Simplifications administratives - Freiner "l'affolement de la machine à produire du droit"
Les députés ont adopté ce 9 octobre la proposition de loi UMP de "simplification du droit", qui vient notamment supprimer ou adapter certaines dispositions législatives obsolètes. Débattue dans le cadre d'une "niche", elle a été votée par l'UMP et le Nouveau Centre. Le PS, le PCF et les Verts se sont abstenus, au terme d'une discussion plutôt brève et consensuelle.
Le texte supprime 127 lois obsolètes, parfois très anciennes et aux dénominations cocasses comme la lutte contre les "tromperies sur l'origine des noix" ou la répression des "fraudes sur le guignolet". Sont également supprimés, par exemple, les décrets successifs des années 1930 "portant réglementation de la vente par camions bazars", un décret de 1791 "relatif à l'organisation d'une police municipale et correctionnelle", une loi de 1907 sur les conseils généraux ou bien encore la loi de 1923 "fixant les conditions d'attribution de subventions de l'Etat aux départements ou aux communes pour l'organisation et l'exploitation des services publics réguliers de transport par voitures automobiles et à traction électrique"...
De façon moins anecdotique, la proposition de loi comprend des dispositions concrètes de simplification touchant à la fois les particuliers, les entreprises et les collectivités. A l'Assemblée, le rapporteur Jean-Luc Warsmann a posé sur la tribune une impressionnante pile de dossiers, pour illustrer "l'affolement de la machine à produire du droit" : "La pile représente simplement les lois votées les deux dernières années de la dernière législature, un record dans l'histoire du Parlement." "Plus de 10.500 lois et plus de 120.000 décrets", "plus de 740 traités ou accords internationaux" et "plus de 17.000 textes communautaires" s'appliquent en France", a-t-il égrené.
Le texte été qualifié de "première étape" par le ministre du Budget, Eric Woerth, qui s'est engagé à présenter devant le Parlement un ou deux projets de loi de simplification du droit par an et a profité de l'occasion pour lancer le jour même une consultation sur internet censée permettre aux usagers de se prononcer sur les mesures de simplification de l'administration.
Des dispositions inspirées du rapport Lafon
Dans le cadre de cette consultation, de nouvelles démarches seront soumises tous les deux mois à l'avis des usagers. Les premières concernent entre autres l'inscription sur les listes électorales, le vote par procuration, le renouvellement des papiers d'identité ou encore les réclamations en matière de taxe foncière ou de taxe d'habitation.
D'ores et déjà, la proposition de loi prévoit par exemple de supprimer le certificat médical prénuptial ou l'envoi simultané aux services de protection maternelle et infantile et aux caisse d'allocations familiales des examens postnataux (dès le vote de la loi, ces documents seront adressés uniquement aux PMI).
Un important chapitre de la loi concerne encore plus directement les collectivités (voir aussi notre article du 28 septembre ) : élargissement de la liste des actes non-soumis au contrôle de légalité, assouplissement du recours à l'emprunt des centres communaux d'action sociale, suppression de la consultation du conseil général pour la création ou la dissolution des syndicats de communes, modalités de suppléance au sein du Comité des finances locales, réduction du nombre des opérations funéraires réalisées obligatoirement sous la surveillance des autorités publiques, occupation ou utilisation à titre gratuit du domaine public communal au bénéfice des associations, possibilité donnée au conseil municipal de déléguer au maire l'acceptation des indemnités de sinistre, assouplissement des modalités de saisine des commissions consultatives des services publics locaux... Sans oublier plusieurs dispositions relatives aux marchés publics, qui entendent à la fois élargir le champ des délégations à l'exécutif local, simplifier le régime des avenants et préciser le champ des marchés soumis au contrôle de légalité.
Une partie de ces dispositions figuraient dans le rapport Lafon de mars dernier relatif à "la simplification de l'activité des collectivités territoriales".
Réparer certaines erreurs
Plusieurs amendements ont été adoptés en séance. L'un d'eux, relatif aux autorisations d'urbanisme, va en fait permettre de réparer une erreur : la récente réforme des permis de construire avait omis de donner au maire la possibilité de déléguer à un agent des services municipaux la faculté de signer les permis et les divers actes d'instruction tels que les notifications de listes des pièces manquantes.
Un autre amendement vient pour sa part harmoniser les taux des vacations funéraires fixées par les maires : leur minimum et leur maximum seront désormais définis par décret.
Un autre, encore, entend remédier à l'erreur de codification qui empêchait théoriquement les EPCI de fonder légalement leurs interventions relatives à "la création ou au maintien d'un service nécessaire à la satisfaction des besoins de la population en milieu rural" (article L. 2251-3 du CGCT).
S'agissant de l'utilisation à titre gratuit du domaine public communal - lorsque celle-ci n'a pas pour conséquence l'exercice d'une activité commerciale - (voir notre article du 2 octobre), les députés ont étendu la proposition initiale aux départements, régions et EPCI.
L'Assemblée a par ailleurs ajouté une disposition devant contribuer à "éviter la création de syndicats mixtes dont l'utilité n'est pas avérée" dans le cadre des schémas de cohérence territoriale (Scot).
Enfin, au sujet de l'article relatif au Comité des finances locales (CFL), qui prévoit d'harmoniser les règles de suppléance pour toutes les catégories de membres du CFL (chaque membre titulaire serait représenté, en cas d'empêchement, par un suppléant désigné dans les mêmes conditions que lui), le député du Nord Bernard Derosier avait souhaité profiter de l'occasion pour modifier quelque peu les règles du jeu : les représentants des administrations siégeant au CFL n'auraient plus disposé que d'une voix consultative, laissant aux seuls représentants des collectivités un pouvoir de décision. Mais la commission des lois avait d'emblée rejeté cette idée.
La proposition de loi doit maintenant être examinée par les sénateurs avant d'être soumise à une deuxième lecture.
Claire Mallet