Exposition des riverains aux pesticides : Générations futures remet en cause la fiabilité de l’évaluation des risques

Dans un nouveau rapport, dévoilé ce 22 novembre, Générations futures met à jour de nombreuses failles inquiétantes dans la modélisation des évaluations censées protéger les riverains des risques liés à une exposition aux pesticides. 

Les distances de sécurité - les fameuses zones de non traitement (ZNT) - pour réduire l’exposition des riverains aux pesticides pulvérisés en agriculture sont à nouveau questionnées dans un rapport, dévoilé ce 22 novembre, par Générations futures. Dans une analyse détaillée, l’ONG met cette fois à l’épreuve les évaluations de risque de l’exposition des riverains et du danger des substances "pas suffisamment protectrices", selon elle. Leur rôle est pourtant majeur dans l’établissement des distances de sécurité entre les parcelles traitées et les zones d’habitation. Lorsqu’un produit est mis sur le marché, il fait, depuis 2016, l’objet d’une évaluation de risque, réalisée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), suivant les lignes directrices de l’agence européenne EFSA, qui définit la distance de sécurité (3, 5 et 10 mètres) qui doit s’appliquer pour garantir la sécurité de son usage. En l’absence de distance spécifique du produit concerné, ce qui est majoritairement le cas à ce jour, les dispositions nationales s’appliquent (à savoir 20 mètres pour les substances préoccupantes, 10 et 5, voire 3 mètres pour les autres, y compris les CMR2 classés cancérigènes). En réponse à l'injonction du Conseil d’Etat du 26 juillet 2021, le gouvernement a toutefois revu sa copie en exigeant d’ici le 1er octobre 2022 la réalisation d’évaluations pour tous les produits CMR2 (à défaut de quoi la distance de 10 mètres s’appliquera). Les ZNT mises en place suite à ces évaluations seront très vraisemblablement "plus petites que celles prévues par les dispositions nationales", s’inquiète Génération futures, critiquant ainsi la minimisation fondée sur "le risque acceptable" au détriment des plus vulnérables. 

Un risque sous-estimé et déconnecté des situations réelles 

Pour l’ONG, ces évaluations de risque comportent "de nombreuses failles et incertitudes", tant au niveau de l’estimation de l’exposition qu’au niveau de l’évaluation des dangers. Une partie des produits (poudrage, semences traitées) en est d'ailleurs écartée. Certaines voies d’exposition importantes ne sont ainsi pas prises en compte, comme l’inhalation de poussières contaminées ou la voie orale avec la possibilité de consommer des fruits et légumes du jardin contaminés par la dérive. Les études utilisées dans le modèle sont "anciennes, peu nombreuses, et les valeurs 'pire cas' retrouvées dans ces études ne sont pas utilisées", relève également le rapport. Une seule étude de 1987 sert par exemple d’appui pour évaluer l’exposition de riverains à proximité des cultures dites hautes (vignes et vergers).
Les durées d’exposition ou les conditions météorologiques considérées dans le modèle sous-estiment en outre les expositions réelles, remarque l’ONG, prenant l’exemple du vent. Le modèle évalue l’exposition pour une vitesse de vent de 10 km/h alors que dans les conditions réelles, les épandages peuvent avoir lieu jusqu’à 19 km/h. Les caractéristiques physiques des personnes exposées selon le modèle, et en particulier leur poids, sont "erronées", ajoute le document, et conduisent là encore à sous-estimer l’exposition des personnes les plus vulnérables, comme les bébés de moins de 1 an, les adolescents et les femmes. Données incomplètes, occultation de l'effet cocktail et des coformulants présents dans le produit sont aussi pointés par le rapport s’agissant d’évaluer les dangers des substances. 

"Utiliser un paramètre plutôt qu’un autre peut paraître quelque chose d’anodin lorsque le modèle en compte plusieurs dizaines. Pourtant, c’est bien à ce niveau que le résultat de l’évaluation du risque, et donc l’autorisation du produit, se joue", insiste le porte-parole de Générations futures, François Veillerette. Les riverains se retrouvent donc au milieu "d’un jeu ping-pong" entre l’Europe (EFSA) qui se dégage de toute responsabilité et s’en remet aux autorités sanitaires (Anses) pour le choix des distances de sécurité, déplore-t-il. 

Sur la base de ce rapport, l’ONG, qui vient de saisir officiellement l’Anses ainsi que la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE), espère des avancées en matière de distance de sécurité, et a minima pour les produits classés CMR2 et/ou classés pour leur toxicité chronique. Elle réclame aussi l’interdiction des épandages lorsque le vent est supérieur à 10 km/h (contre 19 km/h actuellement) et réitère ses  préconisations sur l’information des riverains (envoi systématique de SMS, panneaux aux abords des champs...).