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Laïcité - Financement des lieux de culte : sept propositions pour un cadre plus clair et sécurisé

Dans un rapport adopté à l'unanimité de ses membres, la délégation sénatoriale aux collectivités et à la décentralisation propose d'aménager ou de préciser certains des moyens qui permettent aux collectivités territoriales d'apporter une aide à l'implantation et à l'entretien de lieux de culte, tout en respectant la loi de séparation des églises et de l'Etat. Le but est notamment de renforcer, pour les élus locaux, la sécurité juridique de ces dispositifs.

Le sénateur UDI Hervé Maurey formule sept propositions pour améliorer le financement des lieux de culte, d'une part, et les relations entre les élus locaux et les représentants des religions, d'autre part. Dans un rapport qu'il a réalisé pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, il appelle à préserver le cadre fixé par la loi de 1905 de séparation des églises et de l'Etat qui, notamment, interdit le financement public des lieux de culte érigés après la loi. Un sondage, réalisé par TNS Sofres dans le cadre de l'élaboration du rapport, avait d'ailleurs révélé l'attachement des élus locaux à ce principe : 59% des quelque 2.800 maires interrogés ne souhaitent pas sa remise en cause (voir notre article du 15 janvier 2015).
Le sénateur de l'Eure n'entend pas non plus revenir sur les exceptions légales autorisant malgré tout une forme de financement public des lieux de culte par les collectivités territoriales. Au contraire, il propose des aménagements afin de favoriser leur utilisation. Ils concernent le bail emphytéotique - un contrat d'une durée pouvant aller jusqu'à 99 ans, qui a été très utilisé pour l'édification de lieux de culte de toutes les confessions. La modification envisagée consiste à autoriser la communauté religieuse à acheter le lieu de culte à la fin du bail. Ainsi, la collectivité n'en deviendrait pas systématiquement propriétaire comme c'est le cas aujourd'hui. Le but est de permettre de désamorcer une "bombe à retardement", selon le terme employé par le président de la Conférence des évêques de France. La situation de certaines communes est en effet compliquée, comme celle de Paris : la capitale va voir une trentaine d'églises entrer dans son patrimoine d'ici 20 à 30 ans. Des bâtiments en mauvais état qui nécessiteraient entre 5 et 10 millions d'euros de travaux.

Plan local d'urbanisme

Hervé Maurey propose par ailleurs d'étendre géographiquement les possibilités pour les collectivités d'apporter une garantie aux emprunts que les associations cultuelles contractent pour la construction d'un édifice cultuel. Le sénateur recommande que cette faculté soit ouverte à toutes les communes et tous les départements et non pas seulement celles et ceux qui se trouvent "dans une zone urbanisée dont la population augmente significativement". Les règles actuelles se révèlent en effet pénalisantes pour les territoires ruraux.
Le législateur aurait aussi intérêt à aménager le droit de l'urbanisme, estime le maire de Bernay. Qui aborde là un sujet que l'on sait conflictuel, quand il s'agit de projets d'implantation de mosquées, mais pas seulement. Sa proposition : donner la possibilité à la commune ou à l'EPCI de réserver dans le plan local d'urbanisme (PLU) une zone susceptible d'accueillir l'implantation d'édifices cultuels. Cela conduirait le conseil municipal à débattre du sujet lors de l'élaboration du PLU. Les élus locaux auraient aussi plus facilement la possibilité de refuser l'implantation des édifices cultuels dans certaines zones – celles qui n'ont pas vocation à accueillir des lieux de culte. Voulant "améliorer les relations entre les communautés religieuses et les élus locaux", le sénateur se défend de vouloir fournir aux seconds un nouvel outil pour freiner les projets. Sa démarche relève du contraire, soutient-il. Il appelle même ses pairs à la "vigilance", en évitant "les détournements des procédures qui viseraient à empêcher l'implantation d'un lieu de culte".

Cultuel ou culturel ?

Les collectivités ont encore la possibilité d'apporter des subventions à des activités culturelles en rapport avec les cultes, comme un centre d'art sacré, ou un centre culturel à caractère religieux. Mais entre le cultuel et le culturel, "les distinctions sont parfois subtiles, voire contestables", selon l'Observatoire de la laïcité, auditionné par le sénateur. Ce dernier en conclut qu'un décret en Conseil d'Etat devrait définir explicitement quels types de dépenses relèvent de l'un ou de l'autre domaine.
Le rapport contient encore des propositions visant à améliorer l'information des élus locaux sur les possibilités légales concernant le financement des lieux de culte et à accroître la transparence sur ce financement.
La publication du rapport sur le site internet du Sénat sera suivie d'un débat dans l'hémicycle du palais du Luxembourg, a indiqué Hervé Maurey. Le sénateur n'exclut pas le dépôt d'une proposition de loi.

Thomas Beurey / Projets publics

Des besoins en lieux de culte très variables selon les religions
D'après le rapport, "les problématiques concernant les lieux de culte ne sont pas les mêmes selon les religions". Le panorama très complet dressé par le rapport le montre bien. Sur les 45.000 églises catholiques, 40.000 appartiendraient aux communes et un nombre important d'entre elles serait en mauvais état, nécessitant des travaux coûteux. Les trois quarts d'entre elles seraient fermées quasiment toute l'année. 2.500 églises catholiques auraient été construites après 1905.
S'agissant des lieux de culte musulman, le retard est moins grand qu'il y a quelques années, mais il serait encore réel. 2.450 mosquées sont recensées, contre 1.600 il y a dix ans. En 2013, 200 projets de mosquées étaient en cours. Les relations entre les élus locaux et les communautés musulmanes qui, dans les années 1980 étaient houleuses s'agissant des projets de mosquées, se seraient beaucoup pacifiées.
En progression rapide, les évangéliques se réunissent dans 2.600 lieux de culte, un chiffre qui pourrait tripler dans les 30 à 40 prochaines années. Au total, la communauté protestante compte aujourd'hui 4.000 lieux de rassemblement. Les chrétiens orthodoxes, eux, ne comptent que de 150 à 200 églises.
Pour les autres confessions, on dénombre 600 à 800 lieux dédiés au culte pour la communauté juive, 380 pour les bouddhistes.

T.B.