Fusion de Culture Co et de Culture et Départements : "Travailler ensemble devrait décupler notre capacité à agir"

Les associations Culture Co et Culture et Départements, qui œuvrent chacune en faveur de l'action culturelle des conseils départementaux, viennent d'annoncer leur prochaine fusion. Leurs présidents respectifs, Claudy Lebreton et Mireille Pinaud, ont expliqué à Localtis les raisons de cette évolution.

Localtis : Pouvez-nous présenter vos deux associations ?

Mireille Pinaud : Culture et Départements est une association qui a plus de trente ans et réunissait à l'origine les directeurs des affaires culturelles des départements, les DAC, pour partager les enjeux du métier autour des politiques culturelles départementales.

Claudy Lebreton : Culture Co est l'appellation très récente de la Fédération des arts vivants et départements (FAVD), née il y a plusieurs dizaines d'années. Son originalité est qu'élus et représentants des associations financées par les conseils départementaux siègent ensemble au conseil d'administration. Nous avons élargi notre périmètre pour devenir Culture Co.

Pour quelles raisons avez-vous décidé de fusionner ?

Mireille Pinaud : C'est un projet mis en place il y a quelques années déjà. Nos différences tiennent dans une dominante "métier", à travers les DAC, chez Culture et Départements, et dans une dominante d'associations départementales chez AFVD. Mais forcément, les départements donnant des missions aux associations départementales en fonction de leurs politiques culturelles, nous finissions par travailler sur les mêmes sujets. Nous avions des temps où l'on se retrouvait et nous avons fini par retrouver des DAC chez FAVD et des associations chez Culture et Départements. Nous avons alors commencé par signer une convention afin de travailler ensemble sur certains sujets. Quand j'ai pris la présidence de Culture et Départements et que la FAVD est devenue Culture Co, il n'y avait plus la nécessité d'avoir deux associations différenciées. Nous avions plus intérêt à travailler au sein d'une même association, à partager un regard politique et technique, tout en conservant un endroit où les DAC pourraient avoir un échange "métier" sur des sujets plus spécifiques.

Claudy Lebreton : Il y a eu au sein de la FAVD jusqu'à soixante-dix associations financées, à l'époque, par les conseils généraux. Aujourd'hui, il en reste une dizaine aux côtés de quarante conseils départementaux adhérents. Culture et Départements a été créée car, à l'époque, la culture n'était pas un thème prioritaire au sein de l'Assemblée des départements de France (ADF). Les DAC avaient alors estimé que dans le cadre des lois de décentralisation, il fallait faire entendre la voix des départements en matière de politiques publiques culturelles. Quand je suis arrivé à la présidence de l'ADF en 2004, il y avait ce débat autour du millefeuille territorial et de la suppression d'un niveau de collectivité. Et qui visait-on ? Les conseils généraux. Nous nous sommes alors dit qu'il y avait quelque chose à mettre en œuvre pour donner une image moins vieillotte aux départements qui avaient développé, de façon parfois discrète, beaucoup de politiques publiques culturelles. Avec deux milliards d'euros, nous étions les deuxièmes financeurs de la culture derrière le bloc communal. Nous avons donc utilisé la culture et cela nous a conduits à des partenariats avec Culture et Départements.

Les départements ont-ils aujourd'hui la place qu'ils méritent dans les politiques culturelles ?

