Exposition des riverains aux pesticides : le Conseil d’État envoie un nouveau coup de semonce au gouvernement
Le gouvernement ne dispose que d’un bref délai de deux mois pour augmenter les distances minimales d’épandage des pesticides autour des habitations pour les substances dont la toxicité n’est que suspectée, au terme d’une nouvelle décision rendue par le Conseil d’État le 22 décembre dernier.
C’est une nouvelle victoire enregistrée par un collectif d’ONG* dans le feuilleton juridique qui l’oppose à l’État, depuis plusieurs années, sur la question de la protection des riverains face aux épandages de pesticides. Par sa décision du 22 décembre 2022, le Conseil d’État vient de renvoyer le gouvernement dans les cordes, en l’enjoignant de prendre les mesures propres à fixer des distances de sécurité suffisantes pour les produits qui ne sont que "suspectés" d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2), et ce dans un délai de deux mois, sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Il y a un an et demi, le collectif d’ONG avait déjà obtenu gain de cause devant la Haute Juridiction (voir notre article du 27 juillet 2021), contraignant le gouvernement à revoir sa copie entre autres sur ce sujet des distances minimales d’épandage des produits de type CMR2, dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ne prévoit aucune distance de sécurité spécifique.
Gravité de l’inexécution en termes de santé publique
Par ce nouveau recours - auquel est joint le recours de l'association Collectif des maires anti-pesticides, dont l’objet est similaire -, les huit organisations ne demandaient ni plus ni moins que l’exécution de cette précédente décision de la juridiction administrative. Les textes modificatifs pris pour répondre aux griefs du Conseil d'État - un décret et un arrêté du 25 janvier 2022 (voir notre article du 27 janvier 2022) - sont effet restés muets sur le cas particulier des CMR 2. Une clause de revoyure a été fixée à octobre 2022 pour ceux dont l’autorisation ne comprend pas encore de distance de sécurité spécifique. Le gouvernement a donc demandé à l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) d’accélérer la mise à jour des autorisations des produits concernés pour y intégrer les distances de sécurité ad hoc. Et indiqué, par ailleurs, qu’à partir du 1er octobre 2022, les distances d'épandages seraient par défaut de dix mètres pour les produits classés CMR 2 n'ayant pas fait l'objet d'une demande spécifique. Force est de constater que la démarche gouvernementale ne convainc pas le Conseil d’État. D’autant qu’il insiste particulièrement dans sa décision sur la "gravité des conséquences" de ce défaut partiel d’exécution "en termes de santé publique" et de "l’urgence particulière qui en découle". Le collectif d’ONG s’est félicité de ce nouveau "camouflet" pour l’État, rappelant également le combat mené en parallèle au sujet des chartes d’engagements "trop peu protectrices des riverains" à leurs yeux. Les organisations attendent à présent du gouvernement qu’il "réouvre vraiment ce dossier pour prendre les mesures qui s’imposent, et ce urgemment", c’est-à-dire avant la prochaine campagne d’épandages au printemps.
(*) L’association Générations futures, l'association France Nature Environnement, l'UFC - Que choisir, l’association Collectif vigilance OGM et pesticides 16, l'Union syndicale Solidaires, l'association Eau et rivières de Bretagne, l'association Alerte des médecins sur les pesticides (AMLP) et l'association Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest sous le n°462352 de requête ; ainsi que l'association Collectif des maires anti-pesticides sous le n°462362.