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Avis d'expert - Fin des tarifs réglementés d'énergie pour les acheteurs publics : une offre transitoire reste-t-elle possible ?

La fin des tarifs réglementés, prévue pour les collectivités territoriales au 31 décembre 2014, suscite encore de nombreuses interrogations auprès des acheteurs publics. D'autant que la Commission de régulation de l'énergie a récemment estimé que le dispositif de l'offre par défaut ne s'applique pas aux collectivités soumises au Code des marchés publics. En l'absence de période transitoire, quelles solutions s'offrent aux acheteurs publics ? Jean-Marc Peyrical, président de l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) et avocat, livre ici son analyse.

Dans un contexte de disparition progressive des tarifs réglementés en matière d'achat d'énergie, les acheteurs publics doivent dès à présent anticiper cette échéance et songer au montage juridique de leurs procédures d'achat de gaz et d'électricité. La fin des tarifs réglementés, prévue pour les collectivités territoriales au 31 décembre 2014, suscite toutefois encore de nombreuses interrogations auprès des acheteurs publics. La loi sur la consommation du 17 mars 2014 (article 25 paragraphe III) prévoit en effet un dispositif transitoire proposé par les opérateurs dits historiques (GDF Suez, ELD…) et qui permettrait au consommateur de bénéficier d'un délai supplémentaire de six mois au-delà de l'échéance prévue. Cette mesure profite-t-elle également aux personnes publiques ? Les acheteurs publics peuvent-ils bénéficier de cette offre transitoire ?
Cette question a animé le débat au cours de la 166e session d'études organisée par l'Association pour l'achat dans les services publics (Apasp) sur les "achats d'énergies". En effet, le sujet est sensible puisque la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a considéré dans un communiqué de presse publié le 14 mai 2014 que "le dispositif de l'offre par défaut ne s'applique pas aux collectivités soumises au Code des marchés publics". Le ministre de l'Economie et des Finances, Arnaud Montebourg, a quant à lui évoqué un véritable "risque pénal" pour les acheteurs publics qui ne mettraient pas en concurrence les prestataires de fourniture de gaz et d'électricité. Le médiateur des marchés publics, Jean-Lou Blachier, a été saisi sur ce sujet par l'Apasp. Le président de l'Association, Jean-Marc Peyrical, présente ci-dessous son point de vue.

Que pensez-vous de cette période transitoire refusée aux acheteurs publics ?

Jean-Marc Peyrical : Cette question doit être traitée sous deux angles. Celui du contexte de la fin des tarifs réglementés tout d'abord. De nombreuses structures publiques ne sont à ce jour pas prêtes à lancer leurs marchés de fourniture de gaz sachant que le délai entre la parution de la loi en mars dernier et la date de fin de ces fameux tarifs réglementés, qui pour la grande majorité des collectivités territoriales est fixée au 31 décembre 2014, est particulièrement court.
D'un point de vue juridique, il est vrai que dans un souci de strict respect du droit, les collectivités publiques se doivent donc de respecter les règles du Code des marchés publics à compter du 1er janvier 2015 pour leurs achats de gaz naturel. Il est également vrai que le non-respect des procédures du code peut entraîner des contentieux sur le plan administratif mais aussi pénal. Sur ce point, je ne pense pas cependant qu'il soit très opportun d'agiter le chiffon rouge et de faire peser sur les acheteurs une nouvelle épée de Damoclès dont ils n'ont pas forcément besoin.

Quelles solutions préconiseriez-vous ?

Même si cela peut paraître caricatural, il faut évidemment éviter toute coupure de gaz en plein hiver dans des lieux publics comme les crèches, les écoles, les musées, les maisons de retraite, les hôpitaux….Sur le plan juridique peut-être faut-il s'inspirer de ce qui se pratique dans certains domaines comme les transports publics, la distribution de l'eau potable ou encore le ramassage des ordures ménagères. Pour différentes raisons, il arrive en effet que dans de tels domaines, les collectivités publiques soient en retard pour passer ou renouveler leurs marchés publics ou leurs conventions de délégation de service public. Dans ce cas, et cela est accepté par le juge, lesdites collectivités peuvent souscrire des conventions de prestations ou de gestion provisoire avec les titulaires de leurs contrats, le temps de mener à bien leurs nouvelles procédures. Ce type de convention est légitimé par la nécessité de préserver la continuité des prestations en cause et donc du service public. Une telle nécessité est particulièrement adaptée à la fourniture de gaz (et plus tard d'électricité), toute interruption même temporaire étant susceptible d'entraîner de graves préjudices pour les services publics et bien évidemment leurs usagers.

Vous croyez donc à une telle solution juridique ?

Je pense qu'elle est effectivement tout à fait défendable. Et surtout je ne vois pas beaucoup d'autres alternatives pour les collectivités qui ne seront pas prêtes à temps. Nous avons débattu de cette question particulièrement sensible lors de la session d'études de l'Apasp du 22 mai 2014 sur les achats d'énergies et j'ai saisi le médiateur des marchés publics, Jean-Lou Blachier, qui s'est proposé, en ouvrant cette manifestation, de se prononcer dessus voire d'intervenir auprès des pouvoirs publics afin de rassurer et de sécuriser les acheteurs publics.

L' Apasp

Références :  Guide pour la passation des marchés publics de fourniture de gaz naturel et de services associés, Apasp, Syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales, Février 2014. Communiqué de presse Commission de régulation de l'énergie (CRE) 14 mai 2014.