Mireille Pinaud : Les départements ont peu de compétences obligatoires en matière culturelle – lecture publique, schéma des enseignements artistiques et archives. Pour le reste, c'est une compétence partagée et chacun se saisit en fonction de ses propres enjeux politiques et territoriaux. Il y a donc des disparités importantes dans la façon dont les uns et les autres se saisissent des enjeux culturels, et leur capacité à s'en saisir relève uniquement d'une volonté et des moyens, car les départements traversent une situation très difficile. Loi de décentralisation après loi de décentralisation, réforme fiscale après réforme fiscale, on se retrouve avec zéro autonomie financière. Or, les compétences non obligatoires ne peuvent se développer qu'avec un levier fiscal et la capacité à générer des recettes. Aujourd'hui, il ne nous reste que les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), par définition totalement liés au marché de l'immobilier. Celui-ci s'effondrant, le produit de la taxe s'est effondré dans quasiment tous les départements. Ces deux sujets sont liés. Les départements les plus dynamiques culturellement sont aussi ceux qui ont des richesses plus importantes. Pendant quelques années fastes, les DMTO ont permis de soutenir un niveau intéressant en matière de politiques non obligatoires. Aujourd'hui, nous sommes étranglés par les compétences obligatoires en matière sociale et de solidarité, sur lesquelles la crise se répercute forcément. Ceci dit, le département est bien sûr pertinent sur le sujet culturel, il est le mieux placé pour coordonner, inciter et impulser un développement des politiques culturelles sur les territoires. Dans beaucoup de départements, nous sommes positionnés dans un accompagnement des intercommunalités pour la mise en place de projets culturels de territoire de façon à ne plus travailler petite commune par petite commune, ainsi que dans l'éducation artistique et culturelle à travers les collèges et, de plus en plus, sur le volet solidarités afin de créer du lien par l'action culturelle. Le département occupe donc une place que d'autres collectivités ne peuvent pas occuper.

Claudy Lebreton : Le département est véritablement un territoire de proximité, mais aussi la première collectivité qui a des moyens importants, même dans les départements les plus pauvres, tandis que la région, plus tournée vers l'État et l'Europe, est un territoire plus éloigné. Or la vie quotidienne des Français s'inscrit dans un territoire de proximité qui n'est pas très vaste : là où ils habitent, travaillent, consomment et s'engagent. On devrait donc aller plus loin dans les lois de décentralisation et donner la possibilité au couple commune-département de régler les problèmes du quotidien. En matière de politiques culturelles, au-delà des compétences obligatoires pour lesquelles on a fait beaucoup de choses, y compris sur le patrimoine, les départements ont été très forts dans la création et la diffusion artistiques, notamment avec la territorialisation du financement des artistes. En 1992, dans les Côtes-d'Armor, dont j'étais vice-président à la culture, nous n'avions que quatre compagnies de théâtre. Aujourd'hui, il y en a 128.

Comment votre nouvelle structure va-t-elle fonctionner ?

Claudy Lebreton : Nous venons chacun avec une histoire, ce n'est pas rien. Les DAC ont une place déterminante dans la collectivité départementale, alors que nous étions sur un terrain plus politique. Au sein de la nouvelle association, nous allons poursuivre cette double culture : avec celles et ceux qui mettent en œuvre les politiques publiques dans les départements et celles et ceux qui les initient. Dans cette association, tout le monde sera à égalité de droits et de devoirs, c'est ça qui est un petit peu original. Toutes les sensibilités politiques sont présentes, mais nous menons un combat pour la démocratie territoriale, la question de la proximité.

Mireille Pinaud : Je partage cette vision du rassemblement des forces et cet enrichissement mutuel qui vont nous permettre de compter dans le débat au niveau national sur la place qu'occupent et que doivent continuer à occuper les départements dans la mise en œuvre des politiques culturelles sur les territoires avec ce grand atout qu'est la proximité. Le fait de travailler ensemble sur des sujets que nous partagions déjà devrait décupler notre capacité à agir, à être visibles, à faire entendre notre voix mais aussi à être de plus en plus innovants et à mettre en place le principe de solidarité entre les départements qui ont plus de moyens, de personnels, d'ingénierie, et d'autres plus petits, selon un principe de partage de formations, de réflexions communes et de mises en place d'outils.

Quel sera le nom de l'association issue de cette fusion ?

Mireille Pinaud : Étant donné que Culture Co venait juste de changer de nom et que nous nous retrouvons sur ce nom, qu'il nous ressemble aussi, nous allons le garder. Nous marquerons le changement et l'intégration d'une autre structure à travers une baseline.

À quel moment la fusion sera-t-elle officielle ?

Claudy Lebreton : Lors du prochain Festival d'Avignon, au mois de juillet. Nous profiterons de cet évènement national et international pour créer notre propre évènement en officialisant cette fusion.