Eviter les homicides conjugaux : la Chancellerie invite à un meilleur partage d'informations avec les collectivités
Dans une circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales du 23 septembre dernier, publiée ce 5 octobre, le garde des Sceaux invite les procureurs à généraliser la pratique des retours d'expérience mise en place par certains parquets afin "d'identifier collectivement les signaux qui auraient pu conduire à envisager une mesure de protection, d'apprendre à mieux collaborer".
"Dans 70% des homicides conjugaux, aucune plainte, aucun signalement n'était parvenu à l'autorité judiciaire, ni même aux policiers ou aux gendarmes." Dans une circulaire relative à la politique pénale en matière de lutte contre les violences conjugales du 23 septembre dernier, publiée ce 5 octobre, le garde des Sceaux, qui dresse ce constat, invite en conséquence les procureurs à généraliser la pratique des retours d'expérience mise en place par certains parquets afin "d'identifier collectivement les signaux qui auraient pu conduire à envisager une mesure de protection, d'apprendre à mieux collaborer". Un travail d'analyse et de partage d'informations qui, souligne le ministre, doit nécessairement être engagé par "l'ensemble des services qu'il s'agisse de l'État (autorité judiciaire, police, gendarmerie, éducation nationale, préfecture…), des collectivités territoriales (conseil départemental, aide sociale à l'enfance, PMI, mairie) et des autorités de santé (ARS, hôpitaux, médecins de ville…)".
Nul doute que les collectivités se prêteront de bonne grâce à l'exercice. Au-delà, notamment, du rôle dévolu aux services sociaux des départements, elles qui ont pris à bras-le-corps ce dossier, comme en témoignent par exemple les engagements de l'Association des maires de France ou de l'Association des maires d'Île-de-France.
Reste qu'une action résolue – déjà entreprise – au sein même des juridictions, sans doute plus aisée à mettre en œuvre, semble prioritaire. Relevons en effet qu'un rapport de l'inspection générale de la Justice d'octobre 2019 – qui a précisément conduit ce travail d'analyse pour 88 dossiers, identifiant plusieurs facteurs récurrents (antécédents de violence, alcoolisme, inactivité, isolement, annonce de la séparation du couple…) – déplorait ainsi "un manque de partage ou le partage tardif" et un "déficit d'exploitation" de ces informations entre magistrats, fruit notamment d'"un cloisonnement trop important entre les différents services judiciaires". Le rapport dénonçait encore une "communication imparfaite" entre les services enquêteurs et les parquets.
Veiller, ici aussi, à l'exécution des peines
Au-delà de cette question particulière des homicides conjugaux, la circulaire insiste sur les différentes procédures à mettre en œuvre pour éviter cette issue tragique. Elle présente ainsi le dispositif du bracelet anti-rapprochement, pour l'heure déployé dans cinq juridictions et dont on apprend qu'il le sera en novembre dans "le plus gros tribunal judiciaire de chaque cour d'appel", pour être in fine opérationnel sur l'ensemble du territoire en fin d'année. Le ministre de la Justice invite également les procureurs à veiller à l'exécution des peines prononcées : "La réitération de violences, parfois fatales, commises par un auteur ayant fait l'objet d'une précédente condamnation qui ne serait pas encore effective ne peut que susciter l'incompréhension de l'action judiciaire", souligne-t-il.
Éric Dupond-Moretti insiste également sur l'amélioration de l'accueil et de la prise en charge des victimes conjugales – "un devoir qui nous oblige" –, prônant la généralisation du dépôt de plainte simplifié à l'hôpital (mis en place à Amiens), la prise en charge dans un lieu d'accueil unique et adapté (protocole Envol de Coutances) ou encore les dispositifs d'aides aux victimes en urgence développés dans plusieurs territoires (Aix-en-Provence, Valenciennes, Hauts-de-Seine).