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Face au manque d'engouement pour la 5G industrielle, le gouvernement revoit les redevances à la baisse

Prévention des brouillages, redevances pour expérimenter plus attractives, partage d’expérience… le gouvernement a mis en œuvre les principales recommandations de la mission 5G pour faire décoller la 5G industrielle. Avec des résultats encore modestes côté expérimentations.

Six mois après la remise des conclusions de la mission 5G, le gouvernement a voulu montrer, à l’occasion du colloque organisé le 12 octobre 2022 par la direction générale des entreprises (DGE), qu’il avait entendu les demandes des industriels.  La mission 5G avait pointé (voir notre article du 7 mars 2022) un manque de visibilité de l’écosystème 5G, un accès difficile aux fréquences et des incertitudes techniques pesant sur la bande des 26 GHz. Une bande "millimétrique" dont on espère des usages disruptifs, mais qui ne fait aujourd’hui l’objet que d’expérimentations. Les modalités d’attribution des fréquence, promises pour 2023, ne sont en effet toujours pas arbitrées.

Attirer des TPE

Parmi les incertitudes techniques, la question des brouillages serait résolue. Il s'avère que les radars météo sont positionnés sur des bandes proches des 26 GHz, les brouillages risquant de fausser les prévisions météo comme l'ont alerté des météorologues dès 2019. Aussi, "pour donner de la visibilité au acteurs" et éviter tout rétropédalage dû à des brouillages, l’Arcep a publié début septembre des règles pour que ces deux usages puissent coexister, adaptées aux sites existants comme futurs. Mais le principal point de blocage portait sur les tarifs pratiqués pour accéder aux fréquences dédiées aux expérimentations 26 GHz. La mission 5G l’avait explicitement dénoncé : "Le premier palier de redevances comprend les surfaces de 0 à 100 km2 pour un prix de 70.000 euros par an. La surface de 100 km2 est largement supérieure à la très grande majorité des installations industrielles. Le prix pour ce premier palier est prohibitif pour la plupart des industriels qui souhaitent mener aujourd’hui des expérimentations, visant justement à tester le modèle économique encore incertain qu’ils pourraient tirer des usages de la 5G". Une nouvelle grille tarifaire a été annoncée, objet d’une consultation publique d’un mois. Le projet de décret prévoit un premier pallier, visant les PME, permettant de couvrir 0,3 km2 pour un tarif limité à 1.200 euros par an.

Partager le bilan des expérimentations

Côté expérimentations, ce n’est toujours pas la bousculade. L’Arcep dénombre une trentaine de projets sur la bande des 3,5 GHz et sur la bande 26 GHz. Parmi les projets multithématiques listés par l’Arcep, neuf portent sur l’industrie du futur, cinq sur les territoires intelligents, quatre sur la mobilité connectée et cinq sur la télémédecine. Les régions Hauts-de-France, Centre-Val de Loire et Paca ne comptent pour le moment aucune plateforme d’expérimentation, celles-ci étant concentrées sur l’Île-de-France, les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Sud. Le partage autour du bilan des expérimentations – les premières ont débuté en 2021 – reste par ailleurs insuffisant. C’est la raison pour laquelle le gouvernement a annoncé la "structuration d’un réseau de plateformes d’expérimentation" avec la création de "club thématiques". Le catalogue recensant les plateformes 5G locales indiquera par ailleurs les conditions d’accès aux infrastructures pour que d’autres sociétés, au-delà des grands groupes, puissent venir s’y greffer.

Qui aura accès aux fréquences 26 GHz ?

Selon Philippe Herbert, auteur du rapport de la mission 5G, "les deux tiers de nos recommandations ont été mises en œuvre". La France ne serait "ni en avance ni en retard" ; la maturité des usages industriels à l’échelle mondiale n’étant "pas attendue avant 2024". Néanmoins, plusieurs sujets restent sur la table, à commencer par celui du manque de compétences 5G. Par ailleurs peu de petites entreprises et start-up montrent un appétit pour la 5G : il faut espérer que la diminution du montant des licences suffira à créer l’engouement. Enfin, un des points durs des modalités d’allocation des fréquences 26GHz n’est pas tranché : on ne sait toujours pas si elles seront réservées aux seuls opérateurs mobiles (comme pour la bande des 3,5 GHz) ou si les industriels "verticaux" voire des collectivités seront éligibles. Sur la question de l’empreinte écologique de la 5G, enfin, les incertitudes demeurent. "La 5G contribue à la réduction de la consommation d’énergie", affirme Philippe Hébert en citant une étude américaine évoquant une réduction de la facture de l’ordre de 30% par rapport aux technologies mobiles actuelles. Mais en omettant de dire qu’il faudrait que les autres technologies (2G, 3G, 4G, Lora…) soient éteintes pour que cette promesse soit pleinement tenue.

  • Le Réseau radio du futur des services de secours utilisera la 5G

Le ministère de l’Intérieur s’est engagé dans un vaste chantier de modernisation et d’unification des réseaux utilisés par la police, le Samu et les pompiers. Ces services utilisent pour le moment des réseaux de type Tetra, Tetrapol mis en place dans les années 90, avec une limitation des débits qui pèse sur les usages. Le ministère de l’Intérieur vient de révéler les lauréats du Réseau radio du futur (RRF), objet d’un investissement de l’État de plus de 900 millions d’euros. Airbus, Capgemini, Orange et Bouygues Telecom, entre autres, vont fournir un réseau et une plateforme ultrasécurisée basée sur les technologies 4G puis 5G. Les services de sécurité et de secours devraient gagner des fonctionnalités supplémentaires depuis leur lieu d’intervention comme les appels vidéo, le partage de position ou la transmission de données de santé, etc. Les premières briques du RRF doivent être livrées pour les Jeux olympiques de 2024.