Economie solidaire - Financement de l'ESS : bpifrance est "l'arme au pied"
"Avant même que la loi [sur l'économie sociale et solidaire] soit votée, bpifrance sera prêt", s'est félicité Benoît Hamon, le ministre délégué à l'ESS, en ouverture des Rencontres sur le financement de l'innovation sociale, le 2 juillet, à Bercy. L'occasion pour le directeur général de bpifrance, Nicolas Dufourcq, de présenter les nouveaux outils qui seront mis à la disposition de ce secteur qui a encore continué de créer de l'emploi en 2012 (+0,3%) contrairement au reste de l'économie. "Nous sommes l'arme au pied", a déclaré le dirigeant. Cette gamme sera pleinement opérationnelle à compter du 12 juillet, date de l'assemblée générale de la banque, soit douze jours avant la présentation du projet de loi-cadre sur l'ESS en Conseil des ministres...
Pas moins de 600 millions d'euros seront donc prochainement disponibles : la ligne de 500 millions d'euros promise par François Hollande, à laquelle s'ajouteront 80 millions d'euros du programme d'investissement d'avenir pour de nouveaux appels à projets et 20 millions d'euros du fonds d'innovation sociale, sous forme d'avances remboursables.
La création de ce fonds, attendue de longue date par les acteurs de l'ESS, sera la grande nouveauté (malgré une tentative non aboutie du précédent gouvernement). Il sera doté par le programme d'investissements d'avenir et par six régions. Des régions qui entendent "être acteurs et non simplement témoins", comme l'a appuyé Pierre Grosset, élu de Franche-Comté, venu représenter l'Association des régions de France (ARF). "Les conseils régionaux ont déjà ouvert leurs dispositifs d'aides aux entreprises à l'ESS", a-t-il souligné. Or pour Benoît Hamon, "tout n'est pas définitivement calibré, notamment sur la gouvernance du fonds et la place des régions". "Nous avons fait le choix d'instruire les dossiers au niveau territorial", a-t-il cependant assuré.
Compenser le retrait des collectivités
Selon Jean-Marc Maury, le directeur du département Développement économique et ESS à la Caisse des Dépôts, le fonds d'innovation sociale répondra à un "besoin très mal couvert" jusqu'ici, alors que les banques ne financent que l'innovation technologique. "Il y avait un beau trou dans la raquette [...]. Mais ce doit être un outil économique, il n'est pas question de faire de la quasi-subvention", a-t-il pris soin de préciser.
L'autre nouveauté est la création du prêt participatif social et solidaire (PPSS). Un prêt à sept ans avec différé de remboursement de deux ans, pour un minimum fixé à 10.000 euros pour soutenir les TPE. Il s'agira de leur donner "le coup de pouce nécessaire". L'objectif est d'atteindre 50 millions d'euros de prêts par an, a indiqué Nicolas Dufourcq, ajoutant que les banques en attendaient un "effet démultiplicateur".
En récupérant les 46% de parts détenus jusqu'ici par la Caisse des Dépôts dans Sogama Crédit Associatif, bpifrance pourra par ailleurs garantir les prêts de grosses associations. Selon Bernard Huart, le président de Sogama, les garanties pourront commencer à 15.000 euros - et ne visent donc pas exclusivement les grosses structures -, mais elles sont la condition nécessaire d'un changement d'échelle. "Les collectivités se retirent peu à peu de ces garanties, et les banques hésitent à recueillir les garanties des collectivités locales, en raison des risques de défaillances mais aussi parce qu'il est de plus en plus de difficile d'évaluer la santé financière des collectivités", a-t-il expliqué. Aujourd'hui, les garanties de la Sogama sont limitées à un million d'euros, a encore indiqué le dirigeant. Avec le rapprochement de bpifrance, il espère les voir passer à 5 millions d'euros, ce qui permettra d'accompagner le mouvement de regroupement d'associations et de couvrir leurs besoins, essentiellement immobiliers.
Financement participatif : un potentiel de six milliards d'euros
Enfin, en septembre, bpifrance lancera une plateforme de "crowdfunding" (en français : financement participatif) dédié aux TPE. C'est-à-dire l'appel au financement de projets par les particuliers, par le biais de plateformes internet. "Nous voulons créer le seloger.com de l'ESS", a lancé Nicolas Dufourcq. Le potentiel du financement participatif de l'ESS est particulièrement alléchant. Selon Arnaud Poissonnier, fondateur de Babyloan, l'une des plateformes françaises de financement participatif solidaire, les perspectives sont colossales : "Il existe 800 plateformes de crowdfunding dans le monde, il s'en ouvre une tous les jours. En dix ans, six milliards de dollars ont été collectés." Or certaines études tablent, à horizon 2020-2022, sur un cumul de 1.000 milliards de dollars de collecte. "C'est quelque chose d'extrêmement puissant", a souligné Arnaud Poissonnier. "Aujourd'hui 0,1% de la finance en France est solidaire, or quand on regarde le crowdfunding, on est à 20%. Le potentiel en France est de collecter six milliards en 2020", a-t-il poursuivi. En suivant ses calculs, pas moins d'1,2 milliard d'euros pourraient ainsi irriguer l'ESS dans les huit ans à venir. A condition de se préparer. Pour le jeune dirigeant, il est impératif de lever les barrières réglementaires. "Il est très important que les textes qui vont sortir permettent au crowdfunding de se développer très vite [...]. Il est nécessaire de pouvoir investir en trois clics", a-t-il averti.