Fonction publique territoriale : rigueur… et recrutements
Les deux tiers des collectivités territoriales continuent de réduire ou stabiliser leur masse salariale, selon le cinquième baromètre de l'emploi territorial présenté le 9 octobre. Confronté à une croissance des départs en retraite des agents, le secteur public local recrute toutefois.
Le secteur public local ne relâche pas ses efforts pour contenir les dépenses de personnel. Selon la cinquième édition du Baromètre de l'emploi territorial et des politiques RH des collectivités et des intercommunalités ("HoRHizons"), initié par les trois principales associations d'élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Régions de France), le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), 55% des structures publiques locales voient leur budget en la matière stagner. C'est en tout cas ce qu'affirment les 811 d'entre elles - un échantillon représentatif du secteur - qui ont répondu en juin dernier à l'enquête menée par CSA.
Jamais, depuis la création du baromètre en 2015, ce taux de réponse n'avait été aussi élevé. En 2016, c'est-à-dire en pleine période de baisse des dotations, elles étaient 53% à affirmer que leurs dépenses de personnel "stagnent". Certes, les entités qui assurent réduire leur budget dans ce domaine sont un peu moins nombreuses qu'il y a trois ans (9% contre 13%). La réduction des dépenses de personnel concerne toutefois toujours 20% des communes de plus de 20.000 habitants. Les collectivités qui signalent augmenter en 2019 leur masse salariale sont quant à elles 35%. Un niveau plus bas qu'en 2018 (40%) et légèrement plus élevé qu'en 2016 (33%). Là encore, il s'agit d'une moyenne : sous l'effet des transferts de compétences et des réorganisations liés à la réforme territoriale, les régions, les départements et les communautés sont proportionnellement nettement plus nombreux à augmenter leurs dépenses de personnel que les communes.
Vague de départs en retraite
Toujours selon le baromètre, les collectivités utilisent cette année les mêmes recettes que l'an dernier pour contenir l'évolution de la masse salariale. L'optimisation des temps de travail, l'adaptation des périmètres et la réorganisation des services demeurent en tête des leviers qu'elles actionnent. La prévention de l'absentéisme est désormais mentionnée en troisième position, devant la limitation des remplacements sur poste permanent (l'an dernier, ces deux items apparaissaient dans l'ordre inverse). Le non-renouvellement des contrats et le non-remplacement de tous les départs en retraite figurent parmi les autres réponses les plus souvent citées. Toutefois, après avoir été très prisée en 2016 (53%), cette dernière option n'a cessé, depuis, de perdre du terrain (29% en 2019). La raison : avec l'arrivée à l'âge de la retraite des agents embauchés dans les premières années de la décentralisation, le nombre des départs en retraite s'est accéléré depuis 2014 (+25%). Au passage, le président de la FNCDG s'inquiète de cette tendance qui touche de plein fouet certaines filières (les secrétaires de mairie, par exemple). Michel Hiriart pointe la nécessité pour les collectivités d'organiser "la transmission des savoirs" avant le départ des agents.
Pour remplacer ses personnels partis en retraite, le secteur public local envisage des embauches. Et ce, de plus en plus. Tombées à 17% en 2015, les intentions de recrutement n'ont cessé de progresser depuis, pour atteindre 38% cette année (+ 2 points par rapport à 2018). Signe de la parcimonie persistante des collectivités, ces recrutements correspondent dans des proportions limitées à des créations de postes. Seulement 12% de celles qui ont répondu à l'enquête disent envisager ces créations. Après avoir connu un pic en 2017 (21%), ce chiffre est le plus bas depuis 2015. Et ce malgré la montée en puissance des nouveaux postes dédiés au développement durable (de 17% d'intentions de création en 2018 à 26% en 2019).
"Une forte demande de service public local"
Sous l'effet des arbitrages des collectivités, l'emploi territorial a reculé de 0,4% en 2016 et d'autant l'année suivante (soit 7.000 agents en moins), pour atteindre au 31 décembre 2017, un total de 1,970 million d'agents, selon l'Insee. Un rythme qui conduit François Deluga, président du CNFPT, à affirmer que les 70.000 suppressions d'emplois territoriaux espérées par l'exécutif d'ici la fin du mandat présidentiel "relèvent d'une illusion complète". "Avec la croissance de la population et la crise sociale qui s'est exprimée notamment au travers des 'gilets jaunes', la demande de service public local est de plus en plus forte", explique-t-il. En regrettant que le gouvernement ne l'admette pas. "Je ne vois pas pourquoi" les arguments qui fondent la décision de l'État de "s'exonérer" d'une baisse de 50.000 agents d'ici 2022 "ne vaudraient pas pour la suppression des 70.000 emplois dans les collectivités", fulmine-t-il. André Laignel lui emboîte le pas : "Nous n'avons pas à nous situer par rapport à cet objectif qui n'est que vacuité", lance le maire d'Issoudun. En rappelant que la libre administration des collectivités territoriales est garantie constitutionnellement.
Autre constat mis en évidence par le baromètre : si les collectivités serrent la vis de leurs budgets dédiés aux personnels, elles n'entendent pas sacrifier les dépenses consacrées à la formation. Comme en 2018, plus des trois quarts des entités sondées affirment maintenir ce poste budgétaire. Seulement 3% indiquent le baisser.
Relâchement sur l'égalité femmes-hommes ?
Le baromètre révèle encore qu'en un an, plusieurs outils RH ont connu un net développement. C'est le cas du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (Rifseep), des référents déontologues et des délégués à la protection des données. En revanche, les dispositifs de protection sociale complémentaire, qui avaient connu une forte progression entre 2016 et 2018, semblent marquer le pas. Pour les actions en faveur de l'égalité femmes-hommes, on observe même une décrue : 43% des collectivités interrogées en ont mis en place au moins une, contre 54% en 2018. Une tendance que ne relève pas François Deluga. Pour le président de la commission "Fonction publique territoriale et ressources humaines" de l’AMF, "la qualité" de la gestion des ressources humaines des collectivités est démontrée. Cette gestion est "responsable et dynamique", renchérit André Laignel.