Fin du transfert obligatoire des compétences eau et assainissement : les députés apportent d’importantes retouches en commission
La commission des lois de l’Assemblée nationale a adopté ce 3 mars la proposition de loi mettant fin à l’obligation de transfert des compétences eau et assainissement des communes aux intercommunalités, votée en octobre dernier au Sénat. Plusieurs modifications importantes ont été apportées au texte, permettant notamment de créer des syndicats "infracommunautaires" en matière d’eau et d’assainissement, d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune et de modifier en profondeur la logique de contrôle du service public d’assainissement non collectif (Spanc).

© Capture vidéo Assemblée nationale/ Jean-Luc Warsmann
Après de longs mois d’interruption, le parcours parlementaire de la proposition de loi visant à mettre fin à l’obligation faite aux communes de transférer aux EPCI les compétences eau et assainissement le 1er janvier prochain vient d’être relancé. Le texte voté par le Sénat en octobre dernier (lire notre article) a été adopté par la commission des lois de l’Assemblée nationale ce 3 mars moyennant plusieurs retouches notables.
Le retour des syndicats infracommunautaires dans le domaine de l'eau et de l'assainissement
À l’initiative du groupe Droite républicaine, les députés ont réintroduit expressément dans la proposition de loi la possibilité de créer des syndicats infracommunautaires en matière d'eau et d'assainissement qui figurait dans le texte initial mais avait été supprimée lors des débats au Sénat. Il s’agit de mettre fin à une incertitude juridique en la matière, ont justifié les auteurs de l’amendement. En effet, deux conditions cumulatives sont posées à l'article L.5111-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) pour toute création de syndicat : une autorisation par les services préfectoraux et une compatibilité avec les SDCI (Schémas départementaux de coopération intercommunale) qui, selon l'article L.5210-1-1 du CGCT, peuvent proposer "la suppression, la transformation ainsi que la fusion de syndicats de communes ou de syndicats mixtes" sans prévoir la possibilité de créer des syndicats infracommunautaires, hormis par exception dans les domaines du scolaire, de la petite enfance et de l'action sociale. L’amendement vise ainsi à rajouter les domaines de l'eau et de l'assainissement à ces exceptions à l'exigence de conformité avec le SDCI.
Assainissement : un transfert en bloc ou "sécable"
Alors que l’article 1er de la proposition de loi maintient le transfert en bloc de la compétence "assainissement", c’est-à-dire sans distinguer l’assainissement collectif et non collectif, un amendement du rapporteur Jean-Luc Warsmann, député Liot des Ardennes, propose de laisser aux communes qui ont transféré à la communauté de communes seulement une partie de la compétence "assainissement" la liberté de choisir de transférer l’autre partie de cette compétence. Il garantit, de plus, que la compétence facultative "assainissement" est bien "sécable".
Un amendement du groupe écologiste permet en outre aux communes ayant conservé la gestion des compétences eau et assainissement de mener des études sur l’évolution de la qualité et de la quantité de la ressource en eau. En offrant la possibilité de mutualiser la conduite de ces études avec l’EPCI dont elles sont membres ou bien avec les communes du même bassin versant, l’amendement entend permettre la réalisation d’études globales pour délivrer une connaissance plus fine des enjeux liés à la ressource sur un territoire.
"Dans le contexte de dérèglement climatique auquel les collectivités doivent faire face et vis-à-vis des risques accrus de sécheresses, il devient nécessaire de mener des études communes incluant l’ensemble des collectivités gestionnaires concernées de cette ressource, souligne l’exposé des motifs. Les plans d’actions des collectivités gestionnaires peuvent donc être complétés par des études menées de concert avec les collectivités concernées sur un territoire".
Rôle de la commission départementale de coopération intercommunale
A l’initiative du rapporteur, l’article 3 bis du texte a aussi été réécrit. Le nombre de réunions de la commission départementale de coopération intercommunale (CDCI) dédiées à l’organisation territoriale des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement a ainsi été réduit pour que cette réunion ait lieu une fois tous les six ans, dans les six mois suivant chaque renouvellement général des conseils municipaux. L’amendement propose également de recentrer la réunion de la commission sur les enjeux relatifs à la qualité et à la quantité de la ressource en eau à l’échelle du département, la performance des services, l’efficacité des interconnexions, ainsi que les perspectives d’évolution à dix ans de ces différents éléments. D’autre part, il prévoit que le conseil municipal et l’organe délibérant de l’intercommunalité se réunissent, après chaque renouvellement général et une fois publié le compte-rendu de la réunion de la CDCI, pour évoquer ces mêmes enjeux.
Intervention des départements : le spectre des "méga bassines"
Les députés du groupe LFI-NFP ont obtenu la suppression de l’article 4 qui visait à introduire de plus grandes facultés d’intervention des départements afin que ces derniers puissent exercer la maîtrise d’ouvrage de projets en matière de production, de transport et de stockage d’eau potable ou en matière d’approvisionnement en eau. "Cet article pourrait avoir un lien avec le développement d’ouvrages multi-usages (approvisionnement en eau potable et à usage agricole), que le département ne peut pas réaliser", ont-ils mis en avant.
"En l’état actuel du droit, les départements peuvent intervenir dans le domaine du grand cycle de l’eau, soulignent les auteurs de l’amendement. Ils peuvent agir pour assurer l’approvisionnement en eau brute (c’est-à-dire l’eau qui n'a subi aucun traitement), par exemple pour des travaux hydrauliques (prises d’eau, retenues d’eau brutes, canaux) en vue de l’irrigation ou de la production d’électricité́". "En revanche, poursuivent-ils, cette intervention ne peut concerner l’approvisionnement en eau potable, compétence exclusive du bloc communal (…) : en d'autres termes, l'intervention des départements n'est pas possible dans le cas d’ouvrages multi-usages (approvisionnement pour la consommation humaine et à usage agricole) !". "Les visées d'un tel article pourraient en réalité être le déploiement d'ouvrages multi-usages et donc de méga-bassines, que le Gouvernement soutient", en ont conclu les députés du groupe LFI-NFP.
Solidarité territoriale en cas de pénurie d'eau
Après l’article 4, la commission a voté deux amendements de Jean-Luc Warsmann. L’un permet d’organiser la solidarité territoriale en cas de pénurie d’eau dans une commune. Il prévoit que lorsque le service public d’eau potable d’une commune connaît pour la première fois en cinq ans une pénurie d’eau potable, le maire peut demander à une commune voisine qui connaît un excédent d’eau portable la mise à disposition d’une partie de cette eau au bénéfice de sa commune. La ressource en eau est fournie gratuitement par la commune excédentaire et la commune déficitaire finance son acheminement. La commune donatrice est exemptée de toute contribution sur l’eau faisant l’objet du transfert gratuit.
Assainissement non collectif : un dispositif de contrôle largement revu
L’autre amendement réforme en profondeur le dispositif de contrôle des installations d’assainissement non collectif : d’une part, il renforce la fréquence des contrôles sur les installations neuves qui nécessitent un entretien régulier en prévoyant que cette vérification ait lieu selon une périodicité allant de 5 à 10 ans ; d’autre part, il supprime les contrôles effectués sur les installations anciennes qui ne sont pas aux normes et qui ont toutes déjà fait l’objet d’un contrôle avant le 31 décembre 2012.
En revanche, il conserve les contrôles existants sur les installations d’assainissement non collectif qui font l’objet d’une vente immobilière, dans l’objectif de rendre effective la mise aux normes de ces installations.
L’amendement prévoit une entrée en vigueur différée au 1er janvier 2026 pour permettre aux Spanc de réaffecter les personnels qui s’occupent actuellement des contrôles qui seraient supprimés.
Le texte sera examiné en séance publique à partir du 11 mars, avant de faire l’objet d’une commission mixte paritaire (CMP).