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Innovation - Financement de la recherche : de faibles retombées économiques

Le financement de la recherche ne parvient pas à décoller, notamment en raison de la frilosité des entreprises, selon un rapport de la Cour des comptes. Bien qu'en hausse, le financement public reste trop attaché à la recherche fondamentale. Les magistrats pointent les faibles retombées économiques de ces dépenses.

Malgré l'effort des pouvoirs publics, le financement de la recherche en France ne parvient pas à décoller. Il représente 2,25% du PIB. Loin de l'objectif européen de 3% arrêté au début des années 2000 à Lisbonne. La France, récemment qualifiée de "pays suiveur" par la Commission européenne, fait moins que la moyenne des pays de l'OCDE (2,38%). Mais ce résultat tient surtout à la faiblesse du financement des entreprises.
En effet, la crise n'a pas enrayé le financement public, indique la Cour des comptes, dans un rapport présenté lundi 10 juin. Au contraire. Les financements de l'Etat sont passés de 14 milliards d'euros en 2006 à 20,8 milliards d'euros en 2013, essentiellement grâce à la mise en oeuvre du crédit impôt recherche qui représentait 5,8 milliards d'euros en 2013. Le reste se répartit entre les 14 milliards de crédits budgétaires et les investissements d'avenir (un milliard en rythme moyen annuel). A cela s'ajoute les concours des collectivités (1,2 milliard d'euros) et de l'Union européenne (moins d'un milliard d'euros).
L'investissement des collectivités passe essentiellement par les régions (69%). Les départements et les communes en assurent respectivement 15 et 16%. Les collectivités interviennent pour un tiers dans l'immobilier d'entreprise, notamment dans le cadre des contrats de projets Etat-région. Elles s'impliquent également dans les structures favorisant le transfert de technologie.

L'Ile-de-France "région phare"

Deux régions françaises (Midi-Pyrénées et Ile-de-France) parviennent à se hisser dans le peloton des 27 régions européennes qui investissent plus de 3% de leur PIB dans la R&D. Leader français, Midi-Pyrénées est à 4,15%. Mais en volume, l'Ile-de-France est la "région phare" de l'UE, avecc 8% des dépenses totales européennes en R&D.
A côté des fonds publics, les entreprises restent frileuses. Leur faible participation, qui stagne à 1,43% du PIB alors que la moyenne de l'OCDE est à 1,58%, traduit "une inquiétante fragilité", a commenté lundi le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud. Ce qui, selon lui, s'explique notamment par le faible nombre d'entreprises de taille intermédiaire et par une trop grande spécialisation dans les services au détriment de l'industrie.
La rue Cambon s'inquiète par ailleurs d'un recul important des financements européens. Les crédits du programme-cadre pour la recherche et le développement technologique (PCDRT) accordés à la France sont passés de 14,4% du total à 9,5% entre 2007 et 2012. La France est très largement déficitaire car sur la même période, elle a contribué pour 6 milliards d'euros à ce programme quand elle n'en a retiré que 3,42 milliards d'euros. Ces résultats s'expliquent surtout par une "insuffisante articulation" entre les programmes de recherche français et la programmation européenne, "de plus en plus tournée vers l'aval de la recherche", et aussi un manque de soutien aux équipes scientifiques soumettant les projets. La France n'est qu'au cinquième rang en termes de projets présentés.

Faibles retombées économiques

Au-delà du poids du financement de la recherche, la Cour des comptes pointe les faibles retombées économiques qu'elle engendre. "Un handicap majeur de la France vient de la difficulté à transformer l'effort de recherche dans l'économie", a insisté Didier Migaud. La part des dépenses dites "expérimentales" a décru ces dernières années et leur niveau est plus faible que dans la plupart de ses concurrents. La France se caractérise ainsi par un fort taux de recherche fondamentale (26%), une recherche appliquée de l'ordre de 40% et un faible taux de recherche expérimentale (34%). La Chine affiche, elle, un taux de 83% pour la recherche expérimentale contre 5% pour la recherche fondamentale... 
Au cours des années 2000, la part du financement public dans la recherche expérimentale en France a chuté de 30% regrette la Cour. "La France n'est pas en mesure de tirer le meilleur parti, en termes de croissance et d'emplois, de l'effort de recherche qu'elle finance", souligne-t-elle.
Résultat : si la France se situe toujours au 6e rang mondial pour ses publications scientifiques et au quatrième rang pour les obtentions de brevets, elle ne se place que 24e en termes d'innovation. "La France a davantage tendance à exporter ses technologies qu'à en développer les usages sur son territoire au profit de son industrie", insiste le rapport.
La Cour estime nécessaire de renforcer les liens entre recherche publique et entreprises et de simplifier les aides financières à la recherche. Elle souligne le "rôle bénéfique des financements sur projets", notamment par le biais de l'agence nationale pour la recherche et du programme d'investissements d'avenir qui, selon elle, a été conduite "avec rigueur". Elle préconise donc de poursuivre dans cette voie tout en suggèrant de mettre un terme aux investissements d'avenirs qui n'auront pas atteint les résultats escomptés lors des bilans d'étape. Elle réclame de manière générale une plus grande sélectivité dans l'attribution des financements.