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Formation des détenus : le processus de décentralisation engagé mais pas abouti

Les régions sont chargées depuis le 1er janvier 2015 de la formation professionnelle des détenus. Mais d'après le livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire, remis début avril 2017 au gouvernement, le processus de décentralisation n'aboutira qu'au 1er janvier 2018 et des retards sont observables.

Depuis le 1er janvier 2015, dans le cadre de la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, les régions sont chargées de la formation professionnelle des détenus. D'après le livre blanc sur l'immobilier pénitentiaire, remis par Jean-René Lecerf au gouvernement début avril 2017, le processus de décentralisation "est très largement engagé" mais il n'aboutira qu'au 1er janvier 2018, date d'échéance des marchés pour les établissements relevant de la gestion déléguée. En effet, le transfert de compétences porte pour le moment sur les établissements du territoire. Les régions ne pourront assurer le pilotage des prisons en gestion déléguée qu'à l'échéance des contrats, soit fin 2017 pour la plupart, voire davantage pour les prisons en partenariat public privé. Ces prisons représentent près de la moitié du parc carcéral. Sur un même territoire, l'accès à la formation professionnelle dépend ainsi du statut de l'établissement. Difficile dans ce cadre pour les régions d'établir une politique d'ensemble…

Les premières remontées "assez préoccupantes"

"Des retards certains sont observables, signale le livre blanc, des arrêtés interministériels ont ainsi dû venir se substituer aux conventions de mise à disposition, faute de signature. En l’état, les premières remontées de l’enquête-flash* de la Direction de l'administration pénitentiaire (DAP) sont assez préoccupantes pour la plupart des directions interrégionales". Pourtant, l'expérimentation menée dans deux régions, Pays de la Loire et Aquitaine, prévue par la loi pénitentiaire n°2009-1436 du 24 novembre 2009, a montré l'efficacité de la gestion de la formation des détenus par les régions.
Dans leur bilan réalisé en 2013, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et celle des services judiciaires (IGSJ) ont conclu à une amélioration quantitative et à des enrichissements qualitatifs de l'offre et à un financement en augmentation, les régions ayant adopté des budgets supérieurs au montant des transferts des crédits de l'Etat.
A l'inverse, depuis plusieurs années, le dispositif de formation professionnelle des détenus, piloté historiquement par l'Etat et financé par le ministère de l'Emploi et le fonds social européen (FSE) voyait ses financements et le nombre de détenus formés diminuer. Les besoins sont pourtant là. D'après le ministère de la Justice, les détenus sont souvent très peu qualifiés, au mieux ils ont un niveau de fin d'études primaires. Le taux d'illettrisme est d'environ 10,9%, au-dessus de la moyenne nationale. Or la formation à un métier, souvent dans l'industrie ou le bâtiment, donne un but aux détenus, favorise leur insertion et fait diminuer le risque de récidive.

Des "contrats locaux d'insertion"

Au-delà de la formation, le livre blanc estime que les compétences des régions en matière d'organisation des transports et de développement économique "en font un interlocuteur précieux des services déconcentrés, dans la perspective de l’implantation d’un ou plusieurs établissements pénitentiaires sur son territoire", détaille le document.
Le livre blanc estime que les autres collectivités, communes et départements, doivent elles aussi être plus impliquées. La commune peut notamment jouer un rôle d'insertion. Dans ce cadre, le livre blanc propose la mise en place de "contrats locaux d'insertion" (CLI), par lesquels préfet et collectivités travaillent ensemble à la prise en charge de ces publics. Le département, en tant qu'opérateur social, est aussi largement concerné, pouvant également préparer l'insertion à l'extérieur des personnes dès leur sortie de détention. Le livre blanc ne tranche pas entre les dispositifs à mettre en place pour mobiliser ces acteurs mais il préconise une approche par projet, qui doit s'appuyer "conjointement sur les préfets, les présidents de conseils départementaux, et les représentants de l'autorité judiciaire, qui doivent contractualiser leurs engagements réciproques".

* Une enquête flash a été menée par la DAP en décembre 2016 dont les premiers résultats ont été livrés en février 2017.