Exposition des riverains aux pesticides : les chartes d'engagements objet d’une flopée de recours
Un collectif de sept ONG, dont la prolifique Générations futures, vient de déposer une première salve de 43 recours contentieux à l’encontre des chartes départementales, dites de "bon voisinage", censées protéger les populations exposées aux pesticides. Plusieurs "irrégularités" entacheraient encore ces chartes, malgré le processus de mise en conformité aux nouvelles exigences réglementaires engagé ces derniers mois.
"Du contenu des chartes au processus d’élaboration et de 'concertation' en passant par la consultation publique tout est à revoir pour faire en sorte que les populations exposées aux pesticides soient réellement protégées des dangers des pesticides !", fulminait Générations futures, en septembre dernier, en conclusion d’un état des lieux réalisé sur ces chartes dites de "bon voisinage" rédigées par les chambres d’agriculture (voir notre article du 15 septembre). Il n’est donc guère étonnant que l’association ait diligenté - aux côtés de six autres organisations, dont l’UFC-Que Choisir, plusieurs antennes de France nature environnement (FNE) et le Collectif des Victimes des pesticides de l’Ouest - de nouveaux recours contentieux (43 au total) devant les tribunaux administratifs des départements concernés, comme elle l’a annoncé ce 13 décembre, faute de suites données aux recours gracieux déposés dans un premier temps en direction des préfets.
Il y a un an et demi, le collectif d’ONG avait obtenu gain de cause devant le Conseil d’Etat (voir notre article du 27 juillet 2021), contraignant le gouvernement à revoir sa copie. Suite à la publication des nouveaux textes réglementaires (décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 et arrêté), les préfets et organisations représentatives disposaient d’un délai maximum de six mois (jusqu’au 26 juillet 2022 en théorie) pour mettre à jour lesdites chartes, en y incluant en particulier des modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalablement à l’utilisation des pesticides.
Un processus de révision des chartes pas satisfaisant
Malgré des délais "largement écoulés", seuls 62 départements disposent d’une charte approuvée par le préfet et 20 départements sont toujours "sans aucune information", relève en préambule le collectif. Et surtout "plusieurs points récurrents" dans l’ensemble des chartes sont par ailleurs "entachés d’irrégularités", soulève-t-il. Un grand nombre de chartes révisées prévoient ainsi de réduire les distances minimales d’épandage à proximité des habitations, déjà jugées "ridiculement faibles" par le collectif, si l’agriculteur estime que l’habitation est "peu souvent occupée" ou si des herbicides sont épandus sur cultures hautes avec des pulvérisateurs à rampes. Une autre mesure figurant dans les chartes pose également problème, selon les ONG requérantes, celle relative à l’information préalable des riverains, pourtant censée répondre aux griefs du Conseil d’État. Là encore "aucune avancée significative", déplore le collectif, qui relève que dans la plupart des chartes elle se limite "à une information générique sur le site Internet des chambres d’agriculture". S'y ajoute un dispositif individuel reposant sur l’appréciation de chaque agriculteur, et dont l’exemple mis en avant est celui de l’utilisation d’un gyrophare "concomitamment" à la pulvérisation. Autrement dit, "rien de contraignant" et "rien non plus qui soit suffisamment informatif". D’autres arguments pourraient faire l’objet de compléments dans de futurs recours supplémentaires, tels que "l’organisation de procédure de consultation du public dans le cadre de l’adoption des chartes en lieu et place de la procédure de concertation du public prévue par la loi" ou "l’inégalité de ‘protection’ des citoyens face à leur exposition à des substances dangereuses", précise le collectif. Ce dernier n'entend pas s'arrêter là, et plusieurs autres recours devraient donc s’ajouter à la liste au fur et à mesure du processus de validation des chartes révisées.
Dans l’attente de nouveaux textes nationaux "réellement protecteurs" qu'il appelle de ses voeux, le collectif d’ONG souhaite que localement, les chartes "soient revues". Pour mettre de l’eau à son moulin, Générations futures, l’une des associations requérantes, a publié fin novembre, un nouveau rapport dans lequel elle met à jour de nombreuses failles inquiétantes dans la modélisation des évaluations censées protéger les riverains des risques liés à une exposition aux pesticides.