Transports-Habitat - Examen au Sénat de la proposition de loi "visant à garantir la mixité sociale aux abords des gares du Grand Paris Express"
Dans le cadre d'une niche parlementaire réservée au groupe CRC, le Sénat examine à partir de ce 27 octobre une proposition de loi défendue par Christian Favier, sénateur du Val-de-Marne, "visant à garantir la mixité sociale aux abords des gares du Grand Paris Express". Le texte, qui ne comporte qu'un article, propose que dans un périmètre de 400 mètres autour des nouvelles gares du futur métro automatique Grand Paris Express (GPE), toute opération nouvelle de construction d'immeubles collectifs de plus de 12 logements ou de plus de 800 m2 de surface plancher comprenne au moins 30% de logements locatifs sociaux, hors logement financé dans le cadre d'un prêt locatif social.
Cette proposition de loi est née d'un double constat, a expliqué Christian Favier lors d'une conférence de presse le 25 octobre. "D'une part, la création d'un réseau exceptionnel de métro, qui se traduit par la construction de 200 km supplémentaires d'ici 2030 - le double du réseau actuel - et de 68 gares. D'autre part, une crise grave du logement en Ile-de-France, région où l'on compte plus de 600.000 demandeurs de logements sociaux alors que, chaque année, 80.000 logements sociaux sont attribués."
Dans les villes concernées par l'arrivée du GPE, des plans locaux d'urbanisme (PLU) ont été revus et les élus ont commencé à élaborer des projets de logement, de développement économique, d'équipements publics. "Des promoteurs ont déjà engagé des campagnes de communication sur des programmes en mettant en avant la proximité du Grand Paris Express, a noté le sénateur du Val-de-Marne. Pour nous, la période est propice pour fixer les règles du jeu".
Paradoxe à gauche
Les sénateurs CRC craignent en effet que la perspective de l'arrivée de ce nouveau mode de transport rapide entraîne un renchérissement du coût du foncier dans les secteurs les plus accessibles, autour des gares, avec un nouveau risque d'exclusion des populations les plus modestes alors que ce sont elles qui ont le plus besoin de la proximité des moyens de transport.
"Il serait paradoxal que la construction d'un réseau destiné à faciliter le transport des personnes en recherche d'emploi et des salariés modestes provoque leur éloignement", a souligné Christian Favier lors de la présentation du texte devant la commission des affaires économiques du Sénat le 19 octobre. "Ce phénomène a déjà été constaté en Ile-de-France : des Parisiens ou des habitants de la première couronne qui veulent accéder à la propriété sont contraints de s'installer en Seine-et-Marne, voire au-delà, pour y trouver un foncier moins élevé. J'ajoute que le Grand Paris Express est payé par tous les Franciliens, qui acquittent, dans leurs impôts locaux, une taxe spéciale d'équipement. Il serait paradoxal que les plus modestes paient pour un réseau de transport dont ils ne pourront pas bénéficier et, finalement, soient contraints de s'éloigner encore de Paris quand l'idée était de les en rapprocher. Il y a là un véritable enjeu social."
Les objectifs figurant dans la proposition de loi s'inscrivent dans ceux du schéma directeur de la région Ile-de-France (Sdrif), a encore souligné Christian Favier, à savoir la construction de 70.000 logements par an dont 30% de logements sociaux. "Nous n'aggravons rien pour les sites très au-delà de cette proportion, au contraire, puisque, mécaniquement, 70% des logements ne seront pas sociaux - je rappelle que dix-huit sites comptent moins de 20% de logements sociaux, a poursuivi le sénateur. Et même dans les zones comptant 80% de logements sociaux, il reste des demandeurs, à Aulnay ou ailleurs, dont certains ne peuvent prétendre qu'à du logement social."
Effet contraire à droite
Le texte a été rejeté lors de son examen en commission, à majorité de droite. Pour la rapporteure, Sophie Primas (LR, Yvelines), "le dispositif proposé est très contraignant. Très proche de celui qui est prévu pour les communes carencées en application de la loi SRU, il en diffère sur deux aspects. D'une part, il ne distingue pas les périmètres situés dans les communes carencées des autres. De fait, il conduit à appliquer partout des dispositions actuellement prévues à titre de sanction pour les communes carencées. D'autre part, il ne reprend pas la possibilité pour l'État de déroger, sur demande motivée de la commune, à l'obligation de respecter la part de 30% de logements sociaux hors PLS, afin de tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l'opération. Le dispositif conduit donc à une différence de traitement entre quartiers d'une commune carencée : dans le périmètre des gares, la commune ne pourra pas tenir compte de la typologie des logements situés à proximité de l'opération, tandis qu'elle pourra le faire dans le reste de son territoire." Autre argument de la sénatrice LR : "En n'autorisant aucune dérogation, le dispositif proposé pourrait dans certains cas se révéler contraire à l'objectif recherché et ne pas favoriser la mixité sociale. En effet, seuls 25 périmètres sur les 68 gares comptent moins de 25% de logements sociaux. Dans les autres périmètres, le taux varie entre 25% et 83%. Ainsi, la disposition proposée conduirait à augmenter le nombre de logements sociaux dans les périmètres des gares où il est déjà très élevé, comme pour la gare d'Aulnay, où il est de 83%, pour la gare Bagneux M4, où il est de 47%, ou pour la gare La Courneuve Six Routes, où il est de 56%. De même, la proposition de loi augmenterait le nombre de logements sociaux dans les périmètres des gares situés dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou à proximité. Tel serait le cas de treize gares situées dans les périmètres de quartiers prioritaires, comme Clichy-Montfermeil, Les Agnettes, pour les communes de Gennevilliers et d'Asnières-sur-Seine, ou encore Chevilly Trois Communes, à L'Haÿ-les-Roses, et de huit autres situées à moins de 800 mètres d'un tel périmètre."
Faire confiance aux élus
Pour la rapporteure, "les élus, grâce à leur connaissance du territoire, sont les mieux à même de proposer des aménagements urbains garantissant la mixité sociale, comme le montrent les choix opérés par trois communes à propos d'opérations d'aménagement en cours de réalisation autour de ces gares : à Créteil, la commune a choisi de ne pas construire de logements sociaux autour de ce périmètre, mais d'apporter un terrain et d'utiliser les recettes de cet apport pour réhabiliter des logements sociaux situés dans d'autres quartiers ; à Bagneux, la commune a privilégié l'accession sociale maîtrisée à la propriété afin que les habitants puissent devenir propriétaires à des coûts maîtrisés ; à Issy-les-Moulineaux, une opération mixte de logements privés et sociaux a été décidée".
Si la proposition de loi est rejetée en séance, ses auteurs comptent sur le monde associatif pour s'en saisir "afin que localement la population puisse s'adresser aux élus et qu'il y ait des réponses ville par ville", a conclu Christian Favier le 25 octobre.