Fonction publique : le Sénat vote pour renforcer l'accès des femmes aux responsabilités
La Haute Assemblée a adopté ce 5 avril une proposition de loi qui entend engager une "nouvelle étape" pour la féminisation des emplois de direction et d'encadrement supérieur de la fonction publique, y compris la territoriale pour les grosses collectivités. Soutenu par l'exécutif, le texte renforce les obligations existantes et crée de nouvelles, dont un quota de femmes appliqué au "stock" et un index égalité.
Le Sénat a adopté très largement, mercredi 5 avril en première lecture une proposition de loi transpartisane pour renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique, saluée comme "une étape importante" par le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Stanislas Guerini.
Le texte des sénatrices centristes Annick Billon (présidente de la délégation aux Droits de femmes) et Dominique Vérien et de la socialiste Martine Filleul était examiné dans le cadre d'un espace réservé au groupe centriste.
La proposition de loi, recalibrée en commission, entend tirer les conséquences du bilan de dix ans d'application de la loi Sauvadet, qui impose depuis 2013 un taux minimal (fixé à 40% depuis 2017) d'hommes et de femmes parmi les personnes nommées pour la première fois aux principaux postes de direction de la fonction publique (une obligation qui exclut donc les renouvellements dans un même emploi et les nominations dans un même type d’emploi). Dans la fonction publique territoriale, l'obligation concerne les départements et les régions, ainsi que, depuis 2020, les communes et les intercommunalités de plus de 40.000 habitants (le seuil était de 80.000 habitants auparavant).
Objectif appliqué au "stock" des emplois
Selon ce bilan, la féminisation des emplois supérieurs et de direction de la fonction publique "reste relative". Dans la fonction publique territoriale, la proportion de femmes nommées à des postes de responsabilité a certes augmenté. 41% des postes de directeur général adjoint des services sont occupés par des femmes, mais c'est le cas pour 20% seulement des postes de directeur général des services et pour 15% des postes de directeur général des services techniques.
La proposition de loi initiale proposait un relèvement du taux minimal à 50% des primo-nominations, qui a été ramené par les sénateurs en commission à 45%. Pour le secteur public local, ce nouveau plancher entrera en vigueur "à l'issue" des prochaines élections (municipales de 2026, départementales et régionales de 2028). Mais pour les collectivités et intercommunalités de plus de 40.000 habitants qui ne respectent pas le quota de 40% "au titre des années 2020 à 2022", le calendrier est aménagé : elles devront effectuer un effort progressif de rattrapage dès la publication de la loi. D'ici au 1er janvier 2025, elles auront à améliorer leur taux de trois points. Ensuite, ce même taux devra encore progresser de trois points tous les trois ans, jusqu’à parvenir à l'obligation de 45%.
Pour garantir le maintien des femmes en fonction, les sénateurs ont en outre, à l'initiative de la rapporteure LR Françoise Dumont, prévu un taux minimal de 40% du "stock" dans les emplois supérieurs et de direction, à compter du 1er janvier 2029. Avec, toutefois là encore, des paliers intermédiaires pour les administrations ou collectivités aujourd'hui éloignées de cet objectif. Celles-ci devraient progresser de trois points d’ici 2029. Puis d'autant tous les trois ans, jusqu'à ce que la cible de 40% pour le stock d'emplois soit atteinte.
Réduire les écarts de salaires entre hommes et femmes
Le texte instaure aussi un "index de l'égalité professionnelle" entre hommes et femmes, comme il existe dans le secteur privé. Ainsi, à partir du 1er juin 2025, les départements, les régions et les communes et intercommunalités de plus de 40.000 habitants devraient publier "chaque année l’ensemble des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération entre les femmes et les hommes ainsi qu’aux actions mises en œuvre pour les supprimer". Les employeurs publics manquant à cette obligation, ou au sein desquels aucun progrès ne serait constaté, devraient payer des sanctions financières. Actuellement, le salaire moyen des femmes fonctionnaires est inférieur de 12% à celui de leurs homologues masculins. L'écart est de 8,5 % dans la fonction publique territoriale. "Il faut compter les femmes pour que les femmes comptent", a souligné la présidente de la délégation aux Droits des femmes pour qui "l'égalité ne progresse que par la contrainte, hélas".
Le gouvernement, qui souhaite voir le texte "promulgué dès l'été", a engagé la procédure accélérée : après la discussion à venir en première lecture à l'Assemblée nationale, sénateurs et députés tenteront donc d'établir un texte commun (à moins que la proposition de loi soit adoptée conforme dans l'hémicycle du Palais Bourbon).
Dans un communiqué, France urbaine a déploré l'adoption de certaines dispositions par le Sénat – comme "l’augmentation du taux de primo-nominations par paliers très progressifs sans jamais dépasser 45%". L'association regroupant les grandes villes et leurs intercommunalités a appelé à "un texte plus ambitieux".