Terre crue et paille dans les nouvelles écoles de Rosny-sous-Bois (93)

Pour innover afin de faire face aux effets du changement climatique, et contribuer à sa réduction, Rosny-sous-Bois n’hésite pas à sortir des sentiers balisés. Et ce, y compris en matière de bâtiments accueillant du public. Après l’école maternelle des Boutours en 2017, le centre de loisirs Chirac en 2020, l'école primaire Simone Veil en 2021, conçus de façon bioclimatique et avec des matériaux écologiques (structure bois, isolation paille, finitions terre crue), la commune s’illustre à nouveau avec le projet Mermoz. 

L’ensemble Mermoz comprend un centre de loisirs d’une surface de 1 800 mètres carrés ouvert en février 2024, un pôle de restauration et d’une école maternelle pour une surface totale de 3 600 m². L’école compte neuf classes, un dortoir, un préau chauffé, une bibliothèque et les bureaux de l’administration, afin d’accueillir 250 enfants et leurs enseignants. La structure des bâtiments, et, pour partie, le parement extérieur, ont été réalisés en bois de provenance locale, du châtaignier. Pour l’isolation des murs et des toits, le projet Mermoz fait la part belle aux matériaux biosourcés, essentiellement sous forme de paille de blé. Ces petites bottes standards de 37 centimètres par 47 sont issues de l’agriculture biologique. La paille est un isolant à faible énergie grise puisque non transformé et d’origine francilienne. Grâce à son fort pouvoir de déphasage, elle s’avère très efficace, en hiver aussi bien qu’en cas de forte chaleur.

Tel un laboratoire de recherche

Auparavant, le bâtiment d’accueil de loisirs Chirac, livré en 2020, faisait apparaître une autre singularité en matière d’utilisation de la paille : mise en œuvre en tant que matériau porteur pour les murs périphériques, elle offre l’avantage de limiter le recours au bois, en plus d’être davantage disponible en filière courte. Or, cette technique n’est pas reconnue comme technique courante (donc sans Document technique unifié) et ne bénéficie donc pas d’emblée de la garantie décennale. Mais grâce aux compétences de sa Direction recherche et innovation, Rosny-sous-Bois peut expérimenter en toute sécurité dans le cadre légal de la commande publique : « nous sommes constitués en équipe de maîtrise d’œuvre avec des ingénieurs structure, fluide, des architectes », explicite ainsi Charlotte Picard. Tel un laboratoire de recherche, son équipe produit et valide des prototypes avant de les mettre en application dans ses projets.

Des murs porteurs en terre crue

Pour l’école maternelle Mermoz, la Direction recherche et innovation a ainsi testé des murs porteurs en terre crue qui ont ensuite été mis en œuvre dans le chantier : « nous travaillons avec un bureau de contrôle qui ne craint pas de sortir des sentiers battus », précise l’architecte. Pour ce démonstrateur de terre crue, le projet Mermoz a reçu un soutien de la région Île-de-France. Ce soutien s’inscrit dans le cadre du dispositif régional Construire au futur, Habiter le Futur, lauréat de l’appel à projets Territoires d’innovation lancé fin 2018 par la Banque des territoires pour le compte de l’État, au titre du Programme d’investissements d’avenir. Le dispositif vise notamment à « optimiser l’innovation en matière d’adaptation au changement climatique et de réduction des matériaux entrants et sortants dans l’habitat », souligne Gwenaëlle Costa Le Vaillant, directrice Numérique, Innovation et Smart Région à la région Île-de-France. La terre disponible à Rosny-sous-Bois étant trop argileuse et parfois polluée, les briques de terre crue ont été achetées à Cycle terre, à Sevran, qui valorise des terres d’excavation. Les murs, d’une épaisseur de dix centimètres, sont composés de deux premiers rangs de briques de terre stabilisée avec un liant hydraulique, puis de briques uniquement en terre. Le tout est recouvert d’un enduit terre. « Deux murs porteurs de ce type ont été montés dans la maternelle, et d’autres briques de terre crue ont été maçonnées en contre-cloison, en doublage intérieur des murs extérieurs en paille. L’ensemble des éléments en terre crue va conférer de l’inertie au bâtiment, donc freiner le transfert de chaleur, et contribuer à la régulation hygrothermique de l’air intérieur, détaille Charlotte Picard. Grâce à cette enveloppe, et à la ventilation naturelle, les bâtiments réagissent très bien aux canicules, à tel point que certains parents, lorsqu’ils viennent chercher leurs enfants, pensent que les locaux sont climatisés ! »

Quid de l’approvisionnement en matériaux et de l’accès aux entreprises, lorsque l’on s’aventure comme ici dans des techniques encore minoritaires ? « L’Île-de-France n’étant pas une terre d’écoconstruction, il reste difficile de trouver les entreprises dotées du savoir-faire adéquat, mais on accepte que des artisans se forment sur le chantier et on les aide à trouver des co-traitants ou sous-traitants qui savent faire, répond la directrice adjointe. L’achat de paille n’a pas été compliqué, car la région est céréalière. Quant au bois, les forêts locales sont majoritairement composées de feuillus, nous avons donc utilisé du chêne et du châtaignier massif mais leurs filières ne sont pas orientées vers la construction. Il faut alors anticiper : nous avons orienté la description du marché vers le bois de feuillu, et le charpentier cherche ça. »