Le marché bio de Billère fait place au débat citoyen (64)

À Billère, chaque mercredi et samedi matin, une petite quarantaine de producteurs et commerçants bio déploient leurs étals sous la halle moderne bardée de bois local. Depuis fin 2021, les consommateurs peuvent aussi profiter, après leurs achats, de miniconférences gratuites proposées par l'association du marché. Parmi la quinzaine de rencontres déjà organisées, des thèmes variés : « Écologie/Économie : je t'aime moi non plus », « Hydrogène, hydrogène, est-ce que j'ai une gueule d'hydrogène ? », « Enquête glyphosate : un sport de combat »... Des sujets de débat sérieux sur l'alimentation, l'environnement, l'écologie... derrière des titres créatifs qui attirent le chaland !

Retour dans le temps, printemps 2019 : la mairie de Pau lance de gros travaux sur la place où se tient depuis près de 40 ans le marché bio. La ville souhaite réaménager la halle du marché pour accueillir une salle consacrée au spectacle vivant. L'association du marché bio se tourne alors vers la commune voisine de Billère. « Nous étions en train de restructurer notre cœur de ville avec la création d'une place au bord d'une voie passante. Accueillir le marché bio était une opportunité pour l'animer et nous avons proposé de l'héberger sous une nouvelle halle couverte, » explique Frédérick Mazodier, adjoint délégué au suivi des marchés. « La mairie de Billère a littéralement sauvé le marché bio et nous a associés à la conception de cette halle : on ne pouvait pas rêver partenariat plus exceptionnel », s'enthousiasme Henri Dharinger, membre du conseil d'administration de l’association du marché bio.

Un marché associatif pas comme les autres

Ce marché a un fonctionnement original : il fédère exposants et consommateurs en association qui revendique l'autogestion. « Nous voulions pouvoir choisir les exposants pour assurer un équilibre qui permette à chacun un certain chiffre d’affaires et garantisse un état d'esprit partagé. À Billère, nous avons trouvé le lieu pour mettre en pratique cette idée », poursuit l'administrateur de l'association. « Ici, l'association prélève les droits de place de ses adhérents installés dans la halle, avant de nous les reverser. Nous nous chargeons de récolter ceux des autres vendeurs non alimentaires installés sur le parvis extérieur, choisis en cohérence avec l'esprit du marché », explique l'adjoint municipal. Hors période de marché, la halle est libérée des étals stockés dans un local sur place, pour pouvoir accueillir d'autres activités : Associations pour le maintien d'une agriculture paysanne (Amap), Locavor, vide-grenier…

« Avec ce projet, on s'est dit que l'objectif n'était pas seulement de déménager des cageots », souligne Jean-Paul Boileau, adhérent de l'association et initiateur des conférences du marché. 

Mi-2020, l'association commence à réfléchir à un format de mini-conférences, qui se tiendraient en fin de marché à 11 h 30 pour capter le chaland, « l'informer, acquérir des connaissances sur un sujet, afin qu’il puisse mieux exercer son rôle de citoyen ». « À la mairie, nous avons tout de suite dit oui à ce temps d'échange original, souligne l'adjoint municipal. Nous avons alors mis à disposition une salle associative à deux pas du marché ».En octobre 2020, la première conférence a lieu : elle commence par définir les termes du débat sur le thème « Greenwashing, mon amour ».

30 à 90 participants par conférence

En trois ans et demi, une quinzaine de mini-conférences ont été proposées, mobilisant 30 à 90 participants par date. « On reste sur un format court : 20-30 minutes d'exposé, 30 minutes de débat, et on termine par un pot convivial. » Sociologues, chimistes ou économistes sont intervenus bénévolement, dont plusieurs enseignants-chercheurs de l'université de Pau et des Pays de l'Adour. « Désormais, les propositions de conférenciers et de sujets viennent à nous, se réjouissent les initiateurs du projet. On rencontre l'intervenant un mois et demi avant la conférence, pour baliser le sujet. Dix jours avant la conférence, on communique via notre site internet et via la distribution de tracts sur le marché. »

« Ces conférences donnent le temps de présenter les enjeux et les contours d'un sujet ; les temps politiques ne le permettent que rarement, souligne l'adjoint au maire. Et c'est tout à fait dans l'esprit d'une université populaire, projet que le maire aimerait voir advenir sur la commune. » Pour les organisateurs, le seul regret est pour l'instant « d'y voir surtout des têtes blanches, alors que le marché a des clients variés. » Avec la qualité de ces conférences, l'association est régulièrement invitée à élargir son audience ou à aller chercher des personnalités nationales. « Nous avons encore de belles ressources locales et avec 300 participants, ce ne serait plus un lieu d'écoute et de rencontre, soulignent les deux membres de l'association. Pour être un lieu d'éducation populaire, qui pousse le citoyen à s'impliquer dans la vie locale, on préfère rester petits pour l'instant ! » Mais nul doute que la rencontre de ces deux dynamiques - municipale et associative – partageant un même état d'esprit, pourrait bien faire advenir des nouveautés dans les prochaines années !