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Tourisme - Exposition universelle : l'abandon de la candidature française surprend les collectivités, et pas seulement en Ile-de-France

Le Premier ministre a décidé de retirer la candidature de la France à l'Exposition universelle 2025, doutant de la "solidité du dispositif" et notamment de son équilibre économique. Les déçus ne sont pas seulement franciliens. Le comité de candidature n'entend pas en rester là et imagine déjà une "exposition en réseau, une expo d'une nouvelle génération qui ne dépendra pas forcément d'un seul site et des arbitrages de l'Etat".

"J'ai décidé de ne pas donner suite à la candidature de la France à l'Exposition universelle, qui sera retirée" : c'est par un courrier, révélé le 20 janvier par le Journal du Dimanche, qu'Edouard Philippe a fait part à Pascal Lamy, le délégué interministériel chargé du dossier, de l'abandon de la candidature française à l'Exposition universelle de 2025. Le Premier ministre a également informé les différents élus engagés, dont Jean-Christophe Fromantin - le maire de Neuilly et président du comité de candidature -, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo (qui avait demandé à François Hollande de renoncer à la candidature française pour ne pas faire d'ombre à celle des JO). Seules demeurent désormais trois candidatures - Bakou (Azerbaïdjan), Iekaterinbourg (Russie) et Osaka (Japon). La décision du Bureau international des expositions (BIE) sera connue en novembre 2018.

Pas de réponse aux engagements demandés en septembre

La principale raison avancée par Edouard Philippe est que le comité d'organisation Expo France 2025 n'a pas fourni les engagements demandés par l'Etat lors du dépôt de la candidature en septembre dernier sur la "solidité du dispositif opérationnel proposé par la France". Constatant que "la poursuite de cette candidature ne saurait prospérer sans le recours à une garantie publique", le Premier ministre estime dès lors impossible de repenser le projet dans "le délai qui nous sépare de la visite de la commission d'enquête du BIE", programmée pour la mi-mars.
Le courrier pointe également plusieurs faiblesses du projet. La principale concerne son équilibre économique, exposé à une "marge d'aléas [qui] ne permet pas d'absorber certaines hypothèses de fréquentation défavorables". Expo France 2025 tablait en effet sur une fourchette - très large - de 35 millions à 65 millions de visiteurs pour l'hypothèse haute. Mais la précédente exposition universelle, organisée à Milan en 2015, n'a accueilli "que" vingt millions de visiteurs (dans une ville qui, il est vrai, n'a pas la notoriété touristique de Paris). Une fréquentation de cet ordre se traduirait par des recettes propres passant de 1,3 milliard d'euros à 455 millions, pour un coût prévisionnel de 3,5 milliards d'euros. L'Etat n'entend pas assumer ce risque, d'autant plus que, selon Edouard Philippe, "l'association n'a pas établi qu'il existe des acteurs prêts à s'exposer significativement au risque commercial de l'exposition".

"Un projet porté par les territoires depuis sept ans"

La décision du Premier ministre a surpris les élus impliqués dans le projet, d'autant plus qu'elle est rendue publique au lendemain de la réunion du comité interministériel du tourisme qui a retenu plusieurs mesures ambitieuses pour atteindre l'objectif des cent millions de visiteurs étrangers à l'horizon 2020 (voir notre article ci-dessous du 19 janvier 2018). Jean-Christophe Fromantin déclare dans un Tweet : "Je ne me retrouve pas dans cette France qui renonce, qui recule ou qui s'excuse". Pour Luc Carvounas, vice-président du comité d'organisation et député du Val-de-Marne, "alors que nous pouvions, après le rugby en 2023 et les JO en 2024, recevoir le monde avec l'Expo universelle en 2025, cette décision est incompréhensible. C'est triste que le Premier ministre décide seul d'annuler un projet porté par les territoires depuis sept ans !".
Tout en reconnaissant savoir "qu'il y avait des doutes sur le modèle économique", Valérie Pécresse s'est dite "déçue" et "surprise" de la décision, qu'elle juge "soudaine et précipitée". La présidente du conseil régional d'Ile-de-France "ne voudrait pas qu'après la décision sur Notre-Dame-des-Landes, après cette décision sur l'exposition universelle, l'Etat recule sur tous les grands projets d'investissements structurant le pays". Une allusion qui vise directement le projet de la ligne 18 du métro, qui doit relier Saclay à Orly et aurait été "sanctuarisé" par l'Exposition universelle.
Un projet essentiel pour l'Essonne qui, avant l'abandon de la candidature française, avait déjà eu à faire face, en décembre 2016, au renoncement au projet de grand stade de rugby à Ris-Orangis, porté jusqu'alors par la Fédération française de rugby. François Durovray, président du conseil départemental de l'Essonne, regrette la décision d'abandon, alors que "l'Exposition universelle de 2025 était l'occasion de montrer que la France est de retour sur la scène internationale".

