Financement de la transition écologique : Bercy dialogue avec les élus locaux

Le financement de la transition écologique était, ce 23 mai, à l'ordre du jour d'une réunion entre Bercy et les élus locaux. Parmi les leviers de financement abordés : l'abandon des dépenses consacrées aux énergies fossiles et l'endettement "vert". Des évolutions comptables et budgétaires ont aussi été présentées comme nécessaires, notamment pour identifier les dépenses, selon leur impact sur l'environnement. La préoccupation de l'exécutif sur la limitation du déficit et de la dette publics est apparue en filigrane des débats.

"La transition écologique et énergétique" était au menu, ce 23 mai, d'une réunion de concertation entre les associations d'élus locaux et les cabinets de Bruno Le Maire, ministre de l'Économie et des Finances, et de Gabriel Attal, ministre délégué aux Comptes publics. La rencontre était la troisième d'un "cycle de travail sur la situation financière des collectivités". Pour rappel, une première réunion technique avait eu lieu, le 14 avril, sur les indicateurs permettant d'apprécier l'état de santé du secteur public local (voir notre article). Au lendemain de la présentation du programme de stabilité en conseil des ministres, le 26 avril, le second rendez-vous avait porté sur la trajectoire de dépenses et d'endettement pour les collectivités, qui est inscrite dans ce document (voir notre article).

La réunion de mardi a été marquée par "une volonté d'écoute réciproque et un véritable dialogue", se félicite un cadre d'une association d'élus locaux. "Cette discussion constructive nous a permis d'échanger sur nos contraintes respectives", poursuit-il. "Les objectifs sont généraux et généreux, mais on ne sait pas très bien comment ça va se passer pour les collectivités", pointe cependant un autre participant. Un sentiment partagé par les élus locaux présents, qui se seraient, selon lui, montrés impatients de rencontrer à présent l'exécutif pour une réunion de nature plus politique sur les finances locales.

L'investissement local plus dynamique durant l'actuel mandat ?

Lors de cette réunion, les représentants de Bercy ont, il est vrai, davantage présenté des données sur la situation des collectivités que des propositions. Ils ont ainsi tablé sur une progression continue de l'investissement public local jusqu'en 2025. Lors de la dernière année pleine du mandat municipal, les dépenses des collectivités locales dans ce domaine atteindraient, selon eux, le record de 75 milliards d'euros (en euros courants). Ils se montrent donc plutôt optimistes sur l'évolution de l'investissement local à moyen terme. D'après les simulations de Bercy, les collectivités dépenseraient en moyenne environ 56 milliards d'euros en euros constants, chaque année, durant le mandat actuel. Soit environ 7 milliards d'euros de plus que la dépense moyenne (en euros constants) constatée sur la période du précédent mandat municipal (2014-2020).

Bercy anticiperait donc une accélération des investissements verts des collectivités, afin de répondre à des objectifs climatiques fixés pour 2030 "qui appellent des efforts importants dans tous les secteurs", comme le souligne le ministère dans le document présenté aux élus locaux. Le rapport que Jean Pisani-Ferry a remis le 22 mai à la Première ministre (voir notre article du 23 mai) évalue que le respect de ces objectifs nécessite des "besoins d'investissements supplémentaires "nets publics et privés" dans la décarbonation, qui sont de l'ordre de "2 à 3 points de PIB", représentant "65 milliards d'euros par an".

Réduire les dépenses "brunes"

"Les nouveaux investissements pour la décarbonation devront s’accompagner d’une transformation des investissements actuels et d’une réduction des dépenses dommageables" à l'environnement – en clair les dépenses qui soutiennent les énergies fossiles –, indique le ministère. La mise en place d'un budget vert, comme l'a déjà fait l'État, permet d'"identifier" ce type de dépenses. Bercy a ainsi pu calculer que "les dépenses défavorables de l’État sur au moins une dimension environnementale" s'élèvent à environ 22 milliards d'euros en 2023. L'État pourrait donc, en principe, redéployer ces crédits pour financer des dépenses en faveur de la transition écologique et énergétique.

