Archives

Sport - Révision des valeurs locatives : les greens voient rouge

La révision des valeurs locatives met actuellement en ébullition un secteur économicosportif qui, le plus souvent, brille par sa discrétion : le golf. Les autorités fiscales ont en effet entrepris depuis plusieurs mois de contrôler massivement les propriétaires de golfs et de redresser les terrains qui, pour des raisons historiques variées, n’étaient pas encore soumis à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). "Bercy a engagé la réforme des valeurs locatives, qui étaient figées depuis 1970, explique Basile Lenoir, directeur juridique de la Fédération française de golf (FFG). Or près de 300 golfs ont été construits après 1970, dont les 100 petites structures de proximité du programme 2009-2018, proches des villes. Bercy applique donc la loi, ce qui touche plusieurs impôts : la taxe foncière mais aussi la cotisation foncière des entreprises, laquelle sera également assise sur la même base, à savoir la valeur locative des terrains."
Or pour apprécier cette valeur locative, l'Etat se fiait depuis 1970 à un local de référence, lequel n'a jamais existé pour les golfs. Les méthodes pour déterminer la valeur locative d'un terrain reposent donc, soit sur la comparaison, soit sur le montant du loyer, et l'une comme l'autre ne peuvent s'appliquer au golf. Reste donc la méthode dite "par appréciation directe", qui consiste, dans la réforme qui s'engage à l'horizon 2015, à prendre la valeur vénale du terrain et à lui appliquer un coefficient de stabilité de 7 à 8% l'an. "Comme si le terrain rapportait 7 à 8% chaque année, s'insurge Basile Lenoir. Nous avons des golfs construits dans des zones inconstructibles, souvent protégées. Il y a des golfs construits sur des décharges, des terres inondables, près d'aéroports, à des endroits où il ne poussera jamais un immeuble."

Un tiers des golfs menacés de disparition

Mais en dehors du caractère constructible ou non des terrains, le golf a tout simplement un problème de surface, sachant qu'un parcours mesure en moyenne 40 à 50 hectares. "Si nous avions la dimension d'une piscine ou d'un stade de foot, on ne crierait pas au loup. On ne bataille pas pour ce qui est des bâtiments, mais quand on inclut tout le terrain au motif que c'est la plus grande surface qui emporte la catégorisation principale de votre activité, cela nous pose un souci. D'abord parce que les critères de la catégorie golf ne sont pas définis ni définissables et qu'ils ont une surface exorbitante", argumente Basile Lenoir. En outre, le golf souffre d'une jurisprudence de 1942 selon laquelle toute la surface à l'intérieur des clôtures doit être considérée comme du bâti. Or une grande partie de la surface d'un golf est souvent constituée de forêt, de plans d'eau, de prairies.
Par ailleurs, la réforme devrait s'appliquer aux structures commerciales comme associatives. Car si la TFPB concerne toute exploitation commerciale, le caractère non commercial d'un golf public – 40% des golfs sont la propriété des collectivités locales – est de plus en plus remis en question par l'administration, au motif notamment qu'un golf à but non lucratif se trouve, par l'existence de golfs commerciaux près de lui, dans une zone de chalandise concurrentielle. "Il est de plus en plus dur de démontrer le caractère non lucratif d'un golf associatif", déplore Basile Lenoir.
Pour Jean-Lou Charon, président de la FFG, "la réforme, si elle est appliquée, aura pour conséquence de multiplier le coût de la taxe par dix". Et beaucoup de golfs ne s'en relèveraient pas. "Contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, les golfs dégagent de petites marges, de l'ordre de 2 à 3%. Même si les membres des golfs peuvent être très riches, les golfs par eux-mêmes ne le sont pas", justifie Jean-Lou Charon. La FFG estime que le nouveau calcul de la TFPB pourrait entraîner la fermeture d'environ 200 golfs sur les 680 golfs du territoire français, sans compter la suppression d'un ou deux emplois par golf en moyenne, dans un secteur qui compte 15.000 emplois directs. Basile Lenoir : "On connaît un petit golf à vocation de découverte, bâti dans le Nord. Sa taxe foncière représente 50.000 euros sur un chiffre d'affaires qui avoisine les 200.000 euros. On a vu des golfs avec des taxes qui vont passer de 14.000 à 140.000 euros. Quand on fait moins 20% de fréquentation comme cette année, c'est impossible à assumer, a fortiori avec un rattrapage sur trois ans." La FFG est elle-même touchée : la taxe foncière sur les 200 hectares du golf national de Saint-Quentin-en-Yvelines, exploité via un bail emphytéotique, s'élève aujourd'hui à 80.000 euros et pourrait être multipliée par quatre ou cinq. Partout en France, les golfs sont ainsi de plus en plus contrôlés et 30% sont actuellement en procédure de redressement. Parmi eux, un seul a pu, à ce jour, s'acquitter de sa dette.

Le précédent des pistes de ski

Pour la FFG, il s'agit d'"un problème urgentissime à régler". Et l'institution d'envisager trois voies possibles : gouvernementale, parlementaire ou administrative. La voie parlementaire a commencé d'être empruntée par les directeurs de golfs, invités par la fédération à sensibiliser leurs élus. Plusieurs députés et sénateurs ont ainsi posé des questions au ministre du Budget. La voie gouvernementale continue à vivre tant que le projet de loi de finances pour 2014 ne sera pas arrêté. "On ne se fait pas trop d'illusions, mais si le gouvernement voulait régler le problème, il le réglerait dans le projet de loi" qui sera présenté ce 25 septembre en Conseil des ministres, commente Basile Lenoir.
Reste la voie administrative. "Le même problème s'est posé pour les pistes de ski et a été réglé en 2012. L'administration fiscale a alors jugé que la surface que représentent les pistes de ski ne pouvait pas être considérée comme du bâti, sauf à torpiller la filière d'un coup", pointe Basile Lenoir. La fédération a donc demandé que le raisonnement du ski soit appliqué aux golfs. "On nous a répondu que les pistes de ski ne sont exploitées que quand il y a de la neige. Or quand on n'y fait pas du ski, on y fait du golf ou du VTT. Le terrain ne reprend pas sa nature propre quand le ski s'arrête, contrairement à ce que prétend l'administration. Et c'est encore faux car avec l'installation des canons à neige, le terrain doit être entretenu tout l'été", proteste Jean-Lou Charon. Pour la FFG, il y a une évidente inégalité de traitement entre les deux disciplines. Les discussions se poursuivent donc avec Bercy. Dans son combat, la FFG a reçu l'appui du ministère des Sports. Il est vrai que la disparition d'un tiers des golfs dans le pays qui doit accueillir en 2018 la Ryder Cup, la plus grande compétition internationale, serait du plus mauvais effet.

 

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis