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Commande publique - Fin des tarifs réglementés en matière d'énergie : quel montage juridique pour les nouveaux contrats ?

Les acheteurs publics doivent anticiper dès maintenant l'extinction progressive des tarifs réglementés de vente d'énergie. Le point sur les échéances à retenir et leurs conséquences pour les nouveaux contrats.

Depuis 2007, le marché de l'énergie s'est progressivement ouvert à la concurrence. Deux types d'offres coexistent en la matière : les tarifs réglementés de vente (TRV) fixés par les pouvoirs publics et proposés par les opérateurs historiques (EDF, GDF Suez et les entreprises locales de distribution) et les offres dites libres proposées par l'ensemble des fournisseurs. Dans un contexte croissant de libéralisation et sous l'impulsion de l'Union européenne, les tarifs réglementés de vente sont voués à disparaître progressivement.

Electricité, gaz : les échéances à venir

En matière d'électricité et au regard des dispositions des articles L.337-7 et suivants du Code de l'énergie, les consommateurs finals domestiques et non domestiques, tels que les personnes publiques, continueront à bénéficier des tarifs réglementés de vente lorsque leur consommation d'énergie sera inférieure à 36 kilovoltampères (kVA) et ce sans limitation dans le temps. Au-delà, à compter du 1er janvier 2016, il ne sera plus possible de bénéficier des tarifs réglementés.
En ce qui concerne le gaz, l'article L.445-4 du Code de l'énergie prévoit le maintien des tarifs réglementés de vente pour les consommateurs utilisant moins de 30.000 kilowattheures (kWh). La distinction entre les consommateurs domestiques et non domestiques n'est pas opérée.
En revanche, pour les consommateurs finals non domestiques dont la consommation de gaz dépasse plus de 30.000 kWh, le projet de loi sur la consommation, actuellement en cours de discussion, envisage la suppression progressive des tarifs réglementés. L'échéance est la suivante : pour les "gros consommateurs" non domestiques, raccordés au réseau de transport, à l'expiration d'un délai de trois mois à partir de la publication de la future loi relative à la consommation, les TRV ne s'appliqueront plus ; pour les consommateurs non domestiques, dont le niveau de consommation est supérieur à 200.000 kWh, les TRV continueront à s'appliquer jusqu'au 31 décembre 2014 au plus tard ; pour les consommateurs non domestiques dont le niveau de consommation excède 30.000 kWh, l'échéance est fixée au plus tard au 31 décembre 2015.

Lancer une procédure pour les nouveaux contrats

Dans ce contexte, il apparait urgent pour les acheteurs publics concernés par ces mesures d'anticiper la suppression progressive des tarifs réglementés de vente. Tout pouvoir adjudicateur concerné doit songer dès à présent au montage juridique des procédures d'achat d'énergie pour éviter de subir une interruption de fourniture de gaz au moment de la disparition des tarifs réglementés.
En effet, la suppression progressive de ces tarifs conduira nécessairement à la résiliation de plein droit des contrats existants aux tarifs réglementés et ce sans indemnité pour le fournisseur. Les acheteurs publics doivent donc dès à présent lancer une procédure, dans le respect de la règlementation en matière de commande publique, en vue de la passation de nouveaux contrats pour la fourniture d'énergies à prix de marché. Après mise en concurrence des différents fournisseurs sur le secteur (fournisseurs historiques et opérateurs alternatifs), l'offre la plus compétitive pourra être choisie par la personne publique. La liste des fournisseurs autorisés figure sur le site d'information des pouvoirs publics pour les consommateurs d'électricité et de gaz naturel www.energie-info.fr/pro.
Les marchés publics pour l'achat de gaz et d'électricité présentent des particularités liées à la nature même des fournitures commandées. Ainsi, la question de l'acheminement de l'énergie achetée doit être soulevée. Si les prestations liées à la fourniture d'énergie sont soumises à la concurrence, en revanche, celles relatives à l'acheminement demeurent sous monopole des gestionnaires de réseaux.

Achat groupé

Concernant la forme juridique de ce type de marchés, il est utile de rappeler que l'article 76 VIII du Code des marchés publics autorise les pouvoirs adjudicateurs à passer des marchés fractionnés pour l'achat d'énergie eu égard au caractère non stockable de certaines matières premières. Cet article prévoit notamment la possibilité de ne pas déterminer à l'avance "la quantité précise d'énergie" qui doit être fournie durant l'exécution du marché. "Cette quantité est constatée à l'issue de la période mentionnée dans le marché", prévoit l'article.
Enfin, une attention particulière doit être portée quant à la rédaction du cahier des charges des marchés d'achat d'énergie par la personne publique. La durée ou encore la question du prix de ces marchés doivent être encadrées de manière précise eu égard notamment à la variation du prix des matières premières, l'objet de ces marchés.
D'autres solutions existent pour les acheteurs publics qui peuvent soit organiser un groupement d'achat ou encore faire appel à l'Ugap pour leurs approvisionnements. La centrale d'achats publics, s'est récemment associée à l'UniHA, réseau coopératif d'achats regroupant plusieurs établissements hospitaliers et au ministère de la Défense, pour un achat public groupé de gaz naturel, le "plus gros appel d'offres public d'achat de gaz naturel jamais publié " selon l'Ugap (lire ci-contre notre article du 10 octobre 2013). Cette démarche qui permettrait aux acheteurs de réaliser d'importantes économies constitue un modèle précurseur pour les collectivités et les établissements publics concernés par la fin des tarifs réglementés et l'ouverture des marchés de l'énergie.

L'Apasp

Références : projet de loi n° 1357 modifié par le Sénat et déposé à l'Assemblée nationale le 16 septembre 2013 ; article 76 du Code des marchés publics.
 

La performance énergétique au cœur de l'actualité juridique des marchés publics
Les thématiques liées à l'énergie et à l'environnement sont toujours d'actualité. Dans une réponse ministérielle publiée au JO de l'Assemblée nationale le 14 janvier 2014, un député a souhaité connaître la position du ministre de l'Intérieur sur la mise en application des engagements pris dans cadre du Grenelle de l'environnement en matière de commande publique. Le ministre de l'Ecologie prend le soin de répondre à cette interrogation et rappelle l'importance de la performance énergétique ainsi que la nécessité pour les administrations publiques de réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Ces objectifs passent en particulier par l'achat public rappelle le ministre. En effet, les acheteurs publics sont encouragés à faire figurer dans leurs spécifications techniques et leurs critères d'attribution, l'impact environnemental d'un produit "pendant son utilisation" ainsi que "sur tout ou partie de son cycle de vie". La prise en compte de l'impact environnemental doit "être proportionnée à l'objet du marché (…) et être effectuée à partir de méthodes d'évaluation homogènes et vérifiables". Ces conditions d'utilisation du critère environnemental avaient été précisées pour la première fois dans un arrêt du Conseil d'Etat du 15 février 2013. Les modalités de mise en œuvre de ce critère doivent donc être déterminées de manière précise souligne le ministre.
L'Apasp

Références : question écrite n° 4715, réponse du ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie ; Conseil d'Etat, 15 février 2013, n°363921 .