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Feux de forêt : les pistes d'un sénateur pour muscler la prévention et les moyens de lutte

Dans le cadre d'une mission de contrôle sur la lutte contre les feux de forêt et les moyens financiers qui y sont consacrés, dont le rapport a été présenté fin septembre en commission au Sénat, le rapporteur spécial du budget Jean Pierre Vogel (LR, Sarthe) invite à anticiper les nouveaux risques et à renforcer, en conséquence, le dispositif de prévention. Est-ce dans les cordes des collectivités exposées, même si cela sort de leur champ de compétence ? Dans quelle mesure sont-elles aidées ? Le sénateur formule aussi des recommandations pour garantir sur le plan national l'avenir des moyens d'intervention.

Après une série d'auditions et de déplacements, à Nîmes et Marseille, le sénateur de la Sarthe et rapporteur spécial des crédits du programme Sécurité civile, Jean Pierre Vogel, a présenté le 25 septembre les conclusions de son travail devant la commission des finances du Sénat.

Évaluer dans le brouillard

Son rapport d'information s'ouvre sur un chiffre vertigineux : un tiers des 17 millions d'hectares de forêts françaises est classé sensible au risque d'incendies. Et 15.000 hectares sont dévorés chaque année par les flammes. Ces feux se concentrent, sans surprise, dans les forêts de l'arc méditerranéen, de la Corse et du bassin aquitain. Nouvelle-Aquitaine, Midi-Pyrénées, Corse, Région Sud mais aussi Auvergne-Rhône-Alpes (avec l'Ardèche et la Drôme) sont les plus exposés. Si la France fait figure de bonne élève en comparaison avec d'autres pays européens - en vingt ans, la surface incendiée chaque année y a été divisée par deux -, il n'en reste pas moins que "la menace reste grande" et qu'il ne faut pas baisser la garde. Les grands incendies de 2003 et 2017 nous l'ont rappelé... Pertes humaines et dommages écologiques sont soulignés. Tout comme un angle mort du dispositif de défense des forêts contre les incendies (DFCI), l'évaluation financière, souvent déploré à la suite d'inspections. Jean Pierre Vogel propose à son tour de le corriger en créant "un outil d'évaluation économique des préjudices et dégâts causés ou susceptibles d'être causés". 

Approche globale, vigie aérienne

Revenant sur la politique de prévention, le rapporteur indique qu'elle repose sur la polyvalence - une diversité d'intervenants caractéristique de la sécurité civile mais dont l'éclatement complique le retracement des dépenses - et la subsidiarité. Ce second pilier présente des lacunes. Habitant des départements exposés, les propriétaires devraient débroussailler (obligation légale prévue par le code forestier) pour empêcher les départs de feux. Selon l'Entente pour la forêt méditerranéenne, 2.500 à 3.000 départs sont enregistrés en moyenne chaque année dans cette région. S'ils ne le font pas assez, c'est par "ignorance, mauvaise compréhension de la portée de cette obligation, causant parfois des conflits de voisinage" ou, ajoute ce rapport, par économie. Sur le sujet, les communes sont donc invitées à poursuivre leurs efforts de sensibilisation.

Assurée par l'ONF dans les forêts publiques, la mission DFCI mobilise près de 200 forestiers spécialisés pour un budget de 11,5 millions d'euros, avec un pic d'activité l'été et le déploiement de patrouilles pour contrôler le bon débroussaillement en zone dangereuse. D'autres services de l’État - Météo-France, les DDT installant des points d'eau, les préfets élaborant des plans de protection (PPFCI), etc. - forment les maillons de cette chaîne de prévention. Notons que ces PPFCI départementaux ou interdépartementaux définissent les actions de l'État et des collectivités en matière de prévention. Du côté de la surveillance, de la détection de feux naissants et de l'alerte, le rapport conseille de renforcer les patrouilles aériennes en mobilisant des pilotes adhérents d'aéroclubs (après évidemment une formation).

Collectivités, comment être subventionné ?

En lien avec les préfectures dans le cadre de ces PPFCI, "les départements et communes se sont progressivement investis dans la prévention des feux de forêts", observe ce rapport. Pourtant, cela ne relève d'aucune compétence obligatoire. Leur action facultative porte sur de l'aménagement, de l'équipement, de la surveillance. Les départements exposés font ainsi intervenir des agents du corps de forestiers-sapeurs, "dont le recrutement était autrefois subventionné par l'État" mais dont ils assument aujourd'hui seuls la gestion. La subvention perdure quand il s'agit d'aider un établissement public local coordonnant des actions de protection des forêts contre les incendies. Le rapporteur s'intéresse ainsi à l'Entente interdépartementale pour la forêt méditerranéenne de Valabre. Fédérant une trentaine de collectivités et une quinzaine de départements et leurs SDIS, elle bénéficie d'un modeste appui ministériel "correspondant à 8% de son budget".

Le rôle des maires est aussi documenté. Les comités communaux feux de forêts (CCFF) qu'ils peuvent impulser et animer autour de bénévoles - 10.000 sont aujourd'hui engagés auprès d'un CCFF - alimentent cette action préventive. Ces CCFF peuvent, en outre, être intégrés dans les réserves communales de sécurité civile (561 réserves en France). Hors Sdis, les dépenses engagées par les collectivités territoriales dans ces politiques de prévention atteignent la centaine de millions d'euros, dont quinze de subvention de l'État. Pour consolider cela, le rapporteur conseille d'engager un travail interministériel en lien avec les collectivités.

Des Sdis meilleurs investisseurs

Dans la suite du rapport, le sénateur se concentre sur l’avenir des moyens de lutte. La priorité donnée dans le modèle français à la détection et à "l’attaque des feux naissants" a fait ses preuves. Mais la mobilisation croissante des Sdis liée aux feux de forêts nourrit aussi une part d'inquiétude dans un contexte de stagnation de leurs ressources, alors que "leurs dépenses d'investissements se contractent, de près de 20 % entre 2008 et 2017 : "Une insuffisance des équipements des Sdis compromettrait l'efficacité de leurs opérations de lutte, d'autant plus au regard des perspectives inquiétantes liées au réchauffement climatique". Les difficultés des Sdis à retracer des coûts affectés à la lutte contre les incendies de forêts sont aussi relevées.

Pour les encourager à investir en équipements, le sénateur suggère la création d'une enveloppe de soutien à leurs projets (dans une dotation à partir des crédits du programme 161). Il revient aussi sur la flotte de 25 avions appartenant à l'État. Coût annuel : environ 86 millions d’euros. Pour éviter "tout risque de rupture capacitaire dans la réalisation du guet aérien armé", le sénateur recommande d'en accélérer l'acquisition, plus précisément la trajectoire de livraison. Enfin, la vigilance n'a selon lui pas lieu de décliner à mesure qu'on remonte dans le nord de la France. Dans les Sdis de la moitié nord du pays, une mise à niveau des équipements de lutte serait ainsi nécessaire.