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Réforme territoriale - Fortes divergences entre les associations d'élus

Les conseillers territoriaux et la suppression de leur clause générale de compétence prévus par l'avant-projet de loi relatif aux collectivités territoriales passent très mal auprès des départements et des régions. Du côté des communes et de l'intercommunalité, des divergences sensibles apparaissent, notamment sur la question des métropoles.

Les associations nationales d'élus représentatives des communes et de l'intercommunalité se montrent favorables aux métropoles et aux communes nouvelles, deux structures d'un genre nouveau que prévoit l'avant-projet de loi relatif aux collectivités. Mais à des degrés différents et, en tout cas, selon des modalités qui divergent.
L'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF) est parmi les plus enthousiastes à l'idée de la naissance de métropoles. Le principe d'une création sur la base du volontariat lui convient tout particulièrement. Mais le seuil de 500.000 habitants lui paraît fixé trop haut. Serge Grouard, vice-président de l'association et maire d'Orléans, a eu l'occasion de le dire jeudi matin au ministre de l'Intérieur qui le recevait place Beauvau. L'association réclame "un peu de mou", évoquant par exemple un seuil à 400.000 habitants, qui permettrait à des agglomérations comme Rennes ou Grenoble d'accéder au nouveau statut. Elle aimerait aussi que les métropoles soient dotées de la clause générale de compétence, ce que ne prévoit pas l'avant-projet de texte. Autre dimension, qui laisse quasiment perplexes les maires de grandes villes : le transfert aux métropoles de la totalité des compétences des départements, qui "ne constitue pas forcément un vrai progrès". Le secteur social est "très lourd à gérer", fait-on remarquer à l'AMGVF.
L'Assemblée des communautés de France (ADCF) exprime elle aussi des réticences, en particulier du fait du transfert des compétences départementales. Une mesure "ambitieuse", mais peut-être trop. Résultat : bon nombre de candidats pourraient jeter l'éponge. L'ADCF va donc proposer une autre solution, qui lui semble plus opérationnelle : celle d'une communauté "renforcée" dans ses compétences et plus intégrée financièrement. Par un mécanisme d'appel de compétences, les communautés concernées, plus nombreuses que les sept potentiellement visées par l'avant-projet de loi, pourraient ainsi exercer certaines des compétences départementales - mais pas toutes - comme la voirie ou le logement.

 

"Métropoles suzeraines" ?

L'Association des maires de France (AMF) sera très vigilante sur la mise en place des métropoles. Son président, Jacques Pélissard, a rappelé mercredi au ministre de l'Intérieur les conditions de la constitution de "cinq ou six" métropoles en dehors de l'agglomération parisienne : "Les communes membres de ces métropoles doivent demeurer des communes de plein exercice et elles doivent conserver leur pouvoir fiscal." En résumé, la loi "ne doit pas mettre en place des structures suzeraines" conduisant à la "vassalisation des communes", souligne le député-maire de Lons-le-Saunier.
Sur la création de communes nouvelles par la fusion des communes situées dans une même communauté, le gouvernement devra revoir sans doute sa copie s'il souhaite obtenir la pleine adhésion des élus. Mais cela sera sûrement très difficile, tant les revendications diffèrent. L'association des maires de petites villes de France (APVF) est la plus réservée en dénonçant la "volonté cachée de réintroduire des projets de fusion de communes". En revanche, pour Jacques Pélissard, le référendum et la consultation des communes sont des "garde-fous" permettant d'affirmer le caractère du volontariat. Il ne voit donc pas d'objection aux communes nouvelles. Mais comme pour les métropoles, l'AMF veillera à ce que ces structures n'entraînent pas une "vassalisation" des communes.
Favorables au concept, l'ADCF et l'AMGVF critiquent néanmoins ses modalités de mise en oeuvre. La première association regrette qu'une "carotte financière" ait été prévue, donnant l'impression que "la phase 2 de l'intercommunalité" vise avant tout à faire des intercommunalités les communes de demain. La seconde association pointe "un système trop verrouillé" puisque les communes nouvelles ne pourraient voir le jour que si les habitants et les conseils municipaux se sont très majoritairement prononcés pour. De plus, elle réclame le bénéfice de la clause générale de compétence au profit des nouvelles entités.

