Décentralisation : l'exécutif donne sa bénédiction au projet de loi 4D
Reporté plusieurs fois, le projet de loi "4D", qui acte de nouveaux transferts de compétences aux collectivités territoriales, sera présenté au conseil des ministres "au début du printemps".
Le Premier ministre a mis fin au suspense sur le sort de la réforme "4D" (différenciation, décentralisation, déconcentration et décomplexification). "Ce projet de loi va être transmis au Conseil d'Etat dès le début de la semaine prochaine, afin de permettre sa présentation au conseil des ministres au début du printemps prochain", a révélé Jean Castex samedi 13 février à Orléans. "Il faut faire confiance aux territoires", a-t-il seulement déclaré, accompagné de Jacqueline Gourault (Cohésion des territoires) et Marc Fesneau (Relations avec le Parlement).
La réforme voulue par Emmanuel Macron à l'issue de la crise des "gilets jaunes" verra donc bien le jour. L'acte de naissance est prévu fin mars ou début avril, alors que l'échéance de début février avait été annoncée initialement. Il aura donc fallu attendre deux ans après la commande passée par le président de la République. Un délai qui s'explique notamment par la crise sanitaire, la ministre de la Cohésion des territoires ayant dû interrompre la concertation avec les élus locaux. Mais l'exécutif a aussi hésité dans la dernière ligne droite. Du fait de l'encombrement du travail parlementaire d'ici la fin de la législature, il lui a fallu trancher entre plusieurs projets de loi. A cette fin, Emmanuel Macron avait demandé à la mi-janvier aux ministres concernés – dont Jacqueline Gourault – de lui présenter une argumentation.
Transferts de compétences et expérimentations
Attendu par nombre d'élus locaux, le projet de loi "4D" allait-il figurer sur la feuille de route gouvernementale pour la fin du mandat ? Fin janvier, le président (LR) de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), Sébastien Martin, semblait ne pas croire à ce scénario, évoquant le projet de réforme à l'imparfait. Plus récemment, le député (Libertés et Territoires) Michel Castellani déclarait dans l'hémicycle, au sujet du dossier : "On parle désormais de son enterrement". Le secrétaire d'Etat chargé de la Ruralité ne le rassurait guère, indiquant que "le calendrier parlementaire de l’année 2021 dans son ensemble est très chargé".
La ministre de la Cohésion des territoires avait dévoilé avant Noël le détail de sa réforme, sans toutefois transmettre l'avant-projet de loi aux associations d'élus locaux (voir notre article du 17 décembre). Au programme figuraient, pêle-mêle, l'affirmation du principe de différenciation dans la loi, le renforcement des pouvoirs réglementaires locaux, la décentralisation des routes nationales aux départements volontaires, ainsi que le transfert obligatoire de la médecine scolaire aux départements. Plusieurs expérimentations étaient également envisagées dans les domaines des routes nationales (transfert à des régions volontaires), du logement (délégation des aides à la pierre et de l'hébergement aux EPCI), ou du RSA (recentralisation à la demande du département).
On devrait retrouver ces mesures dans le projet de loi qui sera finalement présenté au début du printemps. Mais certaines dispositions prévues initialement n'en feront pas partie. Comme celles qui portent sur le recul du trait de côte : elles ont été intégrées au projet de loi "Climat et Résilience" que le conseil des ministres a examiné le 10 février (voir notre article).
Le gouvernement appelé à "plus d'ambition"
L'Association des petites villes de France (APVF) a réagi dès samedi aux annonces de Jean Castex. Ses responsables, qui avaient récemment écrit au président de la République pour défendre le projet de loi, ont déclaré, dans un communiqué, "se réjouir" de l'arbitrage de l'exécutif en faveur du texte. Mais, "tel qu’il est connu actuellement", ce dernier "ne peut être qu’une étape" : il devra être "musclé" et "plus ambitieux", ont-ils dit.
Du côté de France urbaine, on disait espérer que la réforme trouve une place "au plus vite" sur l'agenda du Parlement (voir notre article du 22 janvier). Et ce 16 février, l'association des grandes villes et intercommunalités a salué dans un communiqué "cette annonce qui confirme ainsi que ce texte figure bien parmi les priorités de la fin du quinquennat". France urbaine en profite pour rappeler qu'elle a "fait des propositions pour aller plus loin" que l'avant-projet de loi, via notamment "des expérimentations de délégation complète de la gestion des aides à la pierre, des aides à l’isolation énergétique et des aides politique de la ville en matière de réussite éducative et de prévention spécialisée".
Ces derniers temps, seule Régions de France semblait ne pas être déçue par l'hypothèse d'un abandon du projet de loi "4D". "Si le dossier est enterré, ce ne serait pas plus mal", avait affirmé son président Renaud Muselier (LR), en déplorant que ses propres propositions n'aient pas été retenues.
Le président du Sénat a également critiqué un projet de texte "loin de marquer une nouvelle étape de la décentralisation", ne répondant pas aux "attentes des élus en matière de responsabilités" et n'abordant pas les "enjeux financiers" (notre article du 4 février).