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Plan de relance - FCTVA anticipé : les collectivités ont des stratégies très variées

Plus de 16.800 collectivités obtiendront en 2009 deux années de FCTVA. Et ce n'est pas fini. Comment font-elles pour - contrepartie exigée pour bénéficier de ce dispositif prévu par le plan de relance - accroître leurs investissements ? Pourquoi les autres y ont-elles renoncé ? La mesure est-elle vraiment intéressante ? Enquête.

Le versement accéléré du fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) constitue une "aubaine" pour la région Haute-Normandie, qui obtiendra dès cet été les 15 millions d'euros qui lui sont dus pour 2008 et bénéficiera ensuite du FCTVA l'année suivant la réalisation de ses investissements, à la place d'un délai de deux ans actuellement. "Nous ne faisons pas d'effort pour bénéficier de cette mesure du plan de relance", indique le directeur général des services du conseil régional, Jean-Pascal Cogez. Cette année, la poursuite du programme de renouvellement des matériels ferroviaires de la ligne Le Havre-Paris va en effet peser lourd dans le budget régional. De ce fait, les investissements atteignent un montant programmé de 378 millions d'euros. Avec un taux d'exécution des investissements qui d'ordinaire avoisine les 80%, la région est donc assurée d'atteindre l'objectif de dépenses (209 millions d'euros) qui conditionne son éligibilité à la mesure.
La ville de Périgueux bénéficiera elle aussi dès cette année de son attribution de FCTVA pour 2008, ce qui représente dans son cas 900.000 euros. Mais ici, les élus ont dû batailler pour y parvenir. Une partie des 11,4 millions d'euros d'investissements prévus pour cette année correspond à des investissements anticipés, identifiés dans le programme pluriannuel d'investissements. Les élus sont allés au maximum, compte tenu d'une dette déjà importante.
Par ailleurs, en discutant avec le préfet, ils ont obtenu une baisse de 500.000 euros du montant moyen de référence calculé par le Trésor public (moyenne des dépenses réelles d'investissement pour les années 2004-2007). Au final, celui-ci s'élève à 9,8 millions d'euros. "Diverses opérations et subventions d'équipement ont été déduites", explique le directeur général des services, Philippe Laporte.

 

Suivi régulier des travaux

Périgueux devra parvenir à un taux de réalisation de ses investissements de 86%. Cela devrait être possible : le chef-lieu de la Dordogne a fait mieux ces dernières années. Mais tout retard dans la mise en oeuvre des chantiers est interdit.
Conscients de cela, les élus ont privilégié pour 2009 des opérations d'investissement qu'ils étaient quasiment sûrs de voir réalisées dans l'année. Sécurité financière oblige, le DGS s'assure de leur état d'avancement en faisant régulièrement le point avec les services techniques. "Si un chantier a du retard, on peut ainsi en enclencher un autre", témoigne Philippe Laporte. Le directeur général des services compte en outre s'informer auprès du comptable de la date jusqu'à laquelle, en fin d'année, seront pris en compte les bordereaux de la mairie. "A ce moment-là, nous serons peut-être seulement à une centaine de milliers d'euros de nos objectifs", fait-il remarquer.
La prudence qui guide les élus périgourdins a incité leurs homologues de La Roche-sur-Yon, en Vendée, à ne pas déposer de dossier pour obtenir le FCTVA anticipé. Avec 25,5 millions d'euros d'investissements inscrits au budget 2009, la ville se situait à 1,5 million d'euros en dessous de son montant réel d'investissement pour 2004-2007 (27 millions d'euros). Mais le taux de réalisation des investissements des dernières années (73%) fixait en définitive la barre beaucoup trop haut. La municipalité attendra donc encore un an pour obtenir les 2,7 millions d'euros du FTCVA qui lui sont dus pour 2008. Et la mairie de relever qu'il est évidemment difficile d'accélérer les investissements "quand les opérations ne sont pas prêtes".
Ce qui était mission difficile à La Roche-sur-Yon était mission quasi-impossible à Strasbourg. "Nous aurions dû augmenter les impôts de 15% pour augmenter l'investissement et avoir droit au versement anticipé", assure Alain Fontanel, maire-adjoint chargé des finances. Outre le fait que ce n'était "pas souhaitable pour l'économie locale", cela aurait amené le maire Roland Ries à renier son engagement de ne pas augmenter les impôts au cours du mandat. Après la "surchauffe des investissements" que la capitale alsacienne a connue au cours des dernières années, l'équipe élue en mars 2008 entend en effet avant tout revenir à des niveaux d'investissements plus sages.
Le scénario est un peu le même au conseil général d'Indre-et-Loire. Il aurait dû consentir un effort supplémentaire d'au moins 4,8 millions d'euros pour obtenir dès 2009 les 8 millions d'euros du FCTVA de l'année 2008. "Le risque n'a pas été pris" compte tenu d'une part de l'endettement déjà fort de la collectivité et d'autre part de la dégradation prévisible de la situation financière liée au contexte économique et social.

