Fusions de régions : quel bilan sur le plan des finances ?
Une étude de la direction générale des collectivités locales apporte un nouvel éclairage sur les conséquences financières des fusions de régions. Réagissant à ces analyses, Régions de France en conclut que la réforme de 2016 "n'a pas entraîné de surcoûts". Détails.
À quatre mois des élections et alors que le découpage régional essuie de nouvelles critiques, les régions l'ont accueillie comme du pain bénit. De quoi s'agit-il ? D'une étude que la direction générale des collectivités locales (DGCL) vient de publier sur son site internet (voir ci-dessous) et portant sur l'évolution des principales données financières des régions entre 2015 et 2019. Une note prenant soin de comparer, avec toutes les précautions méthodologiques nécessaires, les évolutions respectives des sept régions nées le 1er janvier 2016 de fusions (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est, Hauts-de-France, Normandie, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie) et des six régions (Bretagne, Centre-Val de Loire, Corse, Île-de-France, Pays de la Loire, Provence-Alpes-Côte d'Azur) dont les limites n'ont pas été modifiées.
Il en ressort que si l'on neutralise les compétences en matière de transports et de gestion des fonds européens – qui ont fait l'objet de transferts sur la période – les deux catégories de régions ont maintenu, globalement, leurs dépenses de fonctionnement en 2019 "au même niveau que celui de 2015". En sachant que, précision utile, "le groupe des régions inchangées représente 40% des dépenses de fonctionnement régionales et celui des régions fusionnées 60%".
Cette étude "objective" de la DGCL "démontre que les régions ont maîtrisé leurs dépenses depuis 2015 et que la fusion des régions n'a pas entraîné de surcoûts !", s'est félicitée Régions de France dans un communiqué.
Plus d'investissements dans les régions agrandies ?
Dans le détail, les régions fusionnées enregistrent une augmentation moindre de leurs frais de personnels sur la période 2015-2019 : en neutralisant les transports transférés et la gestion des fonds européens, celle-ci atteint + 9,8%, contre + 12,2% pour les régions dont les limites n'ont pas bougé. En outre, sur la même période, les régions nées en 2016 ont vu leurs charges financières reculer de plus de 20%, tandis que les régions inchangées ont enregistré une progression de celles-ci (d'un peu plus de 7%).
Dans son propre communiqué, la région Grand Est met en avant ces résultats, qui rappellent les "efforts d’économies" qu'elle a conduits et démontrent "la gestion performante des équipes en place". La collectivité omet toutefois d'évoquer un chiffre un peu moins favorable à son bilan : la progression des achats et charges externes de 4,5% en quatre ans dans les régions fusionnées (contre une légère baisse dans les autres régions).
Côté investissement, les nouvelles régions pourraient se féliciter d'avoir pu pousser les feux (+ 11,9%, toujours hors transports transférés et gestion des fonds européens) tout en améliorant leur capacité de désendettement (de 4,6 ans en 2015 à 4,1 ans en 2019). Les régions restées identiques ne peuvent en dire autant : si elles ont réussi à ramener de 6 à 4,6 ans leur délai de désendettement, leurs dépenses d'investissement ont chuté de 10%. L'étude apporte toutefois des précisions complémentaires de nature à nuancer ces chiffres : de 2015 à 2018, les investissements des deux groupes de régions ont baissé (de 5% pour les régions fusionnées et de 10% pour les autres). En 2019, les investissements que les nouvelles régions dans leur ensemble ont engagés ont connu un ressaut du seul fait de l'action d'une région : la Normandie. La région présidée par Hervé Morin a mis en place, cette année-là, une nouvelle offre de transport (non comptabilisée dans les transports transférés).
"Pas de réorganisations structurelles"
Malgré ces analyses, la région Grand Est estime qu'"à politique identique, le coût par usager/bénéficiaire aurait été largement supérieur en l’absence de fusion" et que le déploiement de certains services, comme le déploiement du très haut débit, "n’aurait pu être envisagé que dans des délais beaucoup plus longs".
L'étude de la DGCL apporte en tout cas un éclairage supplémentaire sur les conséquences des fusions des régions. Elle permet ainsi d'étoffer, et même parfois de nuancer l'analyse que la Cour des comptes avait publiée en septembre 2019. Dans le second fascicule de son rapport sur les finances publiques locales en 2019, la Cour des comptes déplorait que "trois ans après la mise en œuvre de la réforme", les économies de gestion annoncées par le gouvernement de Manuels Valls n'étaient "pas encore au rendez-vous" (voir notre article du 24 septembre 2019). La fusion des régions "a occasionné dans un premier temps des surcoûts importants", pointaient par ailleurs les magistrats. L'harmonisation par le haut des régimes indemnitaires était, selon eux, la principale cause. "Globalement, en l’absence d’une politique volontariste de réduction des effectifs, en 2021 les dépenses annuelles supplémentaires en matière de régime indemnitaire des régions fusionnées" représenteront environ 50 millions d'euros par rapport à la situation de 2016, s'alarmaient-ils. Ils constataient, certes, de premières économies sur les contrats d'assurance, l'achat d'énergie, l'immobilier, ou les systèmes d'information. Mais faute de "réorganisations structurelles", les régions n'avaient pas réussi à ce stade à dégager réellement des économies, dénonçait l'institution de la rue Cambon. À l'époque, Régions de France indiquait que "c’est seulement à l’issue de la mandature régionale qu’un bilan précis [des fusions] pourra être effectué".