Economie solidaire - Benoît Hamon : "Il n'y aura pas de chef de filat de la région sur l'ESS"
Le ministre délégué à l'Economie sociale et Solidaire a dévoilé les grandes lignes de son projet de loi cadre, mercredi, à l'occasion des 2es rencontres nationales des collectivités locales autour de l'ESS. Retenu à l'Assemblée pour défendre son projet de loi sur la consommation, c'est à travers un message vidéo que le ministre s'est exprimé. Assurant avoir travaillé étroitement avec Marylise Lebranchu, dans le cadre de la réforme de la décentralisation, pour renforcer le rôle des régions - ces dernières devront ainsi inscrire une stratégie de l'économie sociale et solidaire dans leur programme - , il n'est pourtant pas question de leadership, a-t-il précisé. "Il n'y aura pas de chef de filat de la région en matière d'ESS", a-t-il précisé : "Si la région joue un rôle décisif, le département aussi au titre de sa compétence sociale et avec le financement de l'insertion par l'activité économique, les communes et les agglomérations ont aussi un rôle très important de diagnostic sur le terrain."
Définition "inclusive"
"On ne cherche pas un chef de filat sur l'ESS, ce n'est pas la question, a rétorqué Marie-Guite Dufay, présidente de Franche-Comté et de la commission ESS à l'ARF, lors d'un point presse organisé en marge de cette journée. Mais elle s'est dit inquiète d'une écriture "jacobine" du projet de loi qui confère au préfet le rôle de l'animation de l'ESS sur le territoire. Le texte prévoit en effet la tenue, au moins tous les deux ans, d'une conférence régionale de l'ESS présidée par le préfet, associant les membres de la chambre régionale de l'ESS, des différentes collectivités territoriales et des représentants des salariés. "Nous sommes un peu choqués que les collectivités n'apparaissent plus dans l'animation territoriale, on ne parle que du préfet […] l'écriture est encore à parfaire", a-t-elle ajouté. La présidente s'en est émue auprès du conseiller spécial de Benoît Hamon, Jérôme Saddier, qui en a pris bonne note…
Le projet de loi, qui sera présenté en Conseil des ministres le 24 juillet avant un début d'examen au Sénat en septembre, apporte avant tout une "définition inclusive" des entreprises de l'ESS, englobant les acteurs traditionnels (associations, coopératives, mutuelles, fondations) et les sociétés commerciales "valablement immatriculées". Elles doivent pour cela remplir un certain nombre de conditions : poursuivre un but autre que le seul partage des bénéfices, une gouvernance démocratique, des bénéficies majoritairement orientés vers le développement de l'entreprise... La qualité d'entreprise de l'ESS constitue une condition nécessaire pour obtenir certains financements, notamment ceux de bpifrance. Ces entreprises peuvent ensuite prétendre à un agrément "entreprises solidaire d'utilité sociale" si elles sont orientées vers les personnes vulnérables, la transition écologique ou la cohésion territoriale.
Reconnaissance des PTCE
Le texte, qui porte l'ambition d'un changement d'échelle du secteur qui représente aujourd'hui 10% du PIB, est fondé sur le principe de "co-construction" entre les entreprises et les pouvoirs publics d'une "stratégie de croissance plus robuste, plus riche en emplois, plus durable, plus juste socialement". Ce qui passe, a souligné Benoît Hamon, par deux "reconnaissances". Celle des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), sorte de pôles de compétitivité du secteur, aujourd'hui expérimentés à l'initiative des acteurs de l'ESS. Un appel à projets commun entre le ministère délégué à l'ESS et celui de l'Egalité des territoires sera lancé pour "conforter ceux qui existent déjà et en créer de nouveaux". Autre reconnaissance, celle des chambres régionales de l'ESS, aujourd'hui très hétérogènes, mais qui sont amenées à jouer "un rôle d'accompagnement, d'incubateur, de structuration de l'ESS" de plus en plus important.
Le texte propose également une définition de la subvention (voir notre article du 25 juin). Sur ce point, Jérôme Saddier s'est dit confiant dans la lecture actuelle du Conseil d'Etat. "Il ne devrait pas trop la toucher, pour le moment les choses se passent plutôt bien." "On compte beaucoup sur cette disposition qui aura un effet réel sur le secteur associatif et permettra aussi de sécuriser les collectivités locales", a-t-il ajouté. Mais le texte ne va pas jusqu'à clarifier les questions de SSIG et SIEG. "Cela ne fait pas consensus au sein du gouvernement", a indiqué le conseiller spécial du ministre.
S'agissant du financement, bpifrance présentera le 2 juillet les modalités d'utilisation de sa ligne de 500 millions d'euros au profit de l'ESS. Marie-Guite Dufay a plaidé pour un recours à l'épargne salariale.