 

"Avance de trésorerie"

Ces quelques collectivités ne semblent donc pas prêtes à prendre des risques inconsidérés pour toucher le FCTVA de 2008 avec un an d'avance. Il faut dire que si elles devaient ne pas remplir les objectifs fixés par la convention, la sanction serait lourde : elles n'auraient aucun euro de FCTVA en 2010.
Les édiles sont par ailleurs lucides sur l'intérêt que représente la mesure. A l'Association des maires de France, les élus de la commission des finances soulignent que le gouvernement propose simplement "une avance" sur une somme qui de toute façon doit revenir à la collectivité, témoigne une chargée de mission. "Les élus savent qu'il n'y a pas d'argent supplémentaire dans le circuit. Ils disent aussi que cette mesure ne va pas influencer leurs choix en matière d'investissement", ajoute-t-elle. Le son de cloche est à peu près le même en Haute-Normandie. "Nous ne prévoyons pas de hausse de l'activité du fait du versement anticipé du FCTVA", affirme Jean-Pascal Cogez, qui met plutôt en avant le plan de relance de 50 millions d'euros adopté par la région. A Strasbourg, Alain Fontanel n'est pas déçu. En ne déposant pas de dossier pour le versement anticipé des 7,5 millions de FCTVA escomptés au titre de 2008, la ville renonce à "une avance de trésorerie" dont le financement par une banque avoisine "seulement" les 300.000 euros.
Il n'empêche qu'au 5 mai, 16.811 collectivités avaient signé une convention avec le préfet pour l'obtention du FCTVA anticipé. Soit 38% des communes, près des trois quarts des départements et les deux tiers des régions. Ces engagements représentent un montant total d'investissement de 42 milliards d'euros en hausse de 50% par rapport au montant moyen des investissements réalisés entre 2004 et 2007 ! Pour le secrétaire d'Etat aux Collectivités territoriales, ces chiffres "montrent le succès de la mesure". Les collectivités, qui ont jusqu'au 15 mai pour signer une convention FCTVA, ont répondu présentes au-delà de ce qu'espérait le gouvernement. Mais à terme, ce succès ne sera pas sans poser des questions, selon l'Association des maires ruraux de France. Celle-ci met en avant la situation des communes qui ont réalisé des investissements importants ces dernières années et sont aujourd'hui "pénalisées" faute de pouvoir continuer à investir massivement. Les maires ruraux demandent par conséquent la réduction du délai de versement anticipé de deux ans à un an pour toutes les collectivités - et donc pas seulement pour celles qui augmentent leurs investissements en 2009.

 

Thomas Beurey / Projets publics

 

Finalement, les opérations individuelles n'ont pas à être listées

La circulaire du 11 février 2009 explicitant les modalités du versement anticipé du FCTVA indiquait que devait être jointe à la convention signée entre chaque collectivité et le préfet "la délibération de l'assemblée délibérante (...) ainsi que le programme prévisionnel des opérations à réaliser". Cette obligation de préciser les opérations individuelles à réaliser pouvait être perçue comme une entorse au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales, faisait craindre à un certain nombre d'élus locaux qu'un contrôle d'opportunité ne s'exerce sur le choix des opérations. Elle était par ailleurs en contradiction flagrante avec l'article 1 de la loi de finances rectificative voté le 29 janvier 2009, tel que l'a relevé Jacques Pélissard, le président de l'AMF. Par un courrier du 23 mars 2009, Michèle Alliot-Marie a rassuré les associations d'élus locaux, assurant qu'elle donnerait instruction aux préfets de ne pas tenir compte de cette disposition contenue dans la circulaire initiale.

Finances territoriales


 

 

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