Energie - Gaz et électricité : élus et gestionnaires de réseaux sont raccord sur les compteurs communicants
Comment installer 46 millions de compteurs communicants en cinq à six ans ? Passé le temps des débats, place à l'action ! Ville par ville et, surtout, quartier par quartier. C'est en effet à cet échelon que s'organise le déploiement - désormais en phase industrielle - des nouveaux compteurs pour l'électricité et le gaz. Une opération conséquente : dans une ville moyenne comme Besançon, elle représente, rien que pour les compteurs électriques, 75.000 équipements à remplacer d'ici la fin de l'année. Rapporté aux nouvelles régions en place, le chiffre atteint pour certaines d'entre elles le million. "Nous avons d'abord expérimenté sur 300.000 compteurs à Lyon et à Tours. Puis installé ailleurs 60.000 compteurs Linky depuis le top départ donné en décembre dernier. L'objectif est d'installer dans l'année en cours trois millions de compteurs Linky. Puis de poursuivre à un rythme qui culminera à huit millions sur l'année 2018", a détaillé le 26 janvier Philippe Monloubou, président du directoire d'ERDF, lors d'un point d'étape programmé le premier jour des Assises européennes de la transition énergétique, nouveau nom des Assises de l'énergie, qui se tiennent jusqu'au 28 janvier à Dunkerque.
Une brique vers plus de décentralisation
Pour Linky, l'opération représente cinq milliards d'euros d'investissement. C'est donc un projet qui pèse sur le plan économique. Avec, espère Philippe Monloubou, à la clé 10.000 emplois créés : "5.000 pour les fabriquer - exclusivement en France - et 5.000 pour les installer." Il y voit aussi "un projet numérique et un projet écologique, puisque le compteur communicant est une brique élémentaire de la transition énergétique."
Bruno Lechevin, président de l'Ademe, est aussi intervenu. Pour un rapide coup d'œil dans le rétroviseur : "L'Ademe a d'abord questionné les projets de compteurs qui, au début, n'étaient peut-être pas allés jusqu'au bout de la logique communicante, y compris en intégrant le consommateur." A ses yeux, ces compteurs ne vont pas tout changer. "Mais ils ont un rôle essentiel à jouer dans un système énergétique qui va évoluer et sera demain beaucoup plus décentralisé." Et de pointer la nécessité de muscler la pédagogie sur le sujet : "Il faut bien sûr de la régulation, du contrôle, mais surtout sensibiliser le grand public." D'où la signature par l'Ademe de chartes d'accompagnement du déploiement de ces compteurs, notamment sur les questions de maîtrise de l'énergie, en mobilisant les directions régionales de l'agence et les espaces info-énergie.
Philippe Monloubou a ainsi bon espoir de voir progressivement se développer "autour de Linky tout un écosystème, aussi bien commercial que, dans les territoires, d'offres de services". "D'autant que nous observons chez eux une forte appétence pour les données et leur exploitation pour créer de la valeur écologique et économique. Tous ces compteurs communicants, ce sont autant de capteurs. On est donc en train de poser les bases d'un nouveau fonctionnement du système énergétique."
A la métropole de Lille, le président, Damien Castelain, estime que "dans le Nord-Pas-de-Calais, 16% de la population se trouve en situation de précarité énergétique". Mais la métropole ayant récupéré des compétences sur la distribution d'électricité, de gaz et de chaleur, "ces compteurs peuvent devenir un outil supplémentaire et complémentaire d'aide à la décision". Mais aussi de pilotage des réseaux : "Cette double vocation de l'outil, telle que nous la percevons en tant qu'autorité concédante, vaut autant pour Linky que pour Gazpar."
Le gaz aussi a son compteur communicant
Gazpar est le nom du compteur de gaz automatique intelligent, l'équivalent du compteur Linky en électrique. 11 millions de compteurs Gazpar doivent être installés. L'objectif est de le faire d'ici à 2022. Cela représente 1 milliard d'euros d'investissement. "Après les expérimentations, nous avons démarré il y a quelques jours les premières véritables pauses", déclarait le 26 janvier dernier Edouard Sauvage, directeur général du distributeur de gaz GRDF. La première phase de déploiement concerne quatre zones. Les pauses ont commencé dans le département des Hauts-de-Seine, à Rueil-Malmaison. Les trois autres zones de la phase pilote sont du côté de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), du Havre et de Lyon. Les premiers prototypes et travaux remontent à 2009.
"Il y eut surtout un immense travail de concertation et de définition des besoins, réalisé avec les collectivités et les associations de consommateurs", souligne Edouard Sauvage. Le rythme de transfert des données fit débat. Et il fut par exemple décidé que les données de consommation soient transférées une fois par jour, même si la possibilité est laissée d'un relevé plus fréquent. Concrètement, comme le résume Édouard Sauvage, "vous allez pouvoir savoir tous les jours ce que vous consommez, alors que jusque-là vous aviez un relevé réel de vos consommations seulement deux fois par an".
A partir de ces informations, de nouveaux services pourront en outre être élaborés : "C'est aux fournisseurs de gaz de les développer." Et les collectivités dans tout cela ? Pour lui, la première des priorités est de mesurer les consommations "car on améliore uniquement ce que l'on mesure". Et d'ajouter : "Certains usagers se saisiront de ces informations et les utiliseront, d'autres non. C'est vrai aussi pour les collectivités locales : certaines exploiteront les données agrégées de consommation dans leurs politiques énergie, d'autres non." Les données resteront la propriété du client. "Elles seront collectées, mais elles ne seront utilisées qu'avec l'accord du client. Par ailleurs, les communications seront cryptées", a-t-il rassuré en guise de conclusion.