Distances d’épandage des pesticides : les textes sont parus mais la polémique perdure
Présentés en réponse à une injonction du Conseil d’État de mieux protéger la population à proximité des zones d’épandages des pesticides, les textes réglementaires modificatifs - un décret et un arrêté - publiés ce 26 janvier font déjà l’objet d’un nouveau recours contentieux.
Deux textes - un décret et un arrêté -, parus ce 26 janvier, rectifient la réglementation en vigueur relative à la protection de la population à proximité des zones d’épandages des pesticides suivant la demande du Conseil d’État. Par sa décision du 26 juillet 2021, la Haute Juridiction avait en effet partiellement annulé le décret et l’arrêté interministériel édictés fin 2019, laissant six mois au gouvernement pour revoir sa copie. Les textes modificatifs qui viennent tout juste d’être publiés correspondent aux versions soumises à la consultation publique début janvier (voir notre article du 3 janvier 2022). Pour répondre aux griefs du Conseil d’État, le décret consolide en particulier la procédure d’élaboration et d’approbation des chartes départementales, noeud dur du dispositif. De plus, il prévoit que ces chartes devront nécessairement inclure les modalités d'information des résidents et des personnes présentes préalablement à l’utilisation des pesticides. Les préfets et organisations représentatives disposent à présent d’un délai maximum de six mois pour mettre à jour lesdites chartes.
L’arrêté complète quant à lui le périmètre des personnes protégées en prévoyant des zones de non traitement pour les lieux accueillant des travailleurs présents de façon régulière à proximité de ces traitements. On notera l’ajout d’une disposition transitoire dans l’arrêté prévoyant que les distances de sécurité ne s’appliquent aux parcelles déjà ensemencées à la date de sa publication qu’à compter du "1er juillet 2022".
Cas spécifique des produits de type CMR2
Pour les produits classés comme suspectés d’être cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction (CMR 2), le Conseil d’État avait requis une augmentation des distances de non-traitement. Force est de constater que le gouvernement se range toujours derrière une approche fondée sur l’évaluation scientifique produit par produit sous l’égide de l’Anses - approche soutenue par le principal syndicat agricole, la FNSEA - avec une clause de revoyure fixée en octobre 2022. Les produits concernés sont ceux dont l’autorisation de mise sur le marché (AMM) ne comprend pas encore de distances de sécurité spécifique. Par conséquent, le gouvernement a demandé à l’Anses d’accélérer la mise à jour des autorisations des produits concernés pour y intégrer les distances de sécurité ad hoc. De 100 à 200 produits pourraient être amenés à demander cette actualisation, selon les estimations de l’Agence. À partir d'octobre 2022, les distances d'épandages seront par défaut de dix mètres pour les produits classés CMR2 n'ayant pas fait l'objet d'une demande spécifique.
Avec ce statu quo, "le gouvernement joue la montre en adoptant des règlementations ne respectant pas les injonctions du Conseil d’Etat", s’indigne Agir pour l’environnement. Ces textes réglementaires sont "à nouveau entachés d’une illégalité évidente", souligne le communiqué, conduisant l’ONG à saisir le Conseil d’État dans le cadre d’une procédure d’urgence en référé suspension pour "obtenir la condamnation de l’Etat et forcer le gouvernement à enfin adopter de véritables mesures de protection des riverains".
Références : décret n° 2022-62 du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d’habitation ; arrêté du 25 janvier 2022 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime, JO du 26 janvier 2022, textes n°14 et 15. |