Violences intrafamiliales : la procédure de l'ordonnance de protection modifiée
Alors que le confinement s'est traduit par une hausse des violences intrafamiliales, un nouveau décret d'application de la loi du 28 décembre visant à agir contre ces dernières vient d'être publié. Ces violences – qui font plus de 400.000 victimes chaque année – n'épargnent aucune catégorie socioprofessionnelle, souligne une étude que vient de publier l'ONDRP.
La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille (voir notre article) avait notamment pour objectif de faciliter et d'inciter au recours plus fréquent à l'ordonnance de protection, qui permet la mise en place par le juge aux affaires familiales de mesures d’urgences pour protéger la victime (relogement de cette dernière, éviction du conjoint violent, etc.).
Le décret publié ce 28 mai adapte la procédure en conséquence.
Nouvelles modalités de convocation des parties et du déroulé de l'audience
Le législateur ayant imposé au juge un délai maximal de six jours entre le jour de la fixation de la date de l'audience et le jour de la décision (de délivrer ou non cette ordonnance de protection), le décret modifie les modalités de convocation des parties, la convocation par lettre recommandée avec accusé de réception devenant incompatible avec ce délai. Désormais, une fois saisi, le juge doit rendre "sans délai une ordonnance fixant la date de l'audience", notifiée au demandeur par le greffe et signifiée par le demandeur (le cas échéant le ministère public) au défendeur par voie d'huissier dans les 24 h (le recours à la voie administrative étant toujours possible), cette notification valant convocation.
Le décret supprime par ailleurs la possibilité de saisine du juge par voie d'assignation (dont les modalités avaient été revues à deux reprises en décembre dernier, par décrets du 11 , puis du 20).
Il reprend également les dispositions de l'article 515-10 du code civil sur le déroulé de l'audience (en chambre du conseil, les auditions pouvant avoir lieu séparément si le juge le décide), travers déjà récemment dénoncé dans ces colonnes (voir notre article). Ou, au contraire, ajoute au texte : ainsi, alors que la loi dispose que, "à la demande de la partie demanderesse, les auditions se tiennent séparément", le décret retient que le juge entend séparément les parties "si l'une des parties le sollicite".
Enfin, il prévoit que "lorsque le juge rejette la demande d'ordonnance de protection, il peut néanmoins, si l'urgence le justifie et si l'une ou l'autre des parties en a fait la demande, renvoyer celles-ci à une audience dont il fixe la date pour qu'il soit statué au fond sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale et la contribution à l'entretien et l'éducation de l'enfant".
Toutes les catégories socioprofessionnelles concernées, mais inégalement
Le sujet est d'importance. Plus de 400.000 adultes (entre 18 et 76 ans) se sont déclarés chaque année victimes de violences dans le ménage entre 2011 et 2018 (en moyenne), révèle une étude que vient de publier l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP). Les femmes représentant les deux tiers des cas (et 88% des cas de violences sexuelles).
Si aucune catégorie socio-professionnelle n'est épargnée, les personnes sans activité professionnelle et les employés sont plus nombreux à se déclarer victimes (respectivement 1,6% et 1,4% des "effectifs", contre 0,9% pour l'ensemble de la population). La proportion de femmes victimes y est également plus importante (jusqu'à 84% chez les employés).
Plus la victime est "riche et éduquée", moins elle porte plainte
En moyenne, 11% des victimes ont déclaré avoir déposé plainte, mais l'étude souligne que le niveau de revenu ou d'éducation de la victime est élevé, moins elle a tendance à reporter les faits aux autorités. Ainsi, les victimes appartenant aux catégories des employés (13%) et ouvriers (12%) se rendent plus facilement à la police ou à la gendarmerie que ceux relevant des agriculteurs (6%), artisans, commerçants et chefs d'entreprises (6%) et cadres et professions intellectuelles supérieures (4%).
Références : décret n° 2020-636 du 27 mai 2020 portant application des articles 2 et 4 de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille ; ONDRP (A. Sourd), Violences dans le ménage selon la catégorie socioprofessionnelle, Flash' crim n° 28, mai 2020. |