E-éducation - François Hollande annonce un milliard d'euros pour son plan numérique dédié aux collèges
Un milliard sur trois ans ! Les moyens mobilisés par l'Etat, annoncés le 7 mai par le président de la République en clôture de la conférence de restitution de la concertation nationale sur le numérique à l'école, ne seront pas négligeables.
Un tiers de la somme sera prélevé sur le programme d'investissements d'avenir (PIA), que le gouvernement renouvellera l'année prochaine "pour pouvoir financer des investissements dans l'éducation, l'enseignement supérieur et la recherche". Et les deux autres tiers, soit 650 millions, seront pris directement sur le budget de l'Etat.
Généralisation de l'équipement individuel pour les collégiens de la 5e à la 3e
L'armature du plan repose sur la généralisation de l'équipement individuel, "une tablette ou un ordinateur", afin que 100% des collégiens, de la 5e à la 3e puissent en disposer à l'horizon 2018. A la différence des choix initiaux centrés sur les tablettes numériques, le chef de l'Etat a annoncé un dispositif plus ouvert puisque "les départements et les équipes éducatives seront libres de construire leurs projets et de choisir leurs équipements".
Rappelant les devoirs de l'Etat en matière d'aide aux collectivités, il a assuré que "pour chaque euro investi par un conseil départemental dans l'équipement des élèves au collège, l'Etat mettra également un euro". On notera toutefois que le financement porte sur les équipements individuels et non pas sur les équipements de la classe comme par exemple les tableaux blancs interactifs.
209 collèges pilotes supplémentaires dont 109 en REP
En outre les subventions, qui devraient logiquement prendre la forme d'une dotation par collégien, seront-elles aussi plafonnées à 380 euros comme le prévoit l'appel à projets lancé par le ministère de l'Education nationale en mars dernier (voir notre article ci-contre du 12 mars), "pour expérimenter le numérique dans les collèges et les écoles" ? Le chef de l'Etat ne l'a pas précisé. En revanche, il a confirmé la poursuite de l'extension de l'expérimentation après le "vif succès" remporté par l'opération et l'afflux des candidatures. Au total, à la rentrée de septembre 2015, 209 collèges pilotes supplémentaires seront engagés dans l'expérimentation, dont 109 relevant de l'éducation prioritaire ; les 337 écoles situées sur leur secteur seront associées à une démarche conjointe de mutualisation de ressources et de mise en réseau pédagogique.
Le choix des établissements "représentatifs de la diversité des territoires et des établissements" a été confirmé lors de la réunion du comité de sélection du 5 mai, à laquelle des représentants de l'Assemblée des départements de France et de l'Association des maires de France avaient été associés.
Programme "exceptionnel" de formation des enseignants
Le plan national ne se cantonnera pas aux seuls équipements. Le président de la République le présente comme une "rupture" avec les quinze plans numériques qui l'ont précédé : "ce n'est pas seulement un programme dédié aux nouvelles technologies mais une intelligence nouvelle, portée par les enseignants et mise à la disposition des élèves et aussi le moyen d'associer plus étroitement les parents à la réussite de leurs enfants". La nouveauté réside en effet dans la mise en place d'un "ensemble de dispositifs d'accompagnement ambitieux", à commencer par un programme "exceptionnel" de formation des enseignants et des personnels pour les trois prochaines années, 2016, 2017 et 2018. "Nous devons faire en sorte que les enseignants soient pleinement en mesure d'utiliser ces technologies" a-t-il souhaité.
A charge pour les écoles supérieures du professorat et de l'éducation d'assurer la formation initiale. Quant aux enseignants en activité, le plan prévoit un programme de formation continue qui bénéficiera à "plusieurs dizaines de milliers d'enseignants et de chefs d'établissements du second degré" a encore annoncé le Président.
Plateforme nationale de ressources pédagogiques et "cartable allégé"
Autre axe fort du projet, la création de ressources et de contenus pédagogiques sera relancée, afin notamment de concrétiser l'idée déjà ancienne du "cartable allégé". Plusieurs appels d'offres seront lancés dès la rentrée de septembre 2015 "pour que tout soit prêt en 2016". L'Etat demandera aux éditeurs un "effort particulier" sur cinq secteurs - le français, les mathématiques, les langues étrangères, l'histoire-géographie et les sciences – afin de créer un effet de seuil et une dynamique nouvelle.
D'autres outils innovants sont annoncés afin de diffuser la culture digitale et étoffer sensiblement l'offre de contenus. Dans ce cadre, l'Etat prévoit la création d'une grande plateforme "pour partager toutes les ressources entre tous les professeurs et tous les élèves". Elle aura vocation à accueillir les contenus produits par les éditeurs scolaires, par les "entreprises innovantes" et par les enseignants – de plus en plus nombreux à créer leurs propres ressources. Pour encourager le courant et soutenir les industries et entreprises innovantes en éducation, la banque publique d'investissement (BPI) consacrera 15 millions d'euros à cette activité.
Les collèges, oui mais, qu'en est-il des écoles ?
Ce plan a le mérite de proposer un dispositif complet destiné à être rapidement opérationnel. Il sera doté de moyens conséquents, sous réserve d'inventaire sur l'effort réellement consenti par l'Etat pour sa mise en œuvre.
Mais on peut aussi s'interroger sur la portée réelle du plan. Priorité a clairement été donnée au second degré ; l'école semble pour l'instant le parent pauvre dans la distribution des moyens. Certes, il y a bien l'expérimentation en cours de mise en réseau dans les zones prioritaires, qui esquisse un modèle d'appui et de coopération entre établissements. Oui, les écoles profiteront sans doute des ressources de la future plateforme, mais au-delà c'est un peu l'inconnu, et particulièrement dans les territoires ruraux. Faudra-t-il attendre la version 2.0 du plan pour voir les autorités publiques se pencher sur le numérique dans l'enseignement primaire ? C'est probable. Il conviendrait sans doute de trouver des solutions de transition, d'ici là, pour que le numérique "soit mis à la disposition de tous les territoires et de tous les élèves", comme l'a annoncé le Président.
Philippe Parmantier / EVS
Concertation nationale sur le numérique pour l'éducation : éclairages
Lancée le 20 janvier 2015 par le ministère de l'Education nationale, la grande consultation nationale sur le numérique pour l'éducation, clôturée le 9 mars 2015, a réuni 60.000 contributions et donné lieu à plus de 150 rencontres académiques. Principaux contributeurs : les enseignants (46%), suivis des familles ou partenaires (25%), les élèves ne représentant que 11% de l'échantillon. Comme nombre de consultations de cette ampleur, ce sont surtout les grandes tendances consensuelles qui émergent. On retiendra ainsi que 90% des élèves, familles et enseignants estiment que l'école doit préparer les jeunes à "l'usage autonome, conscient et responsable des outils et des réseaux numériques", que 93% des enseignants souhaitent voir leur formation aux usages du numérique plus massivement déployée, que 77% des élèves et des familles sont favorables à la mise à disposition des élèves d'équipement individuel mobile, ou encore que 75% des répondants voient dans le numérique un facteur d'ouverture de l'école vers le monde associatif et professionnel.
P.P.