Renaissance de la filière chapelière en vallée de l'Aude (11)
Dans la haute vallée de l'Aude, MontCapel a relancé la fabrication de chapeaux « made in Occitanie ». Cette société coopérative a été accompagnée par la mairie du village de Montazels : la commune a mis à disposition des chapeliers un ancien site de production, dont elle est propriétaire.
C'est la dernière usine française capable de fabriquer un chapeau de A à Z, de la transformation de la laine en feutre, jusqu’au produit fini. Héritière d'une tradition ancestrale, elle a pourtant bien failli disparaître. Au printemps 2018, Chapeaux de France, dernière représentante de l’industrie de la chapellerie, qui a fait vivre pendant deux siècles la haute vallée de l'Aude, met la clé sous la porte. Installée à Montazels, l’usine employait 500 à 600 personnes dans les années 1950/60 quand la COFIC, basée à Montazels et la SOFREFA, basée à Esperaza, fusionnent pour donner naissance à la SOFIC. Dernière et unique chapellerie de la Vallée, l’usine ne compte plus, en 2018, que neuf ouvriers - qui partent à la retraite ou sont licenciés.
Déjà propriétaire des murs, la commune a bien cherché des repreneurs, mais en vain, explique son maire Christophe Cuxac. « Jusqu’à ce que Sonia Mielke, une franco-irlandaise qui a passé toutes ses vacances, enfant, dans le village, chez ses grands-parents, apprenne que le site allait disparaître et trouve impensable qu’un savoir-faire historique, unique en France, meure comme ça. » Autour d’elle, les bonnes volontés se fédèrent.
« L'idée de créer une coopérative émerge. En septembre 2019, la Société coopérative d'intérêt collectif MontCapel est créée par sept personnes pour relancer l'activité, cinq anciens salariés, des anciens ouvriers, ayant accepté de reprendre le travail, se remémore Philippe Durand, cofondateur de la Société coopérative d'intérêt collectif (SCIC). Une renaissance rendue possible grâce au soutien de la commune, qui met alors à disposition de la SCIC l’ensemble des espaces, des équipements et des archives, et participe au capital de Montcapel. »
Plus de 300 sociétaires
« Les gens ont vite adhéré au projet. D’autant que la structuration en coopérative donnait sens à un investissement au service d’un collectif. Particuliers, entreprises, collectivités… Dès 2021, les 200 premiers sociétaires de la SCIC avaient récolté 376 900 euros pour le redémarrage de la production », souligne Christophe Cuxac. Aujourd’hui, MontCapel compte plus de 300 sociétaires, dont plusieurs collectivités, comme la communauté de communes du Limouxin et les communes voisines de Montazels : Saint-Hilaire, Couiza ou Alet-les-Bains.
Après plus d'un an consacré à remettre en route et à sécuriser les machines centenaires, la production a pu redémarrer. L’équipe compte aujourd'hui 11 salariés, dont des jeunes formés par les anciens. « La richesse de MontCapel, c’est sa production, et ses savoir-faire humains uniques. Parmi les salariés, nous comptons ainsi la dernière personne en France qui maîtrise l’enroulage des bandes de laine cardée pour former une cloche, explique Philippe Durand. Pour donner forme à ses feutres de laine, MontCapel pioche dans sa vaste collection de moules en aluminium, la plus grande de France, riche d’environ 1 500 modèles. »
Revitalisation territoriale
Le modèle économique de Montcapel est certes encore fragile, mais le potentiel économique est là. La SCIC a choisi de fabriquer du feutre de laine haut de gamme, à partir, pour l’essentiel, de laine mérinos d’Arles. Elle vend ses cloches à des maisons de luxe et à des modistes ; fournit en chapeaux de petites maisons de mode et bientôt l’armée ; enfin, elle vend aussi en direct ses productions.
En 2022, elle a réalisé près de 300 000 euros de chiffre d'affaires – doublant son chiffre de 2021. En raison de l’inflation et de commandes espérées non-concrétisées, l’année 2023 a été plus difficile. Mais les chapeliers espèrent atteindre les 420 000 euros de chiffre d'affaires en 2024 et être à l'équilibre en 2025.
« Notre principal défi aujourd’hui, c’est la formation des plus jeunes. Après, il nous faut trouver de nouveaux clients. Et dans le futur, nous aimerions nous doter d’une deuxième ligne de production », explique Philippe Durand.
« Montcapel a de l’avenir et a permis de revitaliser un territoire fragilisé », commente Christophe Cuxac. La création de la SCIC a, « déjà, produit une dynamique culturelle », la chapellerie accueillant concerts, expositions, etc. Son site, vétuste, a cependant besoin d’être réhabilité et valorisé. Outre le projet d’une installation sur le toit de l’usine de panneaux photovoltaïques, la municipalité porte aussi un projet pluriculturel, adossé à la chapellerie, qui associe la création d'un lieu de mémoire de la Retirada, car l'usine a servi de camp d'internement des réfugiés espagnols en 1939-1940. A ce lieu s’ajouterait un espace associatif, d’un espace de coworking… « On pense aussi résidences pour modistes et créateurs », ajoute Philippe Durand. Sans compter les opportunités touristiques – le nombre de visiteurs de la chapellerie ne cesse d’ailleurs de croître.
Les dates clés du renouveau de MontCapel
- 2019 : création de la SCIC MontCapel avec 7 personnes
- 2020 : la région Occitanie soutient financièrement le projet, notamment via un appel à manifestation d’intérêt Reconquête de friches, dont la commune de Montazels a été lauréate
- 2021 : les quelque 200 premiers sociétaires de la SCIC (parmi lesquels la mairie de Montazels) ont rassemblé 376 900 euros. Plus de 150 000 euros seront investis pour réparer les machines. De nouveaux sociétaires ont, depuis, rejoint l'aventure, dont plusieurs collectivités : la communauté de communes du Limouxin a pris 15 000 euros de parts sociales, soit 1 500 parts, et des communes voisines de Montazels comme Saint-Hilaire, Couiza ou Alet-les-Bains.
- 2022 : la SCIC MontCapel réalise près de 300 000 euros de chiffre d'affaires -le double de ce qu'elle avait réalisé en 2021. Après une année 2023 plus difficile, elle espère pour 2024 atteindre 420 000 euros de chiffre d'affaires, et être à l'équilibre dès cette année ou en 2025.
Chiffrés clés
- Plus de 4 500 m2 de bâtiment : propriétaire des murs, la municipalité de Montazels a mis à disposition de la SCIC l’ensemble des espaces, des équipements et des archives.
- 30 000 euros : investissement de la mairie, en apport en nature de machines, afin que la production de chapeaux puisse redémarrer.
Commune de Montazels
Nombre d'habitants :
Christophe Cuxac
Chapellerie MontCapel
Philippe Durand
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