PLF 2014 - Fiscalité locale, emprunts, DDU, logement... les derniers amendements adoptés par l'Assemblée
Aménagement de la cotisation foncière des entreprises due par les petites entreprises (article 57).
Lors de la discussion, le 15 novembre, le ministre délégué chargé du budget a annoncé la création d'un "petit" groupe de travail parlementaire chargé d'examiner avec le gouvernement la question de l'évolution de la base minimum de cotisation foncière des entreprises (CFE), un sujet sensible dont les aménagements proposés dans le projet de loi ne convainquent pas les associations d'élus locaux. Les "parlementaires concernés" pourront participer à ce groupe de travail, qui sera présidé par le rapporteur général de l'Assemblée, Christian Eckert.
Du fait de cette annonce, les débats sur l'article 57 du projet de loi de finances pour 2014 ont été abrégés. Les députés qui souhaitaient modifier le dispositif, en particulier Jacques Pélissard, député du Jura et président de l'Association des maires de France (AMF), de même que certains parlementaires proches de l'Assemblée des communautés de France (ADCF), n'ont donc pas défendu leurs amendements. Ils proposaient notamment de laisser les communes et les intercommunalités libres de choisir d'appliquer le barème fixé par le projet de loi.
Si les collectivités ne délibèrent pas en 2014 pour relever la CFE des entreprises de la catégorie des bénéfices non commerciaux (c'est-à-dire les professions libérales), comme le permet le projet de loi, "elles subiront une perte de recettes d'environ 15 millions d'euros, toutes collectivités locales confondues", a précisé Bernard Cazeneuve. Mais, si elles actionnent ce levier, "le bilan financier" des collectivités "sera équilibré", a-t-il ajouté. Rappelons que les estimations effectuées par les associations d'élus locaux en lien avec leurs adhérents font, elles, apparaître que les collectivités subiront des pertes importantes de ressources, si elles appliquent le nouveau barème de CFE, y compris la majoration des bases de CFE des professions libérales.
Renforcement du poids des territoires industriels dans la répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (article 59).
L'Assemblée n'a pas amendé l'article 59 qui doit permettre annuellement, sans augmenter la pression fiscale sur les entreprises, d'accorder aux territoires industriels quelque cent millions d'euros supplémentaires de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).
Douze nouveaux articles entre l'article 59 et l'article 60.
- L'Assemblée a précisé les règles de financement par la redevance d'enlèvement des ordures ménagères (Reom) du service de collecte des déchets mis en place par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) issu d'une fusion, ou auquel une ou des communes ont été rattachées. La nécessaire harmonisation des modes de financement préexistants sera de cinq ans, comme lorsque le service est financé par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (Teom).
- Les députés se sont penchés sur la situation des terrains de golf, menacée par la révision des valeurs locatives des locaux professionnels (lire notre article du 25 septembre 2013). Jusque-là, ces terrains étaient curieusement imposés à la taxe sur le foncier bâti. Mais, leur imposition était globalement minime du fait de l'absence de révision des valeurs locatives. Les députés ont décidé que les terrains de golf seraient assujettis à la taxe sur le foncier non bâti à partir de 2015. En attendant la mise en place de cette mesure, les collectivités qui souhaiteraient exonérer (de 50% ou de 75%) en 2014 les activités de golf, pourront le faire en prenant une délibération avant le 21 janvier 2014.
- L'Assemblée a souhaité faciliter la mise à jour des valeurs locatives des locaux d'habitation, qui n'est actuellement possible que lorsque celles-ci n'augmentent que d'au moins 10%. Elle a en effet fait sauter ce verrou. Des ajustements des rôles d'imposition locale seraient possibles ici ou là, en attendant la révision générale des valeurs locatives des logements, qui doit produire ses effets concrets en 2018.
- Les députés ont adopté un amendement du rapporteur général prévoyant de revaloriser de 0,9% les bases de fiscalité directe locale en 2014, ce chiffre correspondant à l'inflation pour 2013 (estimation réalisée fin octobre). Une telle revalorisation est prévue annuellement depuis 2007 par amendement parlementaire.
- Malgré l'avis défavorable du gouvernement, l'Assemblée a étendu le champ d'application de l'imposition sur les entreprises de réseaux (Ifer) aux canalisations transportant des produits chimiques.
- Les députés ont adopté un amendement autorisant les communes à reverser la taxe d'aménagement aux groupements de communes, lorsque ceux-ci ont en charge des équipements publics.
- Ils ont souhaité que les organes délibérants des collectivités aient la possibilité de prendre une délibération pour accorder aux sociétés occupant des locaux à usage artisanal un abattement de 50% sur la taxe d'aménagement. Aujourd'hui, cette exonération est automatique.
- Ils ont également autorisé les collectivités à exonérer de taxe d'aménagement les abris de jardin de plus de 5 mètres carré. La taxe due par le contribuable "est parfois supérieure à la valeur de l'abri de jardin en lui-même", a souligné Gilles Carrez, auteur de l'un des deux amendements.
- Les députés ont reporté d'un an (donc à 2015) l'application aux ports de plaisance d'une nouvelle méthode d'évaluation des valeurs locatives mise en place par la troisième loi de finances rectificative pour 2012.
Fonds de soutien aux collectivités territoriales ayant contracté des produits structurés (article 60).
- Les députés ont inscrit dans le projet de loi la création du comité d'orientation et de suivi, au sein duquel siégeront notamment des représentants des élus locaux. L'instance - qui sera installée "dès le premier trimestre 2014", a promis la ministre en charge de la réforme de l'Etat - aura pour tâche de définir la doctrine d'intervention du fonds, mais en aucun cas de se prononcer sur les demandes d'aides individuelles.
