investisseur ni propriétaire de toiture ne veut de photovoltaïque. Chez nous, il a enterré des dizaines de projets très avancés. La loi a encouragé tout un secteur qu'on met désormais en péril. Et personne ne croit en la fiabilité du dispositif d'appels à projets qu'espère mettre en place le gouvernement", observe Bernard Prouvost de Ciel et Terre.
On en saura plus sur ce futur cadre réglementaire dès le 11 février, date à laquelle est attendu le pré-rapport du groupe de travail Charpin. Constitué en janvier pour définir en urgence l'avenir du secteur photovoltaïque en France, il devrait proposer un décret précisant les conditions de levée du moratoire. "Mais il semble avoir déjà abandonné l'idée d'une filière industrielle française du solaire photovoltaïque", commente sur son site la députée de l'Isère Geneviève Fioraso, qui est membre de ce groupe de travail. Or, c'est "un véritable gâchis lorsqu'on connaît tous les atouts de notre pays, sur toute la chaîne de valeur, de la recherche aux services, en passant par la production industrielle et l'ingénierie", conclut-elle.
Morgan Boëdec / Victoires-Editions
"Un impact très négatif sur les emplois locaux"
Un nouveau réseau vient d'être créé à l'occasion des 12es Assises nationales de l'énergie : le Club France de la Convention des Maires. Il défendra le potentiel et valorisera les actions des collectivités dans des secteurs tels que l'efficacité énergétique ou les énergies renouvelables (Enr). Et se veut revendicatif : à peine lancé, il dénonce l'atteinte faite à la dynamique de développement des Enr du fait "de décisions déstabilisantes en matière de photovoltaïque". Selon ce réseau créé à l'initiative d'une association européenne d'élus, Energy Cities, les dernières mesures prises "handicapent sérieusement la mise en oeuvre des politiques locales, donnent des signaux négatifs aux investisseurs, remettent en question unilatéralement l'équilibre de projets importants lancés par les collectivités locales et ont un impact très négatif sur les filières en construction et donc l'emploi que les collectivités cherchent à soutenir".
M.B.