Mais les collectivités n'auraient pas à rougir par rapport à l'État, selon Villes de France. Les membres de l'association – qui représente les communes de 10.000 à 100.000 habitants et leurs agglomérations – "ont donné depuis plusieurs années déjà la priorité à l'entretien du patrimoine existant, plutôt qu'à de nouveaux équipements (grande patinoire, centre de congrès…)". Les collectivités de cette strate "se concentrent en particulier sur l'amélioration de l'efficacité énergétique des équipements existants".

Budgets verts

Le gouvernement verrait d'un bon œil une accélération de la mise en œuvre de budgets verts dans le secteur public local. Pour cela, il propose la création d'"un cadre méthodologique commun" à l'État et aux collectivités. Ce cadre serait défini de manière "concertée", mais serait "inspiré" du budget vert qu'utilise aujourd'hui l'État. La démarche serait "volontaire et progressive", les collectivités ayant "la main" pour "inscrire leurs actions dans ce cadre". Des "travaux concertés" d'adaptation des normes comptables seraient nécessaires. Bercy a d'ores et déjà fourni des pistes : la généralisation du compte financier unique (CFU) – aujourd'hui en phase d'expérimentation, le document agrège le compte administratif et le compte de gestion – et la création "à terme" d'une annexe permettant "une cotation des dépenses de fonctionnement et d'investissement", suivant leurs effets sur l'environnement.

Le sujet a suscité des interrogations chez les élus. L'un d'eux a ainsi fait valoir que les communes rurales dépensent des montants relativement élevés dans l'entretien des routes. "Y aura-t-il une prise en compte de l'échelle de la collectivité dans la cotation des investissements ?", se serait demandé l'édile. Le ministère propose par ailleurs qu'une annexe au CFU soit créée pour "retracer les financements de très long terme et/ou les opérations d'investissement au bénéfice de la transition écologique bénéficiant de financements de long terme". Une piste qui suscite des réserves de la part notamment de France urbaine. Attention à ne pas aller vers "le cantonnement d'une dette verte", qui permettrait de conclure : "Tout ce qui n'y figure pas est de la mauvaise dette", dit en substance l'association fédérant les villes de plus de 100.000 habitants et leurs agglomérations.

Emprunter davantage ?

Selon les informations réunies par Bercy, le regain de santé des collectivités et l'offre abondante de crédits qui leur est proposée donnent à celles-ci la possibilité de recourir davantage à l'emprunt dans les années à venir, pour financer la transition écologique et énergétique. Pour autant, les représentants du ministère ont rappelé que le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 définit une trajectoire de désendettement pour les administrations publiques locales – la dette locale, y compris celle de la Société du Grand Paris, devant passer de 9,1% du PIB en 2023 à 7,4% du PIB en 2027. Au passage, il a été confirmé que le projet de loi poursuivra son parcours législatif dans les mois prochains, avec un examen en nouvelle lecture prévu "mi-juillet" à l'Assemblée nationale et "en octobre" au Sénat.

En matière d'emprunt, les débats ont tourné aussi autour du besoin d'identification des investissements verts, exprimé de manière croissante par les investisseurs et les autorités de régulation. Un mouvement qui pousse en faveur d'une "logique de financement de projet" difficilement envisageable à grande échelle dans les collectivités, selon France urbaine. Pour des raisons très pratiques : "Une métropole a 500 lignes différentes en investissement dans son budget principal. On ne pas va pas pouvoir identifier pour chacune ce qui relève des financements externes, de l'autofinancement, ou de l'emprunt", explique l'association. En outre, une remise en cause de la "logique de financement budgétaire" porterait un coup à "l'un des fondamentaux de la décentralisation", complète France urbaine.

Dotations de l'État

Pour financer la transition verte, il faut surtout que les subventions de l'État dédiées à l'investissement soient "au rendez-vous", insiste Villes de France. Les dotations – telles que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) – présentent un réel "effet de levier" au bénéfice de l'investissement local, souligne l'association.

Prévue pour la mi-juin, la dernière réunion du cycle de concertation, qui permettra de faire un point sur les discussions, doit se tenir en présence de plusieurs ministres.

 

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