- En outre, l'Assemblée a adopté plusieurs mesures contribuant à donner de la souplesse au dispositif et ainsi à le rendre plus attractif, comme le voulaient les associations d'élus locaux. Pour bénéficier du fonds, les collectivités auront pour obligation de transiger sur les seuls emprunts qu'elles souhaitent faire prendre en charge par le fonds, et non sur l'ensemble de leurs encours. Les députés ont aussi porté à trois ans à partir du dépôt de la demande la durée pendant laquelle l'aide du fonds peut être versée à la collectivité afin d'alléger sa charge financière. "Cet allongement permettra aux collectivités d'attendre des conditions de marché plus favorables pour procéder au remboursement anticipé des emprunts souscrits", souligne Christian Eckert, auteur de l'amendement.
- Un autre amendement autorise les collectivités, pour certains produits toxiques seulement, à continuer après la phase initiale à percevoir l'aide du fonds de soutien et, ainsi, à attendre des conditions de marché plus favorables pour payer la soulte exigée pour en finir avec le ou les prêts toxiques.
- Un autre amendement inspiré par une demande de l'Association des maires de France oblige les banques à transmettre à la collectivité le calcul de la soulte avant la conclusion de la transaction.
- Pour accéder au fonds, les collectivités seront obligées de renoncer à tout contentieux, en cours ou à venir, à l'encontre des banques. Ce dispositif dit "loi de validation" des emprunts toxiques, vise à stopper l'inflation des contentieux constatée depuis un jugement, rendu à Nanterre en février dernier, favorable au requérant, le conseil général de Seine-Saint-Denis et qui serait "un risque majeur pour les finances publiques" dans la mesure où la Société française de financement locale (Sfil), qui a repris les prêts de Dexia, est garantie par l'Etat, a indiqué Christian Eckert.
Eligibilité à la dotation de développement urbain (nouvel article 60 quater).
L'Assemblée a approuvé un amendement du gouvernement augmentant le montant et le nombre des bénéficiaires de la dotation de développement urbain (DDU), qui finance des investissements dans les communes urbaines les plus défavorisées. Sous la pression notamment du maire de Sevran, le législateur avait l'année dernière augmenté cette dotation de 25 millions d'euros, pour la faire passer à 75 millions d'euros en 2013. Pour 2014, le gouvernement envisage de faire passer cette dotation à 100 millions d'euros, mais ce chiffre reste à confirmer. Le nombre des bénéficiaires, actuellement de cent, passerait à cent vingt. Les 25 millions d'euros supplémentaires seraient imputés sur les variables d'ajustements, ce qui signifie qu'ils seraient déduits de l'enveloppe des dotations aux collectivités.
Le débat en première lecture sur le projet de loi de finances 2014 s'est donc achevé le 15 novembre. L'Assemblée nationale votera ce 19 novembre sur l'ensemble du budget 2014, qui sera ensuite examiné par le Sénat à partir du 21 novembre.
Thomas Beurey / Projets publics
Trois amendements censés booster la production de logements
Les députés ont en outre adopté trois amendements dans le domaine du logement.
Au chapitre du quota obligatoire de logements sociaux dans une commune, un amendement a été voté permettant désormais de tenir compte des dépenses effectuées par les EPCI (et non plus uniquement par les communes) pour calculer le prélèvement opéré sur les ressources des communes qui ne respectent pas le pourcentage. Pour rappel, ces dépenses qui peuvent être déduites de l'amende sont listées à l'article L.302-7. Elles comprennent par exemple "des travaux de viabilisation, de dépollution ou de fouilles archéologiques des terrains ou des biens immobiliers mis ensuite à disposition pour la réalisation de logements sociaux…"
Un autre amendement "logement" concrétise en réalité un des engagements pris par l'État dans le pacte qu'il avait signé avec l'Union sociale pour l'habitat le 8 juillet dernier (voir
notre article du 9 juillet) "pour garantir les conditions financières nécessaires au soutien d'une production de 150.000 nouveaux logements sociaux par an d'ici à 2017". Le dispositif d'abattement de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour le parc locatif social situé en ZUS est ainsi prolongé d'un an, dans l'attente de la loi Lamy de programmation pour la ville et la cohésion sociale, qui définira la nouvelle géographie prioritaire de la politique de la ville, et dont le débat parlementaire débutera vendredi 22 novembre pour s'achever "avant les municipales", comme promis par le ministre délégué à la Ville. En conséquence, l'adaptation du dispositif du TFPB aux nouveaux périmètres sera donc examinée dans le cadre du projet de loi de finances 2015.
Enfin un troisième amendement gouvernemental exclut de la majoration obligatoire de la valeur locative des terrains situés en zone constructible pour la taxe foncière non bâtie (TFNB), les terrains utilisés pour les besoins d'une exploitation agricole, y compris les terres en jachère. "En ne renchérissant pas le coût de la détention des terrains à usage agricole situés en zone constructible, cette mesure permet de préserver l'agriculture de proximité et par conséquent l'existence de circuits courts pérennes", avait fait valoir l'exposé des motifs. Par ailleurs, en adoptant cet amendement, les députés reportent également d'un an (de 2014 à 2015) l'entrée en vigueur de la majoration automatique de la TFNB dans les zones tendues, afin de "donner un délai supplémentaire" aux propriétaires de ces terrains constructibles "pour bâtir ou céder leur terrain" (voir
notre article du 12 novembre). Pas sûr que ce troisième amendement aille dans le sens de la lutte contre la rétention et la spéculation foncière…
V.L.