Gynécobus : une dynamique territoriale pour la santé des femmes (83)

En Provence, sages-femmes et gynécologues vont à la rencontre des femmes pour les intégrer dans un parcours de soins, souvent négligé, et miser sur la prévention, mésestimée. L'initiative, née de la volonté d'une sage-femme en exercice libéral, a puisé dans les ressources de tous les acteurs du territoire : élus, professionnels de santé, institutions. Une autre réponse aux problèmes de démographie médicale. 

Réduire les inégalités d'accès au dépistage et à la prévention en gynécologie (mammographie, frottis…), accompagner et ramener les femmes vers un suivi régulier, offrir une solution accessible et gratuite à la jeunesse : tels sont les objectifs du Gynécobus, premier cabinet mobile spécialisé dans la santé des femmes. Si sa spécialité est originale, son fonctionnement est assez courant. Quatre jours sur sept, depuis le 6 septembre 2022, le bus se déplace dans des communes où il stationne, le plus souvent à proximité d'une mairie ou d'une salle municipale. Les rendez-vous sont pris sur doctolib ou à l'accueil de l'hôpital de Brignoles, auquel il est rattaché. 

Un « pool de navigants » constitué de professionnels du territoire

16 sages-femmes et 20 médecins gynécologues assurent, en binôme, par rotation, les consultations. Ce sont soit des praticiens hospitaliers, mis à disposition par des hôpitaux du Var ou du département voisin des Bouches-du-Rhône, soit des libéraux. Tous en activité, hormis deux retraités. « Certains viennent une journée tous les deux mois, d'autres deux fois par mois, chacun fait selon les disponibilités et envies, explique Laure Fabre, la sage-femme à l'origine de ce projet. C'est l'une des forces de ce dispositif où chacun est volontaire et veille à ne pas déstabiliser d'autres systèmes, mais où tous ensemble, nous parvenons à optimiser des ressources médicales sur un territoire avec une faible densité. » Un équilibre subtil, reconnaît Laure Fabre. Chaque acteur a accepté de jouer sa partition, en complémentarité des autres. « Le Covid nous a retardés dans le projet, mais finalement, cela nous a aidés en nous forçant à mûrir un peu plus la réflexion et communiquer davantage », estime la sage-femme.

D'un diagnostic santé/social à l'idée d'un cabinet itinérant

L'histoire démarre en 2018. Exerçant en libéral sur Rians, la ville centre de la communauté de communes de Provence Verdon, Laure Fabre voit des femmes « qui n'avaient pas consulté depuis dix ans ». « Comment imaginer que des femmes, qui plus est en situation de vulnérabilité, s'engagent dans un parcours de prévention sans consultation de gynécologie à proximité ? » interpelle la sage-femme. Convaincue de l'urgence de mettre en place un dispositif « plus musclé en promotion et prévention de la santé », elle commence à en parler à l'occasion de quelques rencontres qui s'avéreront décisives. D'abord en étant invitée à participer au diagnostic santé/social, mené par la communauté de communes Provence Verdon. Là, elle rencontre des élus, et commence à réfléchir avec eux aux dispositifs possibles. Très vite, l'idée d'un bus proposant des consultations de gynécologie s'impose. 

Président de la communauté de communes Verdon Provence, Hervé Philibert se souvient avoir été « séduit par le projet ». « Mais je n'en avais pas saisi la portée. C'est en en parlant autour de moi que j'ai réalisé à quel point les questions posées par cette jeune femme étaient de vrais problèmes pour nombre de femmes. » Il décide de la soutenir comme il le peut, « en ouvrant des portes ». « Ils ont su être à l'écoute, ils ont compris le projet, ce qui n'était pas évident à l'époque, nous étions avant le Covid. Et ils se sont mobilisés pour me faire rencontrer des élus, un député, et lever les bons leviers. Cela a été déterminant », assure Laure Fabre. Ce que la sage-femme ne dit pas, mais que le président de l'EPCI souligne, c'est qu'il lui a fallu « une ténacité et une volonté d'acier pour mener à terme ce projet, forcément long et compliqué à faire avancer… » confie-t-il, admiratif.

Un large périmètre et l’hôpital en support

L'agence régionale de santé (ARS) a su saisir les enjeux et participer à l'ingénierie du projet. Elle a ainsi « suggéré » d'étendre le périmètre de circulation du bus à deux EPCI plutôt que la seule communauté de communes Provence Verdon, dans une logique d'optimisation des moyens. Cela a nécessité de prendre le temps de convaincre davantage de communes, « mais cela valait le coup », estime la sage-femme. 

C'est aussi l'ARS qui a recommandé que le Gynécobus devienne un service du centre hospitalier Jean Marcel de Brignoles (situé sur l'agglomération de Provence Verte). « Cela a du sens car le Gynécobus s'inscrit dans le cadre de l'action sanitaire publique, et les patientes bénéficient de la même prise en charge qu'à l'hôpital, avec une facturation à la sécurité sociale et aux mutuelles, et donc sans avance de frais », complète Laure Fabre. 

En moyenne, 15 à 20 personnes sont reçues chaque jour. Le Gynécobus se rend dans 42 communes, soit la quasi-totalité des communes de deux EPCI réunis, la communauté de communes Provence Verdon (15 communes) et l'agglomération Provence Verte (28 communes, 99 760 habitants). D'où son nom de « Gynécobus Provence Verte Verdon ». D'autres communes pourraient d'ailleurs le rejoindre dans quelques mois. 

Des questions de société

Un seul village, d'une centaine d'habitants, a refusé que le bus stationne sur sa commune, « mais il est convenu qu'on puisse s'y déplacer dès qu'ils nous le demanderont », précise Laure Fabre. Pour elle, c'est un autre aspect non négligeable d'un tel dispositif : le Gynécobus devient un révélateur de besoins sanitaires et sociaux. Une autre forme de vigie territoriale…

Ce Gynécobus bouscule aussi des tabous, en mettant sur la place publique la question de la santé intime des femmes. En levant les freins, physique, psychologique et financier. Et en posant cette question : la gynécologie doit-elle rester pudique ? Réservée aux femmes ? Ou au contraire s'installer sur la place publique ? Les communes du Verdon ont commencé à y répondre, positivement ! 

Un financement partenarial

Neuf partenaires ont participé au financement du projet qui a coûté 302 000 euros. La plus grosse contribution vient de l'agence régionale de santé, avec 92 000 euros. L'État a versé 50 000 euros, au titre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté. La préfecture a apporté 18 000 euros, au titre du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). 21 104,25 euros de fonds européens et régionaux (Leader et Gal) ont complété le tour de table, auquel ont également participé les collectivités : la région Sud PACA, avec 47 396 euros, la communauté d'agglomération Provence Verte, avec 33 000 euros, la communauté de communes Provence Verdon, avec 30 000 euros, le conseil départemental du Var, avec 6 000 euros. Enfin, la MSA a apporté 4 500 euros.

Communauté de communes Provence Verdon

Nombre d'habitants :

22272

Nombre de communes :

15
Avenue de la Foux
83670 Varages

Hervé Philibert

Président

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