Le Premier ministre avait été clair

Pourtant, lors du dépôt de la candidature française, en septembre dernier, Edouard Philippe avait clairement posé des conditions dans deux courriers des 28 septembre et 9 octobre adressés à Jean-Christophe Fromantin et Pascal Lamy : "Si vous n'apportez pas la preuve, d'ici la fin de l'année, que votre projet est financé, y compris dans la durée, l'Etat ne pourra pas vous suivre". Le Premier ministre avait alors demandé un dossier complet sur le montage de l'événement, ainsi que la neutralisation des risques pour l'Etat".
Même si la raison n'est pas officiellement avancée, le fait d'avoir obtenu coup sur coup la Coupe du monde de Rugby de 2023 et les JO de 2014 - sans même compter la Ryder Cup de golf cette année (à Saint-Nom-la-Bretèche) - augurait mal d'une décision positive pour l'Exposition universelle.
Enfin, les incertitudes croissantes - notamment après le récent rapport de la Cour des comptes (voir notre article ci-dessous du 18 janvier 2018) - sur les surcoûts du Grand Paris Express et sur la faisabilité du calendrier à l'échéance des JO ont incité le gouvernement à ne pas prendre le risque d'une nouvelle dérive des coûts ou d'investissements non financés par le secteur privé et les recettes propres.

Fin de partie pour les "villes satellites" ?

Les collectivités concernées par ce retrait de la candidature française, à commencer par la capitale et les communes du plateau de Saclay (Essonne), ne sont pas seulement franciliennes. En effet, dans le cadre du statut de "villes satellites", plusieurs collectivités en régions avaient prévu de se rattacher à l'événement. Par exemple, les agglomérations de Vannes et Lorient, soutenues par le conseil départemental du Morbihan, développaient un projet de forum sur les océans et les îles, inscrit dans le thème général du projet d'exposition, consacré au développement durable. Pour François Goulard, président du conseil départemental, il s'agissait en l'occurrence d'"une belle opportunité tant en termes d'image internationale, que d'impact touristique mais aussi de possibilité, grâce aux financements propres de l'Exposition universelle, d'accélération de la réalisation de grands équipements dont notre territoire a besoin".

Le Havre, Rouen, Tours, Le Mans, Bordeaux, Dijon, Lyon...

De même, Hervé Morin, président de la région Normandie, Frédéric Sanchez, président de la métropole Rouen Normandie, et Luc Lemonnier, président de l'agglomération du Havre, avaient annoncé en septembre dernier, lors du dépôt de la candidature, travailler sur un projet consistant à "donner à voir la vallée de la Seine à l'occasion de l'Exposition universelle", avec pour ambition de "proposer l'itinérance comme projet, le fleuve et les hommes comme découverte, une ville multipolaire, prolongement maritime naturel du Grand Paris, qui esquisse la métropole équilibrée du XXIe siècle".
Pour leur part, les villes de Tours et du Mans comptaient également bénéficier d'un statut de ville satellite de l'Exposition universelle, la première sur le thème de "Tours, capitale des jardins de la France", la seconde sous la bannière "Le Mans dans la course", pour mettre en avant les compétences locales en matière de mobilités et d'acoustique. De même, Bordeaux, Dijon et le Grand Lyon devaient accueillir trois forums thématiques sur "l'expérience gastronomique française".

"On va continuer l'aventure dans une version plus audacieuse"

Lors d'une conférence de presse lundi 22 janvier, le comité de candidature a montré qu'il n'entendait pas en rester là. Christophe Fromantin a longuement détaillé "le modèle économique et juridique construit depuis des mois", en réponse à ses "faiblesses structurelles" avancées par le Premier ministre. Réaffirmant que "l'argent public n'était pas engagé", les organisateurs ont étudié plusieurs hypothèses dont celle de 33 millions de visiteurs à 34 euros le billet, soit 1,1 milliard d'euros de recettes, auxquels s'ajoutent "23 milliards d'euros de retombées économiques, 0,5 point de croissance et plus de 130.000 emplois durables qui étaient attendus".
Les membres du comité de candidature s'apprêtent à demander un rendez-vous avec le président de la République Emmanuel Macron. "Nous avons le devoir de porter l'ambition" exprimée pendant sept ans par les entreprises, les territoires, les jeunes, a déclaré Christophe Fromentin.
"On va continuer l'aventure dans une version plus audacieuse", a-t-il poursuivi en évoquant une "exposition en réseau, une expo d'une nouvelle génération qui ne dépendra pas forcément d'un seul site et des arbitrages de l'Etat".
 

 

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