 

Intercommunalité : encadrer le rôle du préfet ?

Concernant le volet sur l'intercommunalité, l'ADCF se félicite de retrouver dans l'avant-projet de loi beaucoup de ses propositions. Aussi est-elle en phase avec beaucoup de dispositions, comme celles qui concernent l'intérêt communautaire ou le transfert des compétences. Mais elle exprime aussi un certain nombre de regrets : l'achèvement de la carte repoussé à fin 2013, soit deux ans après l'échéance souhaitée par l'association ; une participation encore trop faible des présidents de communautés au sein de la commission départementale de la coopération intercommunale (30% quand l'association réclame un quota de 40%) ; un déséquilibre des rôles du préfet et de la commission départementale, le rôle du préfet n'étant pas assez "encadré" ; des règles de représentation des communes au sein des conseils communautaires qui sont "trop mécaniques et rigides". De leur côté, les maires de petites villes regrettent la possibilité de fusions d'intercommunalités sans le consentement des conseils communautaires. Jacques Pélissard préfère souligner les points forts du texte : "la clause de compétence générale reconnue au bloc communes-intercommunalité", "l'achèvement de la carte intercommunale avant les prochaines élections municipales", l'élection des conseillers communautaires le même jour selon des modalités respectueuses de la commune, le renforcement du rôle de la commission départementale de la coopération intercommunale, dont les propositions auront "une valeur essentielle".
Les critiques mises en exergue par les uns et les autres promettent un jeu serré de compromis avant l'examen du projet de loi en Conseil des ministres prévu en septembre, puis une bataille d'amendements lors de la discussion parlementaire qui débutera à l'automne.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 


Régions et départements brocardent les conseillers territoriaux

"Le texte est excessivement décevant car il ne réforme en rien les collectivités locales, ne clarifie rien et ne génère aucune économie." François Langlois, délégué général de l'Association des régions de France (ARF), traduit l'opinion très négative que le président de l'association, Alain Rousset, a exprimé lors d'un entretien mercredi avec le ministre de l'Intérieur. Les conseillers territoriaux créés par la fusion des mandats des conseillers généraux et régionaux suscitent particulièrement l'opposition de l'ARF. Parce qu'ils siégeront dans deux assemblées différentes, ils seront nécessairement des élus à plein temps, de fait "coupés de la population et des territoires", analyse François Langlois. Par ailleurs, l'ARF considère "scandaleux" que le mode de scrutin pour l'élection des conseillers territoriaux soit "masqué", tant cette question est primordiale. L'association sera donc particulièrement vigilante sur le mode de scrutin qui sera retenu. Elle estime en tout cas que le scrutin uninominal qui sert aujourd'hui à l'élection des conseillers généraux ne serait pas favorable à la région. "Ancré sur un territoire", le conseiller territorial aurait ainsi "pour préoccupation sa réélection" et par conséquent "ferait son marché à la région", redoute François Langlois. Le profil de ces élus ne serait pas en adéquation avec les politiques des régions. Centrées sur l'innovation, la recherche, le développement économique régional, celles-ci "ne génèrent pas beaucoup d'inaugurations" fait-il remarquer. Autre point de l'avant-projet très sévèrement critiqué par l'ARF : la suppression de la clause générale de compétence des régions qu'elle qualifie de "pur affichage politique". Car "elle ne changera rien, tellement il y aura de dérogations". Les choses seront même "plus compliquées" et "moins lisibles" que maintenant.
La spécialisation des compétences et les conseillers territoriaux, les deux bêtes noires d'Alain Rousset, sont les mêmes qui agacent le président de l'Assemblée des départements de France (ADF), Claudy Lebreton (lire notre article du 23 juillet 2009). Celui-ci se dit aussi vivement opposé à la création de métropoles, non sur le principe, mais sur le fait qu'elles soient dotées des compétences des départements. A la place, il prône des délégations de compétences des départements au profit des métropoles, ce que prévoit d'ailleurs l'avant-projet de loi dans les relations entre les métropoles et les régions.

T.B.

 

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