Le Pays de Langres livre la restauration collective et développe l’agriculture de proximité (52)
Pour aider les producteurs locaux à vendre en circuits courts, le PETR Pays de Langres a mis en place courant 2023 un service d’approvisionnement de la restauration collective. Si le modèle économique du service reste incertain, l’expérimentation est riche d’enseignement pour le PETR, qui se lance désormais dans la structuration de filières agricoles nouvelles.
Aux portes de Dijon, les trois communautés de communes du Pays de Langres forment un territoire rural très étendu, avec moins de 20 habitants au km². « Notre enjeu est de maintenir et développer des activités économiques à partir des ressources locales. C’est l’entrée par laquelle a émergé le projet alimentaire territorial » introduit Sophie Sidibé, directrice du Pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) du Pays de Langres.
En 2017, le sujet de l’alimentation était complètement nouveau pour le PETR du Pays de Langres. C’est d’abord le risque de délocalisation d’une fromagerie industrielle qui a interpellé les élus. Au moment de construire le futur projet de territoire à 10 ans, une orientation nouvelle apparaît pour le développement économique : valoriser les ressources locales, et notamment agricoles. « Il y a encore quelques années, le développement économique était surtout pensé de façon exogène, avec l’espoir d’accueillir une grosse entreprise de l’extérieur », rappelle la directrice.
Rapprocher offre et demande en restauration collective
Les trois communautés de communes du PETR, soit 168 communes, ont toutes la compétence scolaire. L’approvisionnement en produits locaux pour confectionner les menus des maternelles et primaires des 25 cantines est donc identifié comme le levier stratégique du projet alimentaire territorial (PAT). « La principale filière agricole est la polyculture élevage, qui commercialise en circuits longs. Revenir à une filière courte demande une tout autre organisation. Nous avons donc imaginé un service de collecte auprès des producteurs pour livrer les cuisines de restauration collective » explique Sophie Sidibé. Un premier groupe de travail se constitue en 2021 avec des élus et des personnes-ressources, chefs de cuisine et producteurs.
Un test est organisé sur deux jours pour évaluer le travail de recueil des commandes, de collecte des produits et de livraison. Il montre le besoin d’une étude plus poussée. Le PETR missionne un prestataire qui l’aide à identifier un modèle économique et à établir un cahier des charges. Une consultation est ainsi lancée début 2023 afin d’organiser une filière logistique d’ensemble entre producteurs locaux et cuisines de restauration collective. « Nous visions une gamme diversifiée de produits et nous avions fait du sourcing pour identifier les prestataires. Mais seule une structure d’insertion locale, la Régie rurale, s’est positionnée sur les filières maraîchage, fruits et épicerie sèche BIO. » La Régie rurale voit là l’opportunité de renforcer son pôle maraîchage, qui produit des fruits et légumes bios vendus sous forme de paniers hebdomadaires et sur des marchés.
Le groupe de travail se renouvelle et intègre la Régie rurale et l’association de producteurs maraîchers Plato’Bio. Le PETR passe une convention de prestation de service avec la Régie rurale de juin 2023 à octobre 2024. Cette période de 17 mois est calée sur le financement obtenu via le Plan de relance, qui finance 70 % du budget de l’expérimentation. Le reste est financé par le PETR et les recettes du service, baptisé « O’Local ». La Régie rurale recrute une personne pour coordonner le service et prospecter toutes les restaurations collectives, publiques et privées, dès juin 2023. Le service mobilise plusieurs personnes pour 1 équivalent temps plein, entre coordination, préparation de commande, collecte et livraison.
La plateforme Agrilocal 52 au cœur du dispositif
Agrilocal est un outil national, décliné par département, pour la mise en relation entre agriculteurs et acheteurs publics de la restauration collective. Les restaurations collectives passent commande via Agrilocal 52, puis les producteurs organisent la livraison avec la Régie rurale. « Le travail du coordinateur de la Régie rurale est aussi de sensibiliser les chefs de cuisine à l’utilisation de cet outil, poursuit Sophie Sidibé. On a intérêt à ce que toutes les parties l’utilisent. Sinon, c’est très difficile pour les agriculteurs d’entrer dans un circuit de commande publique. » L’articulation entre la plateforme Agrilocal 52 le service de livraison est favorable pour tous. « Ce sont les acteurs les plus ancrés dans le territoire qui utilisent le mieux le service de livraison, par exemple l’association la Maison de Courcelles qui fournit les écoles ou encore l’auberge Le Goût des autres, portée par un atelier chantier d'insertion. »
Le bilan des 6 premiers mois fait état de 8 000 kilomètres parcourus et huit tonnes de produits acheminées entre 15 producteurs et 15 établissements publics et privés. Il met en évidence un déficit de l’offre en maraîchage, fruits et épicerie sèche. Enfin, le modèle économique reste incertain. « Début 2024, le prestataire nous a déjà alertés sur le fait que le service ne trouvera pas l’équilibre économique en octobre. Sur la première période, les recettes financent 3 % du budget. On peut espérer monter à 10 %. Au-delà, les élus devront acter du devenir du service », analyse la directrice.
Un effet levier sur d’autres projets
Le PETR du Pays de Langres constate aussi que le service de livraison produit d’autres effets positifs pour le territoire, en favorisant le développement de projets complémentaires. La Régie rurale a vu l’opportunité de s’équiper d’une chambre froide pour stocker les produits et d’un espace de préparation de commande qui améliore les conditions de travail de ses employés. La connaissance des besoins de la restauration collective aide l’association Plato’Bio à définir collectivement des plans de culture pour élargir et répartir la gamme entre producteurs. « L’association vise à se transformer en coopérative ou autre statut pour agir comme grossiste. Franchir ce pas permettrait de satisfaire toutes les commandes de la restauration collective », espère Sophie Sidibé. L’étape suivante serait le montage d’une légumerie, pour livrer des légumes prêts à cuisiner.
Soutien à la création d’activités agricoles
Cette première expérience amène le PETR à affiner la stratégie du PAT. « Au départ, notre sujet n’était pas l’offre agricole mais la restauration collective. Nous avons constaté qu’il n’était pas possible de mettre en place un service de livraison multiproduits. Nous allons maintenant travailler filière par filière pour développer la production. » Déjà amorcée par l’organisation des marchés d’été depuis quelques années, soutenue par le nouveau service de livraison, la filière locale de maraîchage bio se construit petit à petit. Il y a aujourd’hui cinq nouveaux maraîchers bios sur le territoire, contre un seul six ans plus tôt. En fruits, un agriculteur a entamé une diversification pour produire des pommes. Pour les produits carnés, le PETR du Pays de Langres ne porte pas d’action spécifique. Un projet d’abattoir multi-espèces, porté par le conseil départemental de la Haute-Marne et la chambre d’agriculture, va aboutir courant 2024. La Scic (société coopérative d’intérêt collectif) concessionnaire de l’abattoir, Coop Viandes de Haute-Marne, organiserait la logistique de la filière viande sur le département.
Montage financier du service de livraison
La convention de 17 mois entre le PETR du Pays de Langres et la Régie rurale comprend :
- Un financement forfaitaire de 26 350 euros pour la coordination du service.
- Un financement variable de 1,11 €/km, limité à 27 750 euros
De son côté, la Régie rurale facture 0,20 €/kg au producteur et reverse cette somme au PETR du Pays de Langres.
Pôle d’équilibre territorial et rural Pays de Langres
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Voir aussi
Pour aller plus loin
- Projet alimentaire territorial du Pays de Langres
- La structure d’insertion Régie rurale porte le service de livraison O’Local
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