Etrangers, enfance, services publics : les atteintes aux droits se multiplient, alerte la Défenseure des droits
Les réclamations traitées par la Défenseure des Droits ont concerné majoritairement les relations avec les services publics : le rapport annuel 2022 de l'autorité en décompte plus de 82.000, en hausse de 14% sur un an. Claire Hédon alerte surtout sur les atteintes aux droits qui "se multiplient", notamment pour les étrangers, en matière d'accès aux services publics et pour la protection de l'enfance.
"Depuis presque trois ans que je suis en poste, je constate des atteintes aux droits qui portent atteinte à la cohésion et à la démocratie. On a une augmentation dans tous les domaines", a constaté Claire Hédon, la Défenseure des Droits, dans un entretien accordé à l'AFP, à l'occasion de la publication de son rapport annuel, lundi 17 mars 2023. En 2022, l'autorité a reçu plus de 125.000 réclamations, soit 9% de plus que l'année précédente et 100.416 appels aux plateformes téléphoniques, soit +19% que l'année précédente, témoignant des difficultés des usagers dans leur relation avec les services publics.
Les réclamations traitées par les 570 délégués, présents dans les 96 départements métropolitains et 5 départements d'outre-mer, concernent majoritairement les relations avec les services publics : plus de 82.000 réclamations, en hausse de 14% sur un an. "À l’heure où s’installe progressivement le sentiment que la démocratie ne fonctionne pas bien, le Défenseur des Droits a un rôle essentiel", souligne la Défenseure des Droits dans ce rapport annuel.
En l'occurrence, les atteintes aux droits et les "entailles" aux principes qui fondent la société française se multiplient, notamment pour les étrangers, en matière d'accès aux services publics ou de protection de l'enfance, a résumé Claire Hédon, estimant que "la situation de l’accès aux préfectures en est aujourd’hui l’exemple le plus criant".
L'impossibilité d'un rendez-vous en préfecture
Ses services alertent en effet sur les atteintes aux droits fondamentaux des étrangers, premier motif de saisine de l'institution : elles représentent près d'un quart des 125.456 réclamations enregistrées en 2022. De 6.540 en 2019, le nombre de réclamations est passé à 21.666 en 2022, soit une hausse de 231%. Cette augmentation est même de 450% en Île-de-France. "Les droits fondamentaux des personnes étrangères sont trop souvent mis de côté. Le nombre de réclamations les concernant atteint, en 2022, un niveau jamais connu dans l’institution", peut-on lire dans le rapport.
En cause dans de très nombreux cas, l'impossibilité pour les ressortissants étrangers de prendre un rendez-vous en préfecture pour demander ou renouveler un titre de séjour, obtenir une réponse des services de l'Etat ou des délais d'instruction extrêmement longs pour les obligations de quitter le territoire français (OQTF). Claire Hédon déplore à ce titre les suppressions d'effectifs dans les services publics, qui ont un impact sur l'accueil des personnes, en rappelant que l'institution n'a pas "vocation à devenir le 'Doctolib' de la prise de rendez-vous en préfecture".
Manque de moyens pour les personnes vulnérables
La Défenseure des Droits pointe par ailleurs du doigt "l'état dramatique" de la protection de l'enfance, dont les réclamations sont en hausse de 20% sur un an pour atteindre 3.586. "Comme ce qu'il se passe dans les Ehpad, cela concerne aussi la petite enfance. On manque de moyens pour les personnes vulnérables", commente Claire Hédon.
De nombreuses saisines concernent notamment le droit des enfants en situation de handicap d’accéder, comme les autres enfants, à l’éducation. Le rapport 2022 rappelle qu'en août 2022, l'autorité a publié un rapport relatif à l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap dans lequel elle souligne que beaucoup des décisions octroyant des AESH demeurent ineffectives. Elle avait formulé aux pouvoirs publics dix recommandations pour garantir l’effectivité des droits de l’enfant en situation de handicap notamment dans l’accès à l’éducation.
De manière générale, la Défenseure des Droits appelle toutes les administrations à lutter efficacement contre le non-recours aux prestations sociales, qui touche massivement les usagers les plus vulnérables.
900 nouvelles réclamations au sujet de "MaPrimeRénov’"
Par ailleurs, le rapport rappelle que la plateforme "MaPrimeRénov'" a connu des défaillances notables. "Si la dématérialisation peut faciliter certaines démarches, elle est trop souvent synonyme d’une dégradation des relations entre services publics et usagers". En octobre 2022, sur la base des réclamations qui lui ont été adressées, la Défenseure des Droits avait dressé un état des lieux des dysfonctionnements de la plateforme "MaPrimeRénov’" dans une décision portant recommandations à l’Agence nationale de l’habitat (décision-2022-199). Elle y alertait notamment sur les conséquences de la dématérialisation des procédures et rappelait que l’usager doit pouvoir choisir le mode de communication le plus approprié à sa situation lorsqu’il échange avec l’administration. Depuis cette date, le rapport annuel établit que la Défenseure des Droits a reçu plus de 900 nouvelles réclamations au sujet de "MaPrimeRénov’".
Comme les années précédentes, l'année 2022 a été marquée par les questions de relations entre police et population : la Défenseure des Droits a enregistré une légère hausse (+2%) des dossiers liés à la "déontologie de la sécurité", avec 2.455 réclamations, dont la majorité concerne l'action des forces de l'ordre. Statistiquement, les manquements à la déontologie de la sécurité représentent 3% des réclamations reçues par l'institution en 2022. A noter que la mobilisation contre la réforme des retraites a donné lieu à "115 saisines depuis le début des manifestations sur les retraites".