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Fonds européens : le programme Leader prêt à tourner la page d’une série noire

Les régions et les GAL s'activent pour parachever le programme européen de développement local Leader qui a connu bien des péripéties ces dernières années. Et préparer la prochaine programmation qui démarrera en 2023 dans le cadre de la PAC.

Remobiliser les troupes après une programmation calamiteuse pour le programme Leader. C’est la tâche difficile à laquelle s’attèle Leader France, le réseau qui chapeaute ce programme de développement local européen en France. Au terme de cette programmation, les résultats sont en effet bien décevant : le taux d'exécution n’est que de 26% contre 61% pour les autres programmes européens en France. Bien loin de la moyenne européenne située autour de 42%. "Cela montre la situation." Alexandra Catalao, de la DG Agri de la Commission européenne, a sèchement planté le décor, lors d’un séminaire organisé par Leader France qui a rassemblé plus de 170 personnes, les 8 et 9 novembre, à Troyes. "La loi Notr, la fusion des régions, les contractualisations… toutes ces problématiques ont provoqué un retard dans la mise en œuvre", a-t-elle rappelé, montrant ainsi que l’Europe n’est pour rien dans les péripéties franco-françaises. Les régions ont fait un effort en 2019 pour rattraper le retard, notamment sur l’animation, a-t-elle souligné, mais elles ont été stoppées net par la crise du Covid qui a empêché les déplacements et les rencontres.

L’heure est aujourd’hui à la finalisation de la future programmation de la politique agricole commune (PAC) dont le démarrage a été reporté d’un an, en 2023. Les plan stratégiques nationaux (PSN), qui vont détailler la manière dont les crédits seront utilisés dans chaque État, doivent avoir été envoyés à la Commission avant la fin de l'année pour validation. Les États membres devront consacrer 5% de leur enveloppe du Feader (le second pilier de la PAC) à Leader. Les régions en seront les autorités de gestion. Comme toujours, les enveloppes seront gérées au niveau des territoires par les GAL (groupes d’action locale) composés d’acteurs publics et privés qui devront élaborer une stratégie de développement local. La Commission s’est efforcée de simplifier la machinerie. Plusieurs changements vont intervenir, a détaillé  Alexandra Catalao :
- le cadre sera "beaucoup moins détaillé" que par le passé afin de laisser "plus de flexibilité aux régions et aux GAL" ;
- Leader pourra être lié à des objectifs spécifiques tels que l’environnement ou les enjeux climatiques, et plus seulement au développement local ;
- le calendrier est resserré : les actions devront avoir démarré dans un délai d'un an. Ce qui va "obliger les régions et les GAL à être beaucoup plus rapides" ;
- les "paiements anticipés" seront appliqués à tous les coûts et pas seulement les investissements. Il n’y aura plus besoin de garantie. Le taux d’intensité sera de 100% pour les investissements non productifs ;
- l’approche "multifonds" très peu utilisée en 2014-2020 sera facilitée avec le renforcement du rôle de chef de file...

"Redonner confiance aux acteurs privés"

Les régions n’en sont pas au même stade de la préparation. La Nouvelle-Aquitaine est la seule à avoir communiqué sur les enveloppes. La sélection des GAL parmi les territoires de projets (pays, PETR, parcs naturels et maintenant intercommunalités) va pouvoir commencer. L’appel à manifestation d’intérêt (AMI) des Hauts-de-France vient de sortir. Celui des Pays de la Loire est en train d’être rédigé. "C’est une nécessité pour les régions d’avoir moins de GAL, en dessous d’1,5 million d’euros [de crédits] c’est compliqué, ce n’est pas suffisant pour financer 2 ETP", a témoigné François Galabrun, directeur du GAL Est-Audois. Avec 52 GAL, la Nouvelle Aquitaine est la mieux fournie en France (c’est deux fois plus que dans l’Occitanie voisine). Mais elle n’entend pas tout chambouler. Isabelle Boudineau conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine, représentant l’association Régions de France, appelle à de la "stabilité". "Le mieux est de conserver les périmètres. S’il y a eu une gouvernance qui a fonctionné, il est idiot de le remettre en cause." Selon elle, il va aussi falloir "reconvaincre" les acteurs privés, "leur redonner confiance", alors que beaucoup ont préféré déserter dans la débâcle. Exit le logiciel Osiris qui a provoqué tant de sueurs froides aux différents partenaires. La Nouvelle-Aquitaine s’est dotée d’un nouvel outil pour gérer à la fois le Feader, le FSE+ et Leader. "Il peut être un facteur de meilleure réactivité", veut croire Isabelle Boudineau.

Mais les GAL mettent en garde contre la tentation des régions d’imposer leurs priorités, ce qui irait à l’encontre de l’esprit de Leader, cette "approche ascendante" aujourd’hui mise à toutes les sauces. "Les régions sont là pour accompagner les projets, pour les susciter, pour faire en sorte qu’il y ait un écosystème favorable", s’en défend Marc Sebeyran, vice-président de la région Grand Est qui, le 16 novembre, organisera "une rencontre avec tous les acteurs" pour "permettre de définir ensemble une stratégie qui viendra des territoires". "Il ne s’agit pas de remplacer une centralisation parisienne par une centralisation régionale", abonde Isabelle Boudineau. "Les programmes sont gérés par les GAL mais il n’est pas illogique qu’ils correspondent aux Sraddet ou aux grands schémas de développement territoriaux, notamment sur les aspects climat, respect des sols, des terres agricoles…", a-t-elle cependant ajouté.

Ingénierie

Thibaut Guignard, maire de Plœuc-l’Hermitage (22) et président de Leader France, a rappelé que la nouvelle politique de cohésion sera dotée d’un cinquième objectif consacré au développement rural. Ce sera donc aux régions d’arbitrer sur ce qu’elles veulent y mettre. "L’objectif 5 ("OS 5") peut être une opportunité pour les territoires ruraux si tant est que les conseils régionaux s’en saisissent", a-t-il dit. "Nous ne voulons pas que les politiques européennes pour le développement rural s’arrêtent à Leader, sinon on va se limiter aux 5% du Feader. Nous militons pour que les territoires ruraux puissent aussi accéder au Feder, aux FSE+…", a-t-il lancé aux régions.

Autre enjeu souligné lors de ce séminaire : l’accès à l’ingénierie. Leader France en a profité pour passer un partenariat avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). "C’est l’inverse [des appels à projets] qu’on a voulu faire à l’agence. On part du terrain, du cousu main", a assuré Caroline Cayeux, la présidente de l’ANCT.

Alors que Leader fête ses trente ans cette année, la représentante de la Commission a terminé sur un encouragement. "Je vous souhaite bonne chance, je compte sur vous pour trente ans de réussite de plus."