PLFR 2015 - Fonds de 50 millions : Christian Eckert prêt à faire bouger la liste des dix départements éligibles
On l'attendait. Le gouvernement a fini par déposer son amendement créant pour 2015 un "fonds de soutien exceptionnel destiné aux départements connaissant une situation financière particulièrement dégradée", lors de l'examen en séance publique à l'Assemblée du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2015.
Face au gouffre qui se creuse dans le financement du RSA, la création de ce fonds avait été esquissée dès octobre et son montant a été dévoilé la semaine dernière lors d'une rencontre à Matignon avec des représentants des départements (voir notre article du 1er décembre RSA : une aide d'urgence de 50 millions pour dix départements, jugée insuffisante).
Cet amendement (n°727) créant un article additionnel après l'article 25 a été adopté par les députés dans la soirée du 2 décembre (sur les autres amendements intéressant les collectivités adoptés en séance, voir notre article ci-contre).
Le nouvel article confirme le montant de ce fonds, qui comprendra en fait deux parts de 25 millions d'euros chacune, et prévoit que le tout sera financé par un prélèvement sur les ressources de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie). C'est également la CNSA qui assurera sa gestion.
La députée LR Isabelle Le Callennec s'est d'ailleurs inquiétée "que les 50 millions d'euros soient prélevés sur cette caisse", au moment notamment où le projet de loi Vieillissement devrait accroître les besoins et les missions de la CNSA. Christian Eckert, le secrétaire d'Etat au Budget, a reconnu que le choix de cette "ponction de la CNSA" n'était "pas totalement satisfaisant" mais avait "toujours été fait par le passé" et semblait "soutenable", la CNSA "étant actuellement dotée de 180 millions d'euros". On pourrait également s'étonner qu'une disposition devant au départ principalement aider les départements à boucler l'année pour le RSA soit financée par une caisse normalement dédiée aux dépenses personnes âgées / personnes handicapées.
Il faut avoir porté son taux de DMTO à 4,5%
Les conditions requises pour être éligible à une partie de l'enveloppe sont précisées : "un taux d'épargne brute inférieur ou égal à 7,5% en 2014" et "un rapport entre le montant des dépenses sociales et le montant des dépenses de fonctionnement supérieur ou égal à la moyenne nationale". Soit dix départements éligibles.
Viennent ensuite les critères de répartition des deux enveloppes. "La première part serait affectée aux départements ayant un taux de droits de mutation à titre onéreux égal à 4,5% au 1er janvier 2015, en fonction d'un indice qui prend en compte le taux d'épargne brute du département et sa population. La seconde part serait affectée en fonction du rapport entre le nombre de bénéficiaires d'aides sociales et la population totale du département", a résumé Christian Eckert. Par "aides sociales" sont visés les bénéficiaires, non seulement du RSA, mais aussi de l'APA et de la PCH.
Valérie Rabaul, la rapporteure générale, en a déduit que "même quand vous figurez dans cette liste [des départements éligibles], vous pouvez en être exclu si votre taux de droits de mutation à titre onéreux ne se situe pas à son niveau maximum". Gilles Carrez, le président de la commission des finances, a d'ailleurs critiqué le fait que soient ainsi pénalisés "ceux qui n'augmentent pas les impôts".
Valérie Rabault a fourni les noms des dix départements et, même, les montants que chacun d'entre eux devrait toucher : l'Aisne (3 millions d'euros), le Cher (2,4 millions), le Gard (4,5), le Nord (11), le Pas-de-Calais (5,7), la Seine-Saint-Denis (5,5), le Val-d'Oise (3,7), la Guyane (3,4), la Martinique (4,1) et la Réunion (6,7).
On peut prévoir que certains responsables départementaux jugeant leur collectivité en grave difficulté pour financer le RSA se plaindront de ne pas faire partie de la liste. Déjà, en séance, Guillaume Larrivé, député de l'Yonne, a présenté un sous-amendement visant ouvertement à faire entrer son département dans la liste. Le sous-amendement n'a pas été adopté… mais cela a permis à Christian Eckert de faire savoir que "le gouvernement n'est pas totalement fermé" : "Une proposition est sur la table, mais nous concevons que de nouvelles colonnes et de nouvelles formules de calcul puissent être ajoutées"… Par exemple lors de l'arrivée du PLFR au Sénat : "Je fais confiance à vos collègues sénateurs, qui sont experts en manipulation de tableaux Excel, pour intégrer les critères de votre choix", a-t-il glissé aux députés.