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Développement rural : le programme Leader fête ses 30 ans

L'association Leader France a célébré ce 19 mars les 30 ans du programme Leader, symbole de la politique européenne pour les territoires ruraux. Outre le rappel de sa genèse, la manifestation a été l'occasion de souligner le succès grandissant de ce programme – et ses réussites concrètes –, en dépit, en France, des difficultés rencontrées lors de la dernière programmation… dont on espère qu'elles ne seront bientôt plus qu'un mauvais souvenir.

En cette période troublée, il ne faut pas perdre une occasion de se réjouir, fut-ce avec un brin de nostalgie. C’est peut-être ce qui a conduit l’association Leader France à célébrer les 30 ans de Leader, ce programme "symbolique de la politique européenne pour les territoires ruraux", en prenant pour acte de naissance la publication au JOCE C 72 du 18 mars 1991 d'une résolution du Parlement européen "sur le programme Leader (pour Liaison entre actions de développement de l’économie rurale) et sur les utilisations des zones rurales" (voir document à télécharger ci-dessous). Peut-être aussi pour conjurer le sort, alors que ces bougies auraient pu ne jamais être soufflées. Rappelant "les angoisses sur la pérennité" de ce programme, le secrétaire d'État Clément Beaune n'a pas manqué de souligner qu'il s'était "beaucoup battu" pour "cette Europe du concret", pour que ces "projets locaux pilotés par les collectivités, au plus près des besoins, souvent de petits montants qu'on [lui] montre et dont on [lui] parle à chacun de [s]es déplacements" puissent être préservés, comme c'est désormais le cas "pour les sept prochaines années".

Une initiative communautaire, leçon d'innovation

Comme il se doit, l'association a convié les bonnes fées qui s'étaient à l'époque penchées sur le berceau du programme pour en rappeler la genèse. Parmi elles, Michel Laine, qui a tenu la plume de "Leader" (après avoir proposé de le baptiser "Demeter") à la DG Agri et pour qui le succès a tenu à la fois à la personnalité de Jacques Delors – à l'origine des initiatives communautaires, dont Leader fait partie – et à un contexte favorable au développement rural, avec l'évolution de la politique agricole commune à partir de 1975. Si le programme a profité de ce courant porteur, Yves Champetier, ancien chef de projet de la cellule d’animation Leader I, puis directeur de l’Observatoire européen Leader II à Bruxelles, insiste toutefois sur le changement de paradigme alors opéré : avec Leader, "on a mis en place des formations pour aider les habitants à rester dans les campagnes", et plus pour s'en échapper !

Gérard Peltre, qui préside l'association Ruralité – Environnement – Développement, met de son côté en avant l'enrichissement apporté par la logique des partenariats public-privé à l'anglo-saxonne ; les groupes d'action locale (GAL), qui mettent en musique les actions du programme, doivent être composés au moins à moitié d'acteurs privés. Un mode de gouvernance également salué par le secrétaire d'État Joël Giraud (pour qui, par ailleurs, "on ne peut plus parler de développement de la ruralité en France sans parler de la ruralité en Europe", insistant sur "le rôle majeur de cette dernière dans ce domaine"). Ou encore par le député Dominique Potier : "l'Europe a donné avec Leader une leçon d'innovation sociale en forçant les élus à ne pas être en position dominante", en en faisant un "outil de la société civile", contrepoint à un modèle administratif français qu'il juge "terriblement technocratique, chronophage et faiblement efficient".

Rapport confidentiel

Las, le lancement de la dernière programmation Leader – qui continue de peser – a montré à quel point ce "modèle français" était encore prégnant. Isabelle Boudineau n'a pas manqué une nouvelle fois l'occasion de dénoncer cet "exemple désastreux d'une décentralisation inaboutie" et une "France championne de la sur-réglementation". Nul doute que la publication du rapport commandé par Amélie de Montchalin sur la simplification des fonds européens et des procédures, dont le périmètre a été revu, et remis depuis à Clément Beaune, aurait pu constituer un beau cadeau d'anniversaire. Non pas tant pour pointer les responsabilités de cet échec que pour en tirer des leçons pour la prochaine programmation. Las, pour l'heure, son contenu reste bien gardé. Aussi, pour cadeau, Thibaut Guignard, président de l'association et organisateur de la fête, interrogé par Localtis, passe-t-il commande d'"un beau panier garni de simplifications administratives, de produits venant d'Europe, de France et de nos régions !".

Un pilotage "clarifié"

En dépit des difficultés, le succès de ce programme – considéré par Alexandra Catalão, qui le pilote à la DG Agri de la Commission, comme "la mesure la plus sexy de la PAC", le qualifiant encore d'"Erasmus de la PAC" – ne se dément pas. En France, les 40 territoires de la première programmation ont quasiment décuplé : on en recense 339 avec la programmation 2014-2020, représentant plus de 26.800 communes et 28 millions d’habitants et recouvrant environ 80% du territoire (on recense 2.800 GAL dans l'Union). Pour preuve encore, Yves Le Breton a indiqué que Leader avait beaucoup inspiré la jeune Agence nationale de cohésion des territoires qu'il dirige. Les deux partagent un "même fil rouge, comment aider le monde rural" et sont appelés "à parcourir ensemble" un même chemin, invite-t-il.

Un succès logique pour Thibault Guignard, qui souligne combien la résolution de 1991 reste d'actualité, mettant notamment en avant "le rôle déterminant des collectivités territoriales, en particulier des régions, dans l'aménagement du territoire". Clément Beaune, qui a par ailleurs fait part de sa volonté de mettre Leader "à l'honneur lors de la présidence française du Conseil" et d'en faire "la marque de la réussite de l'Europe", l'a assuré : cette fois, le pilotage a été "clarifié" et les régions auront les coudées franches. De son côté, Isabelle Boudineau, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, a rassuré : "le programme tient énormément à cœur de Régions de France". On jugera le tout sur pièces.

Les enveloppes financières pourront constituer une première "preuve d'amour". Pour l'heure, c'est encore l'inconnu. Pour la période 2021-2023, "les régions ne sont qu’au stade de la consultation" pour la plupart, "très peu de la notification des enveloppes complémentaires", indique Thibault Guignard. Et l'enveloppe de la programmation 2023-2027 fait encore l'objet "d'arbitrages au niveau national", même si "l'on se dirige vers une enveloppe proche de celle de la programmation actuelle". Le résultat final dépendra de la volonté des régions d'aller ou non au-delà du plancher de 5% du Feader prévu.